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Les fameux petits papiers

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MrQuestion
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Cher Rav Wattenberg,

Un Rav m’a expliqué que mettre un petit papier dans les trous du Kotel avec un nom ou une prière n’est pas une chose convenable.

Tous les guédolim se moquent de ce minhag qui a été inventé par des Ama’eretz et que ça n'a aucune source ni chez les richonim ni les hakh'aronim, que c’est même peut-être une invention des goyim.
Aucun Rav n’a jamais fait cela et ça serait même assour car on rentre dans le beth hamiqdache (en mettant le doigt dans le trous).

J’ai été choqué d'un tel avis d'autant que tout le monde dépose un papier.
Surtout quand on ne peut pas venir au Kotel, on donne à celui qui y va un papier avec son nom.

Qu'en pensez-vous? En est-il de même pour ceux qui déposent des papiers au 770 ?

Merci par avance.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6957
Citation:
Un Rav m’a expliqué que mettre un petit papier dans les trous du Kotel avec un nom ou une prière n’est pas une chose convenable.
Tous les guédolim se moquent de ce minhag qui a été inventé par des Ama’eretz et que ça n'a aucune source ni chez les richonim ni les hakh'aronim, que c’est même peut-être une invention des goyim.
Aucun Rav n’a jamais fait cela et ça serait même assour car on rentre dans le beth hamiqdache (en mettant le doigt dans le trous).
J’ai été choqué d'un tel avis d'autant que tout le monde dépose un papier.
Surtout quand on ne peut pas venir au Kotel, on donne à celui qui y va un papier avec son nom.
Qu'en pensez-vous? En est-il de même pour ceux qui déposent des papiers au 770?



Je n’ai pas bien compris ce que vous voulez dire avec le 770, je suppose que vous ne parlez pas de déposer des papiers au 770 mais plutôt au Kever du Rabbi de Loubavitch, mais je ne vois pas comment pourrait-on y appliquer les mêmes problèmes ?
Personne ne vous dira qu’il y a un problème de pénétration dans le Beit Hamikdash en mettant un papier sur la tombe du Rabbi.

Mais j’en viens à (l’essentiel de) votre question, peut-on défendre ce minhag en dépit de ceux qui disent qu’il est interdit de déposer des papiers dans les interstices du Kotel ?

Ce que vous avez entendu qu’il y aurait pénétration dans le Beit Hamikdash est imprécis, il s’agit plutôt d’une pénétration dans l’espace du Har Habayit, car le Kotel n’est pas un mur du Beit Hamikdash, c’est un bout de la muraille de l’enceinte du Har Habayit.
Voir Shout Mishné Halakhot (XIV, §282) et les différentes sources indiquées dans Encyclopédia Talmoudit (33, p.642, note 9).

Cependant, de nombreuses personnes, dont des rabanim, croient qu’il s’agit d’un mur du Beit Hamikdash, donc vous ne serez pas le premier à vous tromper là-dessus.
[Avec parfois incidence sur la Halakha de la Kria à la vision de « Mekom Hamikdash », certains se contentent de la vision du Kotel bien qu’il ne soit pas « Mekom Hamikdash », d’autres ne s’en contentent pas [cf. Aveilout Ha’horban (R. Yoel Schwartz, p.94), Shout Avnei Derekh (IV, o’’h §80)], mais celui qui s’imagine que c’est un mur du Beit Hamikdash passe à côté de cette problématique.]

Il faut dire qu’il y a des textes assez trompeurs sur ce sujet, comme le Tana Devei Eliahou Raba (§30), Bamidbar Raba (11,2), Shir Hashirim Raba (2,9), Tan’houma Buber (Shemot §10) qui pourraient permettre de comprendre que le Kotel serait bien un vestige du Beit Hamikdash.

