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L'Orthodoxie Moderne a-t-elle un avenir en France ?

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pomme
Messages: 76
@ M.O. et tous les pro-Modern-Orthodoxie,

J'avoue demeurer un peu perplexe, en fin de compte en quoi ce que vous présentez comme un plus ou moins "nouveau courant" diffère-t-il de ce que l'on appelle les Mizra'him ?

M.O. semble même avoir fait la Yéchivat hesder. Alors que proposez vous de plus (ou de moins) qu'eux ? En quoi vous différenciez-vous d'eux ?

Est-ce seulement le fait que pour les Mizra'him le fait d'habiter en Erets Israël soit presque un impératif, alors que pour les M.O. cela l'est apparemment un peu moins ?

Merci de m'éclairer sur ce point.
Modern Orthodox
Messages: 43
@ Pomme

Encore une fois la MO n'est pas un nouveau courant. Aux USA, les plus vieilles institutions orthodoxes du continent sont MO (la Yeshiva University, le label de kasherout OU, l'union des rabbins orthodoxes ou RCA...).

Pour la différence entre MO et sionisme religieux (le terme mizrahi n'est plus utilisé depuis une bonne vingtaine d'années et designe l'ancien parti politique du mouvement), elle est mince. Les deux tendances sont très proches.

L'idéologie de Torah Veavoda du mouvement sioniste religieux est très basée sur la terre d'Israel (Avoda ne désigne pas le travail en général, mais bien le travail de la terre et la construction du pays). Chez les MO, vous l'avez compris, on est moins centré sur la terre. Il est à noter que certains cercles sioniste religieux n'accorde que très peu d'importance aux sciences et matières profanes (une idéologie très proche du monde haredi, d'ou leur surnom de HarDaL = Haredi Dati Leoumi). Cette tendance est donc éloignée de la MO.

Mais sinon, on peut dire qu'il n'existe pas, en israel, de différences entre MO et sionistes-religieux. Évidemment, il est difficile de dire des MO américains qu'ils soient sionistes-religieux, sinon, que font-ils en h'outz laharetz... ?

Mais ne vous focalisez pas trop sur le titre un peu sectaire de Modern Orthodox. Je l'utilise surtout pour faire comprendre au public français qu'il s'agit d'un courant de pensée bien spécifique.
pomme
Messages: 76
Merci M.O.,

Par "nouveau courant", que j'avais mis entre guillemets, j'entendais la chose non pas d'un point de vue historique, mais par rapport aux courants connus du publique français. Je voulais donc dire "nouveau" pour votre auditoire, ce qui justifie vos efforts de le faire connaitre.

Si j'ai bien compris votre réponse, en fait ce qui vous "chatouille" le plus c'est le rapport du juif à la modernité. Et vous trouvez, disons, dommage ou bien même injuste, ou encore peut être "mal calculé", le fait que le judaïsme orthodoxe "pur", se retranche volontairement du modernisme, que ce soit au niveau culturel, professionnel, ou encore tout simplement social.

Encore, ce qui motive votre action, comme l'ouverture de votre site, ou encore le débat lancé ici, c'est le désir de faire savoir que l'option modern-orthodoxe, est non pas un choix imposé par la force des choses à ses adeptes, incapable de "devenir orthodoxes" parce que trop attachés au matériel, mais qu'il s'agit bien d'une idéologie fondée avec ses autorités et ses propres repères.

Corrigez-moi si je me trompe.
Modern Orthodox
Messages: 43
pomme
Messages: 76
@ Modern Orthodox, Moadim lessim'ha.

Merci pour votre dernière appréciation. Je crains que la suivante soit moins positive, mais puisque vous êtes venu vous aventurer sur un site "haredi", je pense que ma réaction ne débordera pas de ce que vous attendiez, ou de ce à quoi vous vous attendiez en le faisant.

Il semble malheureusement assez clair que vous vous méprenez sur ce qu'est l'orthodoxie. Vous en percevez bien le vêtement – et celui-ci vous déplait fortement – mais le corps pas du tout. Et je remarque que ce dont vous cherchez éperdument à vous démarquer, ce n'est pas l'orthodoxie même, mais sa seule forme extérieure. Je vous propose donc d'essayer de réfléchir avec moi aux véritables préoccupations de l'orthodoxie avant de la critiquer sans la comprendre.

Comme il est impossible de parler dans le vide, je vais devoir m'attacher à un ou deux exemples qui illustrerons mes propos. Je vous fais donc confiance et suppose que vous voudrez bien comprendre qu'il ne s'agit pas spécifiquement de ces exemples dont je cherche à parler, mais bien de toute la façon d'aborder le problème.

En jetant un œil sur votre site je suis tombé, sur la toute première page qui s'est offerte à moi, sur le sujet des dons d'organes, qui sont prélevés après l'arrêt cérébral mais avant l'arrêt cardiaque ou respiratoire. Comme vous le signalez, les avis des rabbins ont divergé à ce sujet. Pourtant vous pensez avoir remarqué qu'avec le temps pratiquement tous les rabbins orthodoxes se sont rangés du côté de ceux qui interdisent les dons d'organe dans ces conditions, et pratiquement tous les rabbins M.O. se sont retrouvés de l'autre côté. Ce fait vous étonne : puisqu'il s'agit d'une décision qui relève du domaine de la hala'ha, chaque rabbin devrait parvenir au bout de sa propre investigation à un avis personnel, sans rapport avec ses tendances au niveau de la hachkafa. Je passe sur votre explication, et me permets de vous livrer ce qui à mes yeux explique pourquoi les rabbins orthodoxes finissent pratiquement tous à tendre du même côté.

Le problème de la fixation du statut du moment de la mort d'une personne est, on le comprend, d'une extrême gravité. D'un côté si la personne qui respire encore est pour la hala'ha – et donc pour D.ieu – bien vivante, lui retirer le cœur ou tout autre organe vital est un homicide pur et dur. A l'opposé si aux yeux de la hala'ha cette personne est d'ores et déjà morte, alors donner son cœur à une autre personne, elle-même en danger de mort, relève de la mitsva de sauver une vie. Or à partir de nos sources, aucune preuve tranchante n'a pu à ce jour être apportée sur le statut du cas de la mort cérébrale, inconnu à l'époque du Talmud ou des Richonim. Il existe bien sûr dans le Talmud et dans les responsas certains points qui peuvent guider la réflexion dans un sens ou dans l'autre, comme vous l'évoquez brièvement dans votre article, mais il ne s'y trouve rien d'absolument catégorique.

