Citation:
Dans le Midrash Tanḥouma, Lech Lecha 8, il semble ressortir que מכת בכורות aurait duré toute la seconde partie de la nuit, alors que j’avais toujours compris — peut-être à tort — que tout s’était déroulé en un seul instant.
Comment faut-il comprendre ce passage ?
On pourrait dire que les effets de makat Bekhorot ont duré toute la nuit (dispute des fils avec leurs aînés, plaintes des familles etc.) mais je n'en suis pas très convaincu...
Ce n’est pas dans
§8, mais
§9 (du moins dans l’édition classique).
Je l’ai retrouvé car j’avais inscrit dans la marge de mon
Tan’houma cet étonnement, il y a une vingtaine d’années.
En fait c’est une ma’hloket et cette opinion qui se retrouve dans le
Midrash Tan’houma ne correspond pas à l’avis de
Rabbi Tan’houma, comme il semblerait de la
Psikta Rabati (Hossafot, Perek 2 -éd. de Ish-Schalom avec Tosfot Méir Ayin-Maguen David, Wien 1880, daf 196a) qu’il pense que cette plaie n’aurait duré qu’un bref instant.
Par contre, l’opinion que vous avez lue dans le
Midrash Tan’houma est celle de
R. Yo’hanan, dans la préface de
Massekhet Sma’hot, il y a dit explicitement que la Maka a eu lieu dès ‘Hatsot mais les victimes n’en sont pas mortes immédiatement, elles ont agonisé jusqu’au matin.
(La plaie se serait donc étalée sur toute la seconde moitié de la nuit, et un peu plus.)
Le
Na’halat Yaakov (ad loc.) explique pourquoi cet enseignement est rapporté en préface à
Massekhet Sma’hot, car il servirait de preuve au premier enseignement qui se trouve dans la Massekhet qui considère l’agonisant comme vivant.
Cela répondrait à une question que l’on pourrait avoir concernant D.ieu qui a œuvré « personnellement » lors de la plaie, alors qu’Il aurait un statut de Cohen Lui imposant de ne pas entrer en contact avec un mort…
Voyez plus en détail son Droush, basé sur la Gmara
Sanhédrin (39a) où un Min demande à R. Abahou comment D.ieu qui a enterré Moshé Rabénou a-t-Il fait pour se purifier ensuite. Et
Tosfot (ad loc) explique qu’il n’y a pas de difficulté quant à « l’impurification » elle-même car les juifs sont considérés les fils de D.ieu (בנים למקום).
A partir de là, le
Na’halat Yaakov souligne que cette réponse de
Tosfot ne répondra pas concernant la Makat Bekhorot, et il répond par cet enseignement de R. Yo’hanan qui nous dit que les premiers nés ne sont pas morts immédiatement, de sorte qu’il n’y a pas eu de contact avec un mort, car la loi est que le
Gossess (l’agonisant) garde son statut de « vivant » jusqu’à l’expiration finale.
C’est un Droush bien entendu, inutile de le préciser, mais je le précise tout de même pour éviter les égarements de certains lecteurs non-avertis. Une des objections majeures serait que D.ieu n’a pas besoin d’un « contact » pour ôter la vie, et qu’il n’a pas les lois du Cohen, etc…
Cependant, si nous parlons de cet enseignement de R. Yo’hanan, je souligne une autre difficulté :
Une personne a demandé au
Brisker Rov la question suivante : comment peut-on dire que la Maka a eu lieu exactement à ‘Hatsot
(Brakhot 4a), pourtant le moment de ‘Hatsot n’existe pas !
C-à-d que ‘Hatsot est « le milieu de la nuit » mais ce n’est pas un « moment », il ne dure pas dans le temps, pas même une fraction de seconde.
Donc comment dire que D.ieu aurait opéré cette Maka exactement au moment de ‘Hatsot ?
Le
Brisker Rov lui a répondu : le moment de la mort aussi n’existe pas, c’est juste qu’ils ont arrêté de vivre (mais il n’y a pas un moment définissable où la personne n’est ni vivante ni déjà morte et seulement « en train de mourir »).
Dire que D.ieu a agi exactement à ‘hatsot, cela veut dire que durant la première moitié de nuit ils étaient vivants, et durant la seconde moitié de la nuit ils étaient morts. Car on est soit vivant soit mort, il n’y a rien entre les deux.
[Je signale au passage que le Guilyonei Hashas (Engel) (Sanhédrin 58b) indique qu’il existe parfois un statut intermédiaire. Néanmoins ce n’est pas une objection à ce que dit le Brisker Rov car ce que dit Rav Yossef Engel est qu’il y a certaines situations où cela existe, mais pas que cela concernerait tous les morts.]
[Autre chose : il y a aussi dans le Midrash Beréshit Raba (§10,9) une notion similaire par rapport à D.ieu qui maîtrise le temps, et le verset qui dit qu’Il a terminé la création du monde le 7ème jour signifie que la création a encore duré durant tout le 6ème jour jusqu’à sa fin, alors que durant le 7ème jour il n’y avait plus aucune « création ».
Là-bas ça se comprend car avoir terminé la création est un Matsav, Il est en situation d’avoir terminé, donc cela s’applique aux premiers moments qui suivent la fin du « travail ». Durant le jour 6 D.ieu créait et durant le 7 Il ne créait pas. C’est comme chez nous, durant la première moitié de nuit ils étaient vivants, et durant la seconde moitié de la nuit ils étaient morts.]
C’est une très belle réponse.
Seulement voilà, d’après ce que nous dit R. Yo’hanan (et le
Tan’houma), ça ne marche pas, car à partir du moment où l’on dit que l’action de D.ieu a duré toute la seconde moitié de la nuit on ne peut plus dire qu’Il a agi « précisément à ‘Hatsot ».
Certes, il reste possible de dire que Son action s’est étendue «
depuis le début de la seconde moitié de la nuit », mais elle n’a donc pas eu lieu «
exactement à ‘Hatsot » puisque c’est un moment qui n’existe pas dans le temps.
C-à-d qu’on ne peut pas dire que la plaie a « débuté à ‘Hatsot » dans la mesure ‘hatsot n’existe pas, il faut dire qu’elle a débuté « juste après ‘hatsot ».
(Si l’action se résume à l’arrêt de vie, puisque ça ne s’inscrit pas dans le temps, on peut la faire coïncider avec ‘Hatsot qui ne s’inscrit pas non plus dans le temps et dire, comme l’a dit le
Brisker Rov, que durant la première moitié de nuit ils étaient vivants, et durant la seconde moitié de la nuit ils étaient morts.
Mais à partir du moment où l’on va parler d’un effet qui va durer
(une fraction de seconde ou plusieurs heures), il est faux ou imprécis de dire qu’il aurait commencé « exactement à ‘Hatsot ».)
PS: Je ne me relis pas, navré pour les fautes.