Mais même si ce n’est qu’un mur d’enceinte du Har Habayit, les Poskim discutent de l’autorisation d’y insérer un papier ou simplement un doigt (voire même de s’en approcher trop près -cf Even Israel Fisher, III, Hil. Beit Habe’hira VI,7, p. 92), ce qui pourrait constituer une pénétration sur le Mont du Temple en état d’impureté.
Voir Mishkenot Avir Yaakov (Midot §1 et aussi dans la Haskama du Adéret -pour qui c’est un safek issour Torah), Péèr Hador (II, p.48 note 53) qui cite R. Betsalel Landau dans Heikhal Kotsk (II, Tel Aviv 1959, p.365) qui indique aussi la position rigoureuse sur ce point du Maharil Diskin et du Maharam Auerbach (le Maharil Diskin ne s’approchait même pas du Kotel, car il craignait que ce soit un mur de la Azara, cf. ‘Hout Shani, Bnei Brak 2015, p.375), suivis par le ‘Hazon Ish (qui mettait en garde de ne pas insérer ses doigts dans les interstices du Kotel), Rav Kook aussi voyait un problème à insérer un doigt dans le Kotel (Piskei Maran, Ora’h ‘Haïm p.249), Rav Elyashiv (Ashrei Haïsh, o’’h III, §73,26) dit que le Minhag est d’être Ma’hmir de ne pas insérer ses doigts dans le Kotel. Ce qui exclut donc d’y déposer un petit papier.

Voyez aussi Piskei Tshouvot (§561,6 et notes 31, 32 et 33) et les Poskim qu’il indique.

Il y a même Rav JB Soloveitchik (Nefesh Harav p.101) qui disait à ses élèves de ne pas s’appuyer sur le Kotel car cela pourrait être Meïla. Voir aussi Shout Vedover Shalom (Hadaya) (Y’’D §9 -Jér. 1924, daf 62a).

Mais le Shout Avnei Nezer (Y’’D §450) autorise.

Je ne comprends pas trop cette idée qu’insérer son doigt entre les pierres du Kotel serait une pénétration dans l’espace sanctifié.
Tout d’abord, il semble évident à certains Poskim (dont le Piskei Tshouvot fin de §561) que si le Kotel est un mur du Har Habayit, il est clair que son « épaisseur » n’a pas été sanctifiée (et on peut donc y insérer les doigts).
Mais surtout, je ne comprends pas d’où vient cette idée selon laquelle la Kdousha évoluerait tout droit, du sol vers le ciel, de manière exactement perpendiculaire au sol, pour que l’on décide que l’espace de la moindre faille ou interstice entre les pierres serait un endroit consacré et Kadosh ?
Pourquoi ne pas dire simplement -même en imaginant que « l’épaisseur » du mur a été sanctifiée- que la Kdousha suivrait la limite de la pierre ; si elle dépasse un peu ou l’inverse, peu importe, ce qui importe c’est que "depuis la pierre" et vers l’intérieur, c’est Kadosh. Du coup, les trous et espaces etc. ne seraient pas Kdoshim.

Idem par rapport à ce qu’écrivent certains A’haronim, qu’étant donné que chaque rangée de pierres du Kotel est légèrement décalée par rapport à celle sur laquelle elle repose (chaque rangée est légèrement moins profonde que l’autre, les pierres sont un peu moins épaisses, afin de gagner en stabilité), donc les pierres du haut (je ne parle pas de l’ajout supérieur tardif en petites pierres) sont nécessairement très décalées par rapport à la toute première rangée.
Or, la base du Kotel actuelle n’est pas du tout la base d’origine, il y a une quinzaine de rangées (voire 18 rangées) de pierres sous le niveau (actuel) du sol. Du coup, en se tenant près du kotel, même sans le toucher, on serait déjà dans l’espace sanctifié !
Là aussi (et là encore plus, car c’est assurément d’origine), je me demande pourquoi décréter que la Kdousha monte vers le ciel de manière perpendiculaire et non en suivant le mur ?

[Il faut aussi noter que même si le Kotel était parfaitement droit, avec des pierres d’une profondeur parfaitement égale, puisque sa base est « 18 étages » plus bas, même en imaginant que la Kdousha monte de manière parfaitement perpendiculaire au sol, il s’agirait de tracer cela depuis le sol tout en bas, or, comme la terre est sphérique, on devrait malgré tout élargir un peu (et ajouter de l’espace sanctifié autour du mur plus on monte) pour rester perpendiculaire au sol (puisque le sol est légèrement « arrondi » sous la base du mur).
C’est un calcul théorique, car bien entendu, sur quelques mètres de largeur, on ne va pas obtenir à cette si basse altitude (mois de 100 mètres) un décalage notable. Mais cela montre une faiblesse supplémentaire dans cette idée qui semble pourtant admise et qui veut que la Kdousha monte de manière perpendiculaire au sol.]