Pour cette raison, le monde orthodoxe refuse de permettre les dons d'organes. Parce qu'en aucun cas un rabbin orthodoxe ne prendra le risque d'autoriser d'enfreindre la volonté divine. Or puisqu'il subsiste un doute évident quant à l'état de la personne, au niveau de la hala'ha, après l'arrêt cérébral, permettre de prélever ses organes en reviens à risquer de permettre un homicide, et donc risquer d'enfreindre la volonté divine. Et, bien que de l'autre côté, lorsque nous nous abstenons de le faire, cela nous empêche de sauver d'autres vies, la directive en cas de doute dans la hala'ha, comme celui-ci, est "Chev véal taassé", mieux vaut s'abstenir d'agir, que de mal agir.

Vous avez tort de voir ici un rejet des découvertes modernes de la part des orthodoxes. Les rabbins orthodoxes sont tout à fait conscients de la potée de la science, mais tiennent seulement à ne pas se laisser éblouir par celle-ci. En effet, vous avez raison, il est "possible" que la mort cérébrale soit un critère de mort d'après la hala'ha, mais il est également toujours "possible" qu'elle ne le soit pas. Ce n'est que sous la pression de la modernité (puisque ça se fait dans le monde, pourquoi serions-nous, nous les juifs, différents de tous les autres. Sans parler de l'influence au niveau international si jamais les israéliens étaient moins donneurs que les autres nations, etc.) que certains rabbins non orthodoxes semblent malheureusement avoir cédé, et se sont lancé dans l'autorisation de ce qu'ils savent risquer être un homicide, et donc une effraction de la volonté divine.

Toujours dans la même page sur votre site vous faites l'éloge du député israélien Haïm Amselem, qui défend l'idée que les conversions effectués dans l'armée israélienne puissent être valables. Ici aussi, cette manière de mettre sous silence les problèmes de hala'ha pour arranger les problèmes pratiques qui se présentent à nous est dénoncée par les orthodoxes. Il est de notoriété publique que les soldats de Tsahal qui se convertissent au judaïsme n'ont aucunement l'intention de prendre sur eux au moment de leur conversion de respecter les mitsvot. Ce fait étant donné, nous savons très bien que l'acceptation des mitsvot est normalement une condition sine qua none à la conversion, et que donc les conversions de Tsahal, n'ont aucune valeur. Ceux qui cherchent malgré tout à faire avaler le poisson, sont encore une fois sous l'effet de la pression, et ne prennent pas en considération le fait que si cette conversion est réellement non-valable – ce qui est plus que probable – alors aux yeux de D.ieu, ces personnes ne sont pas juives, et lorsqu'ils se marieront, leur descendance ne le sera pas non plus, ce qui entrainera avec le temps à la disparition du peuple juif. Par peuple juif j'entends évidemment juif tel que la hala'ha le considère. Peut-on dire, comme vous le faites, que nous respectons la hala'ha, si l'on se risque à faire disparaitre tout le peuple de la hala'ha ?

Dans les pages précédentes de discussion du forum dans lequel nous nous trouvons, le sujet de l'étude pour les femmes a été longuement évoqué. Vous déplorez le fait que les mouvements orthodoxes n'encouragent pas l'étude à fond du choul'han arou'h par les femmes, etc. Ici aussi, le principal semble vous avoir échappé. Les orthodoxes, une fois de plus, ont pour souci principal le respect et l'accomplissement de la volonté divine. Cette volonté bien que transmise il y a quelques trois millénaires, continue à être respectée, mais ne manque pas de devoir s'adapter aux différentes évolutions. Pas s'adapter, il faut comprendre non pas être révolutionnée, mais être traduite en termes modernes. L'étude de la Torah est en soi une mitsva, une obligation "religieuse" en dehors de la nécessité de savoir comment accomplir le reste des mitsvot. Or cette mitsva n'a été donnée par D.ieu qu'aux hommes, pas aux femmes. Le milieu orthodoxe s'intéresse donc énormément à l'étude en ce qui concerne les hommes, et très peu en ce qui concerne les femmes. Parce que pour les hommes D.ieu nous l'a demandé, et pour les femmes non. Cela ne signifie pas qu'une femme, à titre personnel ne puisse vouloir s'instruire. Vous avez cité les exemples connus de la femme de rabbi Méïr, des filles de Rachi, (et avez omis celui non moins représentatif de Dvorah la prophétesse, qui était le juge suprême du peuple juif et donc manipulait certainement mieux que tous le "choul'han arou'h" ;-)). Mais la question n'est pas là. Le problème est de savoir non pas au niveau personnel, mais à celui du collectif, doit-on encourager les femmes à se lancer dans le "tour, beit yossef" ? Les orthodoxes pensent tout simplement que non. Il est préférable pour une femme qui cherche à accomplir la volonté divine de se vouer au rôle qui lui a été attribué par D.ieu, d'élever ses enfants, et de seconder son mari dans son étude de la Torah, plutôt que de vouloir jouer au singe savant de l'an 2000, en jonglant avec les nossé kélim du rambam, ou autre. Dans le premier cas elle accomplit la volonté divine et acquière le Olam aba (comme le dit le talmud dans Bera'hot), dans le second cas elle réalise sa propre volonté (ou celle de son entourage), et acquière peut être un certain rang social, mais pour le Olam aba…

Je me répète, il peut absolument y avoir des exceptions qui parviennent à jumeler les deux, érudition, et KKK. Mais au niveau collectif, encourager les femmes à se lancer à priori là-dedans, comme chez les M.O., est perçu par les orthodoxes comme une grossière erreur étant donné que cela risque d'être sur le compte du principal. Risque que l'on ne se permettre de prendre que lorsque le Olam aba de ces dames ne nous préoccupe pas trop…

J'ai pris les trois premiers exemples qui s'offraient à moi pour vous faire comprendre que les orthodoxes ne sont pas fermés au modernisme, mais sont seulement très prudents par rapport à celui-ci. Ils ne veulent pas qu'au nom du modernisme de l'insertion sociale, ou de je ne sais quel idéal étincelant, la hala'ha puisse être atteinte même d'un cheveu.