Voir encore Shout Beit Ridbaz (§38), Shout Rabbi Akiva Yossef (Y’’D 1, §176) et Igrot Moshé (o’’h II, §113).

[Et ce qu’a écrit Rabbi Moshé ‘Hagiz dans Elé Massei (Jér. 1959, p.16) que le Arizal סמך ידו על כותל המערבי ne veut pas dire qu’il aurait mis la main sur le Kotel, mais qu’il a « validé » la reconnaissance du Kotel comme le fameux vestige dont parle les Midrashim.
Concrètement, le Arizal n’est pas entré dans Jérusalem tant il craignait la Kdousha du lieu, il évitait de pénétrer dans Jérusalem, quitte à contourner et faire un détour.]

Toutefois, déposer un petit papier est un ancien Minhag qui a plus d’un siècle, comme certaines sources le prouvent, voyez ce que j’ai écrit ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=55370#55370 , et comme tout ancien Minhag auquel les Rabanim ne se sont pas (clairement/massivement) opposés, il a certainement une raison d’exister.

Au départ, ces papiers étaient surtout des Tfilot envoyées par des juifs de Gola via un des leurs qui allait faire le voyage jusqu’en Israël, ce qui n’était pas donné à tout le monde.
Dans ce cas, les personnes du village le chargeaient avec leur petite prière, un Kvitl, à insérer dans le Kotel (voyez le lien indiqué plus haut).
Par la suite, c’est devenu une habitude auprès de ceux qui ne « savent » pas prier (ou qui estiment que leur prière orale pourrait ne pas être suffisante) de déposer eux-mêmes un petit papier avec leur propre prière inscrite dessus.

Le Rav Yossef Shaltiel rapporte dans son ouvrage Yossef Avraham (Shemot daf 3b) le témoignage d’un rav selon qui un des élèves du Or Ha’haïm (Rabbi ‘Haïm Benattar) partant pour Jérusalem lui avait proposé d’emporter une lettre (certains disent que cet élève était le ‘Hida, mais je ne sais pas sur quoi ils s’appuient), le Rav lui répondit qu’il n’avait pas d’amis à Jérusalem, mais qu’il allait lui donner une lettre pour la Shkhina à insérer dans une fente du Kotel Hamaaravi.
Il n’y voyait pas de problème halakhique.

[Ce passage est aussi cité brièvement dans Pada Eth Avraham de R. Avraham Palacci (daf 66d).]

Rav Yossef Shaltiel parle d’insérer la lettre dans le Kotel Hamaaravi « du beit hamikdash » (!), voilà donc un auteur de plus qui a commis cette erreur (de croire que c’est un mur du Beit Hamikdash) et ça ne l’a pas empêché d’ignorer un problème de pénétration en y insérant les doigts…

Voyez aussi le Shout Rashban (o’’h §101, dans la note daf 77b) qui semble considérer (ou du moins les fidèles de la communauté considéraient) que le Kotel serait une des « murailles du Beit Hamikdash ».
Je cite ce Rav (le Rashban, Rav Shlomo Tsvi Schük) à dessein car il avait une grande culture, dépassant les limites du Talmud et écrits rabbiniques classiques.

Voyez encore, dans un autre registre, mais toujours une personne très cultivée, le grand rabbin Jacob Kaplan qui, dans le livre de Pierre Pierrard qui lui est dédié (Le grand rabbin Kaplan, éditions du Centurion, 1977, p.262), dit avoir « prié devant le Mur Occidental, ce vestige sacré du Temple »…Voir aussi Igrot Moshé (Y’’D IV, §63,11) mais aussi (O’’h II, §113).

Bien avant eux, le Radbaz (§691 et §648) considérait que le Kotel comme un vestige de la muraille de la Azara du Beit Hamikdash.
Le Rav Danzig (auteur du ‘Hayei Adam) écrit lui aussi dans son Shaarei Tsedek (Shaar Mishpetei Haarets §11,8) que le Kotel est un mur de la Azara.

Rabbi Binyamin de Tudèle (Massaot Shel R. Binyamin, éd. Adler, London 1907, p.24) écrit sur le Kotel Hamaaravi qu’il est un des murs du Temple au Kodesh Hakodashim אחד מהכתלים שהיו במקדש בקדש הקדשים (voyez la remarque de Rav Eisenstein dans son Otsar Massaot p.27 note 4 qui souligne que c’est une erreur de Rabbi Binyamin de Tudèle.)

[Il convient aussi de souligner que Rav ‘Hagiz dans Elé Massei (Jér. 1959, p.5) écrit que le Kotel a été construit par (/sur les fondations de) David Hamélekh, car le Midrash dit bien que D.ieu a promis à David que ce mur ne serait pas détruit.
Or, si un mur a été construit par David, c’est donc bien une partie de la muraille et non du Beit Hamikdash que David ne pouvait pas construire.
Plus encore, à l’époque de David (enfin, de Shlomo), il s’agit du premier Beit Hamikdash… En tout état de cause, nous pensons aujourd’hui que ces pierres datent de Hérode, donc du second Beit Hamikdash.]



Tout ceci est assez étrange car le mur du Beit Hamikdash (de la Azara) ne mesurait que 135 Amot de long, alors que le Kotel est nettement plus long que ça. (Et puis cela signifierait que le Kotel Hadromi, qui est rattaché au Kotel Hamaaravi au sud (extrême droite) serait lui aussi un mur du Beit Hamikdash…)

Voir aussi Tsits Eliezer (X, §1) ainsi que le Shout ‘Havalim Baneïmim (III, o’’m §80) qui écrit qu’il y a des preuves claires que le Kotel faisait partie de la muraille du Har Habayit et non du Beit Hamikdash.

[Et puis, s’il s’agissait d’un mur du Beit Hamikdash (=de la Azara), nous devrions nous en éloigner encore plus (pas seulement de quelques amot), car l’esplanade devant le Kotel serait aussi à l’intérieure de l’enceinte, c-à-d qu’elle ferait partie du Har Habayit.]

Parmi les Rishonim aussi nous retrouvons l’idée que le Kotel serait une muraille du Har Habayit.
Rabbi Elazar Hakalir (Kina 16 des Kinot du 9 Av nossa’h Ashkenaze) écrit :
עַל פֶּתַח הַר הַבַּיִת הֵחֵל לָבֹא. בְּיַד אַרְבָּעָה רָאשֵׁי טַפְסְרָיו לְהַחֲרִיבוֹ. עַל צַד מַעֲרָבִי לְזֵכֶר הִשְׂרִיד בּוֹ. וְצָג אַחַר כָּתְלֵנוּ וְלֹא רָב רִיבוֹ
On en comprend que le Kotel est un mur du Har Habayit.

Idem pour le Kaftor Vaféra’h (§6).
Voir aussi Or’hot Rabénou (II, p.186).

Voir encore le Har Hakodesh (Shapira) (Jér. 1992, p.143) qui indique que la longueur (totale) du Kotel Hamaaravi est de 488 mètres, or le mur de la Azara ne faisait que 135 Amot, c-à-d moins de 70 mètres. Voir aussi Or’hot Rabénou (I, p.322).

Certes, le mur du Har Habayit est supposé mesurer 500 Amot (et là nous avons à peu près le double, une Ama faisant à peu près 50 cm), mais d’après Flavius Josèphe, le roi Hérode aurait agrandi la surface du Har Habayit et donc cette muraille occidentale (en la multipliant approximativement par deux).


Quant à savoir si, sans parler de problème de pénétration en zone interdite, l’idée de déposer des prières écrites est appréciée de tous, non, certainement pas, mais vous vous en doutiez.
Il en va de même pour les papiers (Kvitlekh) déposés sur les tombes de Tsadikim (du Rabbi de Loubavitch ou autre), ça ne plait pas à tout le monde.
Voyez l’hebdomadaire « Bat Kol » (Lemberg 1913, feuillet 17-18) réimprimé dans Kitvei Harav Dr Yossef Zeliger (Jérusalem 1930, p.38) où il dénonce la « stupidité » de ceux qui déposent ce type de petits papiers sur la tombe du Rama (à Cracovie) en caressant vraisemblablement le fol espoir que le Rama se lève et sorte de sa tombe pour lire leurs lettres. Nous comprenons que cet auteur s’opposerait tout autant au dépôt de Kvitlekh sur la tombe du Rabbi de Loubavitch.

PS : je ne me relis pas (shabbat approche…), tout en espérant que mon texte ne soit pas trop diffus pour être compris, car je n’ai pas eu le temps de l’ordonner suffisamment. Je vous prie par la même occasion d'excuser les fautes.
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