La citation du rav Soloveitchik, résume en fait à la fois très bien la pensée M.O., et les raisons pour lesquelles les orthodoxes s'en éloignent : "Ce mouvement a pris sur lui de répondre à un dilemme important : Comment insérer nos valeurs éternelles dans la splendeur du monde moderne ? Comment demeurer fort au cœur de la société moderne tout en sanctifiant la nouveauté et vivant le quotidien dans la plus grande sainteté possible ? Je ne pourrai rejoindre aucune association qui aurait pour slogan : « se séparer du vaste monde, aller dans des sombres caves et s'asseoir à part. Se couper du monde et du reste du peuple juif ».
1) "la splendeur du monde moderne". Pour l'orthodoxe il n'est en tout cas pas question de se laisser éblouir par cette "splendeur" et d'en venir à oublier les dangers, parfois les horreurs, de la modernité.
Plus, percevoir le monde moderne comme quelque chose de resplendissant est tout simplement une faiblesse, qui dès le départ nous met à nos propres yeux en position inférieure. Pourquoi ?
2) "se séparer du vaste monde, aller dans des sombres caves", n'est pas du tout ce que l'orthodoxe cherche à faire, mais si c'est au prix de la transgression du moindre commandement divin qu'il faut rester à la surface, alors là oui, l'orthodoxe préfère de loin se cacher dans une grotte. Il n'y a rien de pire pour un orthodoxe que de transgresser la parole divine. Le but de nos vies étant le Olam aba, et rien d'autre. Certainement pas ce "vaste monde".
3) "répondre à un dilemme important". L'orthodoxe ne voit ici aucun dilemme. Son problème est juste comment continuer à vivre le hala'ha sans aucune concession, malgré l'avancée de la modernité et l'environnement défavorable.
Modern Orthodox
Messages: 43
@ Pomme

Moadim Lesimh'a. Merci pour votre commentaire, je suis toujours heureux de discuter avec des personnes intéressées par un débat franc et honnête.
Avant même de commencer ma réponse, laissez moi préciser deux points importants. a) mon blog ne vient absolument pas "combattre" le monde haredi. S'il m'arrive de parler de ce monde, voir d'en critiquer quelques aspects, cela n'est pas du tout le leitmotiv du blog. Je cherche à présenter une vision du judaïsme orthodoxe (oui, orthodoxe) qui n'est pas celle des milieux haredis mais différence ne signifie pas dénigrement. b) je suis dérangé par votre emploi du terme "orthodoxe". C'est vrai qu'en France on désigne par "orthodoxe" ce qu'on appelle haredi en Israel. Personnellement, j'utilise le mot orthodoxe dans un sens plus large, celui qui lui est donné en outre-mer. Pour moi, tout juif pratiquant est orthodoxe. Après, on peut être modern ou ultra mais, à mon sens, les lituaniens, les loubavitch, les MO et les religieux sionistes sont tous orthodoxes.

Vous pensez que je me méprend sur ce qu'est le judaïsme haredi. Laissez moi vous dire que c'est vous qui vous méprenez. Je n'ai pas envie d'exposer ma biographie sur ce forum, mais sachez que je connais le monde haredi au moins aussi bien que vous, et de l'intérieur.

1)A propos de la mort cérébrale, vous exposez bien le problème (que j'avais déjà exposé sur mon blog) mais vous concluez : « Ce n'est que sous la pression de la modernité [...] que certains rabbins non orthodoxes semblent malheureusement avoir cédé, et se sont lancé dans l'autorisation de ce qu'ils savent risquer être un homicide, et donc une effraction de la volonté divine.. »

Tout d'abord, ces « rabbins » sont également orthodoxes et respectent le même choulhan aroukh. Deuxièmement, une minorité de rabbins « orthodoxes » sont tout de même d'accord avec l'opinion en faveur de la mort cérébrale. Notamment Rav Ovadia Yossef et Rav Moché Fenstein (sic). A par cela, pensez vous vraiment que des personnalités telles que le Rav Avraham Shapira ou le Rav Mordechai Eliyahou préféreraient risquer un homicide pour se montrer « modernes » plutôt que de respecter la Torah ? ! C'est vous qui vous méprenez sur les rabbins non-haredis...


2)A propos de Hayim Amsellem et des conversions de Tsahal. Vous citez avec exactitude la position officielle du monde haredi, telle qu'elle est propagé par le Yated Neeman (et certainement Kountrass en France). Le problème dans ces journaux censurés c'est qu'on ne vous dit jamais tout. Par exemple, vous a t-on dit que le Rav Amsellem a écrit un livre très costaud sur la question des conversions de Tsahal dans lequel il conclut en faveur des conversions. Et saviez vous que ce livre a reçu des Askamot d'autorités comme le Rav Meir Mazouz ou le Rav Zalman Nehemia Goldberg (gendre du Rav Auerbach zatsal) ? Saviez vous que c'est Rav Ovadia Yossef lui même qui a autorisé ses conversions ?

Mais surtout, avez vous réalisé que les rabbanim qui ont condamné ces conversions ne font pas l'armée et n'ont aucun lien avec l'état, par conséquent, ils ne savent absolument pas ce qui se passe à l'armée et se permettent de supposer que les convertis abandonnent toutes pratiques après leurs conversions « fictives ».
Les rabbanim religieux sionistes qui ont validé ces conversions sont des rabbins qui connaissent la situation sur le terrain, Rav Ovadia Yossef fut le grand rabbin d'Israël et connait également la situation en pratique.

D'ailleurs, je vais vous surprendre, mais je suis à l'armée en ce moment et un des membres de mon unité est un russe fraichement converti par Tsahal. Et, quel surprise, il respecte les mitsvot ! Mais j'imagine qu'il s'agit d'un cas particulier...

3)Pour ce qui est de l'étude des femmes, vous m'avez très mal compris. Je sais bien que la femme est dispensée de la mitsva d'étude. Ce que pense le monde MO c'est qu'aujourd'hui la femme doit étudier pour mieux vivre et comprendre son judaïsme, chose qui n'était pas forcement nécessaire au XVIII siècle, lorsque la femme juive restait cantonnée chez elle. Le Rav Amital zatsal disait que la femme est aujourd'hui obligée d'étudier à titre de « avodat hashem ». Je n'ai pas le courage de rentrer dans ce débat.

4)La citation du Rav Soloveitchik est évidemment l'anti-thése du monde haredi. C'est légitime de ne pas être d'accord. Je suis cependant en désacord avec un des points que vous soulevez : « L'orthodoxe ne voit ici aucun dilemme », il ne veut voir aucun dilemme, mais le dilemme est bien là. Qu'on le veuille ou non.

Kol Touv
pomme
Messages: 76
@ Modern orthodoxe.

Bonsoir,

Je dois vous répondre sur deux plans. Le premier en reprenant chacun points auxquels vous m'avez répondu. Le second, plus important à mes yeux, en insistant de nouveau sur le fond du message que j'avais essayé de vous faire passer à travers les exemples que j'avais pris. Message qui apparemment n'est pas passé.

a) Je n'ai pas dit à un seul endroit que vous "combattiez" le monde 'haredi, j'ai dit que vous cherchez (éperdument) à vous en démarquer. La "nouvelle vision" de l'orthodoxie dont vous nous parlez là, peut être difficilement ressentie, lorsque l'on visite votre blog, comme autre chose qu'une réaction vis-à-vis du monde 'haredi. On n'y découvre pas une pensée libre et indépendante, mais plutôt, excusez-moi de vous le dire, un mouvement réactionnaire par rapport au monde 'haredi. Je n'ai pas "fait le tour" de votre blog, mais les lectures sur lesquelles je suis tombé étaient toutes dans ce sens.
Toutefois vous faites bien de préciser que cela n'est pas de votre part un signe de dénigrement. On aurait pu s'y tromper. Mais me concernant, mon souci n'est pas là. Je cherche la pensée elle-même, et non pas les sentiments. Et si je prends la peine de vous écrire ici, c'est parce que vos correspondances précédant mon apparition sur ce site semblent prouver que vous savez élever votre intellect au-dessus de vos sentiments.

b) J'avais bien perçu que le terme 'haredi vous convenait mieux, mais comme je pense que d'autres personnes, non-avisées, risquent de lire notre correspondance j'ai préféré garder un mot de la langue française. J'accepte tout de même votre convention, et emploierait donc le mot "'haredi" pour désigner les orthodoxes "tout court".

1) Je sais bien que le rav Ovadia Yossef considère la mort cérébrale comme un décès. Pour ce qui est de l'opinion du rav Moché Feinstein, accordez-moi tout de même que ce n'est pas tout à fait évident.
Quant aux grandes autorités comme par exemple le rav Morde'hai Eliyahou, non, 'has véchalom, je ne voulais pas dire que pour être moderne ils permettraient d'enfreindre la loi. Je me suis visiblement mal exprimé. Permettez-moi donc de m'expliquer.
Je disais que "certains rabbins non orthodoxes semblent malheureusement avoir cédé, et se sont lancé dans l'autorisation de ce qu'ils savent risquer être un homicide". Je parle là des rabbins qui ne sont pas parvenus (parce qu'incapables de leur propre compétence) à éclaircir la hala'ha par eux-mêmes, et qui malgré tout ont voulu "permettre" parce qu'ils sont "modernes".
Les grandes autorités, si leur investigation les mène à une conclusion dans un sens ou dans l'autre, peuvent, et doivent exprimer leur avis. Mais que font les petits rabbins ? Pas compliqué. Un petit rabbin 'haredi interdit, parce qu'il craint une effraction à la loi, même si l'on acceptera mal sa décision. Un petit rabbin M.O. à tendance à permette, peut-être parce que c'est "nouveau".
Bien sûr, aujourd'hui même les petits rabbins peuvent se prononcer, en se rangeant derrière telle ou telle grande autorité. Mais avant que les avis des grands fussent franchement tranchés (il n'y a pas si longtemps de ça), la conduite des petits rabbins était celle que je vous dis là. Ils tranchaient non pas la hala'ha, mais la hachkafa. Comme vous l'aviez remarqué.

Mais le fond de mon message ici était surtout de vous faire comprendre que votre explication, visant à dire que les 'haredim ne permettent pas les dons d'organes parce qu'ils rejettent la science, est non seulement fausse en soi, mais en plus cache la véritable facette de la pensée 'haredi, qui est la crainte d'enfreindre la loi. Et pour qui cette crainte passe au-dessus de tout.

2) Le fait qu'un livre de plus ait été écrit sur le sujet des conversions, n'arrange en rien le problème de fond. Il reste, même après ce livre, un gros nuage au-dessus de ces conversions. Prendre le risque de les accepter, c'est prendre le risque (si, ou lorsqu'elles sont mal faites) de voir des non-juifs s'introduire en grand nombre à l'intérieur même des familles juives, et donc à plus long terme risquer la disparition du peuple juif (quand juif signifie ici juif pour la hala'ha). Ce qui est impensable pour toute personne à qui la hala'ha importe vraiment.

La polémique ici n'est pas, comme vous cherchez à le laisser entendre, de l'ordre de l'élucidation de la réalité. Tout le monde sait bien qu'il existe des convertis sincères, comme votre camarade d'unité, et qu'il existe également des conversions fictives. Concernant le pourcentage aussi, même si les uns argumentent pour un chiffre plus élevé, et les autres amoindrissent le phénomène, la plus petite évaluation reste de toutes les façons déjà trop grande pour ne pas s'inquiéter.
Le fait que les rabbins n'aient pas fait l'armée, argument idiot en soi mais que l'on ne manque jamais de signaler, ne les empêche en rien de vérifier la situation sur place. Ce qu'ils ont fait. C'est après cette vérification qu'ils ont tiré la sirène d'alarme.

Ici aussi le but de mon message était surtout de souligner le fait qu'il ne s'agit pas de la part des 'haredim d'une volonté incontrôlée de fermer les yeux sur la réalité. Ou de ne pas vouloir faire le moindre effort envers ces hommes qui sont prêts en faisant l'armée à sacrifier leur vie pour sauver le peuple juif. Mais que le souci 'haredi est constamment le même : conserver les valeurs de la hala'ha coute que coute, sans faire de concession, même si cela pouvait arranger bien des choses

3) Je vous avais très bien compris.
Il existe cepndant une marge énorme entre ce que la femme juive moyenne du XVIIIème siècle savait, et "savoir ouvrir un choul'han arou'h pour en tirer la ala'ha". Mais vous ne souhaitez pas entrer là-dedans, je comprends, on risquerait de ne plus en sortir.

4) Vous ne m'avez apparemment pas compris. Dilemme signifie "Obligation de choisir entre deux possibilités comportant toutes deux des inconvénients." (Définition du Petit Larousse) Pour le 'haredi il n'y a pas deux possibilités, il n'y a donc pas de "dilemme" mais seulement un "problème". Il est évident pour le 'haredi qu'il faut absolument respecter la parole divine, qu'il appelle la hala'ha. L'avancée du monde est alors soit une aide, soit un obstacle à cet accomplissement. Lorsqu'elle s'avère être une aide tant mieux. Et lorsque cela se présente comme un obstacle, alors il y a problème.
Le M.O. veut mettre la hala'ha et le modernisme "au même niveau". C’est-à-dire qu'il veut voir en chacun d'eux une forme différente de manifestation de la vérité dans le monde. Il se trouve alors devant un dilemme. Ce dilemme, c'est lui-même qui se le crée en refusant de "se séparer du vaste monde".

Enfin, vous dites bien connaitre le monde 'haredi. Oui, cela se sent à ce que vous écrivez. Mais je le répète, il apparait tout aussi évident de vos écrits que vous n'en connaissez que "l'habit", le fond vous échappe. Je ne vous connais pas, ni votre biographie. Mais si comme vous le laissez entendre vous avez vécu à un moment ou à un autre chez les 'haredim, alors je constate que – comme beaucoup – vous vous en êtes arrêté dans votre compréhension du phénomène à ce que le Yated Neeman, le Kountrass ou les différends "Askanim porteurs de Fraque" en présentent. Le monde 'haredi ce n'est pas un cliché. C'est une compréhension profonde des valeurs de la vie. Et comme pour toute philosophie, on peut l'accepter ou la rejeter, mais on se doit de la comprendre.

Moadim lessim'ha et layla tov.
juif d'Israël
Messages: 73
Pomme a écrit :
"le Yated Neeman, le Kountrass ou les différends "Askanim porteurs de Fraque"".

Ne mélangeons pas tout,de grâce !
pomme
Messages: 76
@ Juif d'Israël, Moadim lessim'ha et boker tov.

Décidément je crois que je suis vraiment mauvais en expression écrite…

Je ne cherche pas à assimiler ces trois entités (Yated, kountrass et les Askanim). Je voulais juste dire que tous trois ont pour point commun le fait de présenter une image simplifiée de la Achkafa (=manière de penser) 'haredi (=orthodoxe). Chacun à sa façon, bien sûr, mais tous pour la même raison : pace qu'ils communiquent avec les masses.

Il est en effet impossible de présenter à "monsieur tout le monde" les tenants et les aboutissants de chaque décision provenant des grands rabbins, dans tous ses détails. Les éléments pris en compte pour arriver à ces décisions, les manières d'analyser la situation qu'ont les rabbins, comme le calcul de ce que les choses risquent d'engendrer avec le temps, et leur influence sur l'ensemble de la communauté, sont autant de paramètres, et parfois d'une telle finesse qu'il faudrait des pages et des pages pour les mettre au clair. Et même là, seules les personnes spécialement intelligentes, à l'esprit bien rigoureux, parviendraient à percevoir clairement la raison qui justifie ces décisions.
Mais comme il est tout de même nécessaire de transmettre les idées "au peuple", celles-ci sont simplifiées, codifiées par les médias et les hommes de terrain, parfois jusqu'à en perdre toute leur subtilité, et en arrivent à rebuter les personnes qui justement possèdent les capacités cognitives nécessaires, et auraient pu appréhender d'eux-mêmes les raisons qui mènent à ces décisions.

Ce que je déplore chez M.O., c'est qu'il soit "tombé dans le panneau". Il interprète systématiquement les différentes conduites 'haredi comme une volonté aveugle de vouloir rester "rétro" et fermé du monde. Comme un refus de vouloir reconnaitre la véritable valeur des sciences et un rejet en bloc de tout ce qui n'est pas "de chez-nous". Comme une incapacité de pouvoir évoluer avec le temps, et de changer les choses auxquelles nous nous sommes habitués pour des raisons qui ne sont pourtant peut-être plus applicables aujourd'hui, etc. Interprétations qui sont totalement fausses.
En se donnant ces explications, non seulement il se trompe du tout au tout, mais en plus il passe à chaque fois à côté de la véritable raison, ce qui est plus que dommage, et donne à son blog un air ridicule. S'imaginer que les grandes autorités 'haredi sont des êtres bornés à ce point, c'est ne pas du tout les connaitre.

Pourtant cette image qu'il détient du monde 'haredi, est inévitablement celle que s'en fait toute personne intelligente au contact de ces médias. Et est celle avec laquelle restera tout 'haredi moyen s'il ne fait pas l'effort personnel de se renseigner chez, ou autour des grands rabbins eux-mêmes, pour comprendre "le pourquoi du comment". C'est pourquoi je dis et répète que M.O. ne connait que "l'habit" du monde orthodoxe, pas son "corps".

Le malheur est qu'en France il est très difficile d'accéder aux explications de chacune de ces décisions. Géographiquement, conceptuellement, et socialement parlant le judaïsme français reste encore très éloigné du cœur du monde 'haredi. L'écho qui nous y parvient est déformé, et personne n'est vraiment là pour mettre les points sur les "i".

Pourquoi alors le monde 'haredi s'exprime-t-il si mal ? La réponse est la même que celle qu'il faut donner à la question "pourquoi sur le plan international les israéliens sont-ils toujours si mauvais au niveau médiatique ?" Simplement parce qu'ils sont tellement convaincus d'avoir raison, que profondément ils n'arrivent pas à comprendre la nécessité de s'expliquer. Or sans avoir intériorisé totalement cette nécessité, l'explication qui en ressort ne peut être que bornée.
Et ici, comme d'habitude, les 'haredim jouent le rôle du "juifs des juifs". Ce qui dans ce cas est regrettable.

Mais faut-il pour cela s'en aller chercher mieux ailleurs ? Je pense personnellement que si M.O. faisait l'effort d'essayer d'élucider toutes les bizarreries qu'il décèle chez les 'haredim, en allant chercher chez ceux qui en sont la source, c’est-à-dire chez les grands rabbins 'haredim, sa surprise ne serait pas petite.

Je ne dis pas ici que la achkafa des 'haredim est nécessairement la meilleure en tout. Je dis juste qu'il existe un système de pensée complexe et détaillé d'où provient cette achkafa, et qu'il est faux de s'arrêter à l'impression que nous laissent les médias ou les réchauffeurs de foule.

En espérant avoir été mieux compris…
juif d'Israël
Messages: 73
Pomme a écrit :

"...en allant chercher chez ceux qui en sont la source, c’est-à-dire chez les grands rabbins 'haredim..."

Vous parlez des Guedolim ? Pensez-vous sérieusement qu'ils sont à la disponibillité de chacun ? On peut au maximum obtenir un entretien de quelques minutes chez Rav Elyachiv ou Rav Shteinman. Ce n'est pas comme ça qu'on arrivera à comprendre toute l'étendue de leur achkafa !
Modern Orthodox
Messages: 43
@ Pomme

Nous poursuivons un dialogue de sourd puisque chacun s'enferme dans ses arguments.
Vous continuez à vouloir me convaincre de ma méconnaissance de la «vraie » hashkafa haredite. Selon vous, cette hashkafa n'est pas celle des journaux grand public du monde haredi, pourtant si similaire à de nombreux écrits des gedolim du siècle dernier. L'essentiel de la hashkafa haredite, telle qu'elle est présentée par Yated Neeman et Kountrass, se repose sur le principe de « Emounat Hachamim ». La foi des sages est devenue foi aveugle. Ne vous y trompez pas, cette foi aveugle n'est pas seulement l'œuvre du Yated Neeman mais puise sa source dans les écrits des grands du dernier siècle.
Voyez par exemple ce qu'écrit le Rav Eliyahou Desler zt''l sur le « daat torah » et la « emout hachamim » dans son michtav meeliyahou 1, 75-77. Il ne s'agit pas d'un avis isolé, mais bien de l'avis généralement accepté dans l'ensemble du monde haredi actuelle.

Je vous avoue ne pas du tout accepter cet avis que je trouve également très dangereux. D'ailleurs, je me permet de souligner qu'il s'agit d'un courant de pensée extrêmement « moderne » puisqu'on ne trouve quasiment aucun écrit de rishonim allant dans ce sens (exception faite du minhat hinouch qui est tout de même beaucoup plus modéré). Je pense même qu'il s'agisse d'un avis contraire à la pensée du Rambam.

Ceci étant dit, je ne suis absolument pas intéresser à discuter sur le monde haredi. Ce n'est pas mon monde, mais il est incontestable qu'il a profondément aidé le judaïsme d'après la shoah à se reconstruire. Je n'adhère pas du tout avec sa hashkafa, que je pense connaître tout aussi bien que vous, mais je ne la combat absolument pas.
S'il est vrai qu'il m'arrive de comparer certaines idées du monde haredi avec celle des MO, c'est surtout afin d'illustrer mes propos par un exemple, le judaïsme français connaissant bien mieux le monde haredi que le monde MO. D'ailleurs, si vous lisez bien le blog et ses commentaires, vous verrez qu'il m'arrive très souvent de faire les même comparaisons avec le mouvement massorti. Tout depend de la personne à laquelle je m'adresse.

Mais ne vous y trompez pas, le monde MO n'existe pas que par rapport au monde haredi.

Je finis sur votre affirmation selon laquelle « pour le haredi il n'y a pas de dilemme ». Personnellement, je crois profondément à l'affirmation du Rambam (au tout début du morei nevoukhim) selon laquelle « tselem elokim » désigne la raison. Qu'on soit haredi, MO ou n'importe quoi d'autres, nous possédons la même raison.
Lorsque cette raison « divine » nous fait prendre conscience d'erreurs ou de problèmes existant dans notre mode de vie ou dans notre religion, on ne peut pas affirmer qu'il n'existe pas. Quant la science nous fait prendre conscience que les poux ne naissent pas de la poussière, quand la philosophie remet en cause l'idée de commencement et quand l'histoire doute de la sortie d'Égypte, on ne peut pas crier « hérésie ! » et se détourner.
L'approche des rishonim étaient plus que clair : se confronter avec chacune des idées modernes, prendre le bon et prouver l'erreur du mauvais. Des livres comme le Morei Nevoukhim du Rambam, Or Hashem de Crescas, le Kuzari de Yehouda halevy ont été écrit afin de se confronter aux idées les plus hérétiques avec la plus grande honnêteté intellectuelle. D'ailleurs, le rav Kook est aussi allé dans ce sens (pas étonnant qu'il ne soit jamais cité par les haredim).
Malheureusement, cette approche n'existe plus du tout dans le monde haredi ou l'on préfère nier les dilemmes plutôt que de si confronter. Le problème, c'est que tôt ou tard on s'apercevra que le dilemme existait bel et bien.

Je vous supplie de bien vouloir réfléchir à ses points avec la plus grande honnêteté intellectuelle avant de me répondre.

Kol Touv
pomme
Messages: 76
@ M.O.

Tizkou lechanim rabot,

Vous avez soulevé dans votre message plusieurs points, qu'il va falloir séparer.

1) Tout d'abord dialogue de sourds ?
Je trouve pour ma part assez normal que deux personnes vivant dans deux mondes différents et essayant de communiquer, trébuchent ci et là avant de parvenir à s'entendre.
Ce qui pour vous est évident, l'est peut-être moins pour moi, et vice versa. Ce qui pour moi représente deux sujets distincts est peut-être perçu par vous comme une seule et unique chose et devient donc pour nous source de confusion, et vice versa.
Et peut-être que parfois nous cherchons en fait à parler de la même chose, mais l'exprimons très différemment.
C'est l'inverse (que nous tombâmes d'accord du premier coup) qui m'aurait surpris.

Le meilleur exemple de cette "gentille incompréhension" se trouve peut-être justement dans votre dernier message : Vous semblez m'y accaparer le fait de vouloir dire que la confiance en nos rabbins n'est qu'une invention des médias, chose que je n'ai absolument pas dite (relisez-moi). C'est pourtant ce que vous avez ressorti des propos que j'ai tenu dans mon message…

2) Expliquons-nous. Je ne dis pas que ce que vous connaissez de la achkafa 'haredit est faux. Je dis que vous n'en percevez que la forme, pas le fond. Que les véritables raisons de cette achkafa vous échappent (ou ne vous intéressent pas).
Ce n'est pas là de ma part une supposition, mais une constatation. Lorsque je vous vois imaginer que les 'haredim interdisent les dons d'organes parce qu'ils ont une dent contre la science, ou qu'ils ne prônent pas activement l'étude du talmud chez les femmes parce qu'ils sont incapables de concevoir le moindre changement dans leurs habitudes, je constate que vous ignorez totalement les raisons de la achkafa 'haredit. Je constate également que vous ne savez pas du tout ce que sont les gdolim.

Mon but n'était donc pas de vous faire découvrir la "vraie" achkafa 'haredit. Je n'avais par ailleurs pas même la présomption d'essayer de vous convaincre de l'avantage de cette achkafa. Ce que je désire c'est uniquement vous faire remarquer que la achkafa 'haredit est promue pas des raisons autres que celles que vous imaginez (volonté aveugle de rester fermés au monde, refus catégorique de reconnaitre la valeur des sciences, rejet en bloc de tout ce qui n'est pas "de chez-nous", incapacité d'évoluer…), que cette achkafa est en fait un monde de pensée extrêmement riche, utilisant la même "raison" que vous ou que tout autre être humain, ayant pleinement conscience des enjeux de la modernité, mais dont les critères de priorité diffèrent de ceux qui régissent la pensée profane.

Quand je disais "achkafa 'haredit", je ne parlais donc que de la pensée des gdolim elle-même – que je trouve simplifiée et même déformée par les médias – sans aucun rapport avec le principe de Emounat 'ha'hamim, qui lui n'intervient qu'une fois la décision prise.

Il est vrai que c'est souvent au nom de ce principe que les médias se contentent de claironner la parole des gdolim sans se donner la peine de justifier leurs décisions, et sans même chercher à ouvrir le moindre débat sur le sujet. Mais cela ne signifie ni que la décision des rabbins n'est pas quelque part étayée par une démarche saine et rationnelle, ni que l'idéal serait d'accomplir sans comprendre.
Le problème des médias est, comme je l'expliquais, qu'ils s'adressent aux foules.
Alors ceux qui s'en arrêtent là connaissent bien la "position" 'haredit, mais pas sa "pensée". Par contre ceux qui, convaincus du bon sens des rabbins, mais étonnés de leur prise de parti, chercheront des explications, je puis vous assurer qu'ils en trouvent. D'eux je dis qu'ils connaissent la achkafa 'haredit.

3) Un peu hors sujet, mais puisque vous avez soulevé le problème, qu'en est-il de cette fameuse Emounat 'ha'hamim ? A vous lire "Emounat 'ha'hamim" signifierait pour les 'haredim "suivre aveuglément les rabbins".

A première vue ce qui vous fait croire que les 'haredim se plaisent à suivre bêtement leurs rabbins c'est, d'une part le fait que les décisions de ces rabbins vous apparaissent parfois dérisoires et contraires au bon sens, mais sont tout de même suivies en bloc par leurs adeptes. Et d'autre part le fait que les médias 'haredi demandent effectivement de suivre les Gdolim sans aucune réserve, et ne se donnent d'ailleurs même pas la peine de présenter une image objective des sujets dont ils traitent.
Ensuite, vous pensez avoir trouvé dans la littérature rabbinique du siècle dernier, la source de cette achkafa.

Concernant les deux premiers points je pense avoir été jusqu'ici suffisamment explicite.
Pour ce qui est des rabbins du siècle dernier, détrompez-vous. La confiance en nos sages ne signifie pas pour eux "suivre bêtement les rabbins", mais plutôt les suivre "intelligemment". Je m'explique :
Le fondement de la Emounat 'ha'hamim telle qu'ils la conçoivent, repose avant tout sur la constatation de la supériorité intellectuelle de l'intégrité et de la pureté des intentions d'une personnalité rabbinique. Celui-ci n'aura été ni élu, ni promu par qui que ce soit. Ce sont simplement les gens eux-mêmes – en un premier temps ses élèves, puis ensuite un cercle plus grand de personnes – qui éprouvent le sentiment de se trouver en présence de quelqu'un à qui on peut tout à fait faire confiance.

Lisez donc le passage du Michtav Meeliahou que vous avez cité de vous-même : (je transcris en français car les caractères hébraïques ne passent pas sur le site Techouvot.com)
" Avant tout je vous dirais que certains de ces rabbins je les ai moi-même connu… leur intelligence était effroyable, leur analyse descendait jusqu'au plus profond des choses ; il était impossible à une personne comme nous d'arriver au fond de leur claire compréhension. De plus, celui qui a assisté à leurs réunions pouvait réaliser, au moment où ils réfléchissaient, de l'immense sentiment de responsabilité qui se lisait sur leurs visages..."
Voyez donc que le rav Dessler, en abordant le sujet de la Emounat 'ha'hamim, ne manque pas d'insister sur le fait que l'on décèle chez eux une intelligence et une intégrité qui inspire cette confiance.

Cette confiance, c'est donc en fait la raison même qui nous la dicte.

Toute personne intelligente se doit d'essayer de comprendre les raisons qui poussent les gdolim à leurs décisions. Mais lorsque je me retrouve devant une décision dont la teneur m'échappe, mais qui a été prise par une personne dont je connais les qualités, chez qui je me suis habitué à trouver des décisions pénétrantes, dont je reconnais généralement la supériorité intellectuelle, le fait de parfois la suivre sans complètement la comprendre, n'est pas un acte aveugle. Je pense plutôt que m'obstiner à ne le suivre que lorsque je le comprends, ça c'est un acte aveugle…

4) Vous insistez sur le fait que la M.O. est une pensée indépendante. O.K., je donnais mon impression, mais peut-être que je me trompe. J'avoue ne pas connaitre cette pensée, en tout cas pas suffisamment pour en faire la synthèse.

5) Votre philosophie de la raison "divine" n'est pas à rejeter, mais doit être largement relativisée.

La cognition humaine ne se base pas uniquement sur la raison, mais sur trois éléments.
a) Les données qui lui sont transmises par ses sens (l'observation empirique).
b) Les repères qui délimitent le champ opérationnel de la raison (sans lesquels l'esprit se retrouverait dans une sorte d'infini, d'où il lui est impossible de raisonner).
c) La raison elle-même, qui n'est en fait que l'instrument avec lequel nous gérons les données empiriques, dans le cadre des repères préinstallés.

L'homme est par conséquent en proie à trois risques. Les erreurs (ou le manque) d'observation, les faux repères, et la faiblesse intellectuelle.
Pour ces trois raisons, sa raison n'est pas si "divine" que l'on voudrait le croire. L'erreur est humaine disait-on.
Remarquez que je ne sais pas ce que le Rambam pense de tout cela, mais je me plais à croire que votre raison, elle, s'en accordera bien ;)

Alors bien sûr, de toutes les façons au bout du compte le seul moyen que nous possédons pour appréhender le monde est notre raison, et nous ne pouvons en dernier recours, nous fier qu'à elle. Mais cette raison elle-même nous dicte justement de ne nous fier à elle qu'avec prudence. C'est pourquoi nos sages n'ont jamais eu pleine confiance en les sciences. C'est toujours avec beaucoup de circonspection qu'ils acceptent toutes les nouvelles "découvertes". Surtout lorsque celles-ci semblent paraitre en contradiction avec les données en cours jusqu'ici, héritées des anciens.

Regardez par exemple l'exemple des poux que vous avez cité. Si vous m'aviez posé la question au XIXème siècle j'aurais été drôlement confus. Des poux dans les habits qui ne naissent pas d'un mâle et d'une femelle ? Quelle bizarrerie pour l'esprit éclairé qu'était alors le nôtre.
Aujourd'hui c'est beaucoup plus facile, il me suffit de vous inviter à lire n'importe quel article sur la reproduction asexuée comme par exemple : http://fr.wikipedia.org/wiki/Parth%C3%A9nogen%C3%A8se
pour que vous découvriez avec moi que oui, il existe des animaux – dont les pucerons – qui peuvent naitre sans qu'il n'y ait eu de contact entre un mâle et une femelle. Et que si ce phénomène étonnait tellement notre intellect par le passé, cela n'était en fait dû qu'a un manque d'observation de la nature de notre part. Et que notre raison avec tout son éclat, ne pouvait alors que se méprendre sur ce point.

A présent que dire d'un rabbin qui avant ces découvertes s'obstinait à dire que si le Talmud dit que cela existe, eh bien cela doit exister, envers et contre tout bon sens ?
Personnellement je pense que la réponse à cette question doit être fortement nuancée.
Mais je n'ai malheureusement plus le temps de continuer. Il y a nécessité de s'allonger sur la façon qu'ont les 'haredim de se confronter aux idées modernes. Ce sera peut être pour une autre fois. Ce message est déjà assez long comme ça.


Et en attendant à mon tour de vous demander de bien réfléchir avant de répondre ; ce que je vous écris ici ne correspond certes pas à votre achkafa, mais est-ce aussi débile que cela ?
pomme
Messages: 76
@ juif d'israel

Je ne vous ai pas oublié. Je tacherai, bli neder, de vous répondre (et de complèter ma réponse à M.O.) dès que j'en trouverai le temps.

Terlba'h, et Gout zummer.
juif d'Israël
Messages: 73
@ Pomme.

C'est bon je patiente. Votre discussion avec MO est intéressante, je met mon nez mais ne vous prenez pas la tête avec moi.

Une remarque en passant :

Vous écrivez:
"que dire d'un rabbin qui avant ces découvertes s'obstinait à dire que si le Talmud dit que cela existe, eh bien cela doit exister, envers et contre tout bon sens ?
Personnellement je pense que la réponse à cette question doit être fortement nuancée."

1) Même après vos "découvertes" la Guémara n'est pas expliquée. Elle parle dans Chabbat 107b de poux qui ne naissent pas à partir d'un oeuf.
Dans la Parthénogenèse il y a des oeufs (si j'ai bien compris l'article sur wikipedia).
2) Je vous rappelle (parce que je vous vois déjà en train de "nuancer") que cette Guémara parle de la alakha. Si les chachamim ont pris sur leurs épaules de permettre de tuer les poux à chabbat c'est qu'ils étaient certains de leur décision.
Je crois qu'il est impossible de chercher à dire qu'ils se sont trompés "un tout petit peu"car s'ils avaient un doute ils auraient dit "safek", ou patour aval assour.
(si votre nuance était autre chose que ça alors excusez moi, je n'ai rien dit).
Modern Orthodox
Messages: 43
@ Pomme,

1)Je ne sais pas comment, mais nous avons glissé d'un débat sur le monde MO a un débat sur le monde haredi. Encore une fois, mon blog n'est pas la pour critiquer les autres. Je vous donne cependant mon avis sur la question.

Je continue à penser que notre dialogue sur le monde haredi ne mène à rien. Pourquoi ? Parce que chacun d'entre nous défend une thèse contraire et peu prouvable. Selon moi, le monde haredi croit être le judaïsme « traditionnel » et s'imagine vivre de la même façon qu'on vécu les rishonim et les aharonim, alors que la notion même d'orthodoxie est totalement nouvelle. La conception haredite du daat torah et de emounat chachamim, principes cardinaux de sa théologie, est totalement nouvelle et ne possède pas de sources antérieures. Je continue à croire, que le judaïsme haredi s'oppose à la majorité des évolutions de la halakha, notamment à cause de considérations sociales et historiques.

Pour vous, ceci n'est que la forme de la hashkafa haredite, le fond serait bien plus profond. A cela, vous affirmez que quiconque fréquente les guedolim se rend compte de la profondeur de leur pensée. A cela, je vous répond que ceux qui fréquentent les guedolim sont généralement les askanim qui les manipulent et qui ne laissent que bien peu de place aux visiteurs inconnus, ou pire, dangereux.

Personnellement, je pense que cette discussion n'est pas très utile et n'aide pas à faire avancer les choses. Je préfère discuter de points précis plutôt que de parler de grands concepts.


2)Pour ce qui est de la raison, j'entends les points que vous soulevez. Cependant, je pense qu'une dose de bon sens ne ferait de mal à personne. Récemment, j'ai entendu quelqu'un raconté une histoire absurde sur le Hazon Ish qui aurait décrit en détail les étapes d'une difficile opération que devait subir une enfant. Il envoya même une lettre au médecin, lui proposant un remède inédit qui fit son effet (précisons que cette histoire n'est pas paru dans le Yated Neeman, mais qu'elle venait de la bouche d'un des mashguiah' d'une des plus grande Yeshiva haredite). Lorsque je fit remarquer à cette personne qu'imaginer que le Hazon Ish puisse soigner des gens sans même les voir et sans posséder les donnés médicinales, celui fit m'affirmer que « c'était ça la Emounat Chachamim »....



3)Je finis sur la parthénogenèse. Pour un esprit du XIXe siècle, l'affirmation des sages selon laquelle les poux naissent de la poussière, ne vous aurait pas du tout surpris. En effet, jusqu'à Pasteur on croyait à la génération spontanée ! Les œufs de poux et de puces étaient si petits, qu'on croyait qu'ils naissaient de rien. La génération spontanée n'a rien à voir avec la parthénogenèse. Selon cette théorie, on peut naitre de rien. Selon la parthénogenèse, on nait de la multiplication d'un gamète femelle non-fécondé, donc d'une mère mais sans l'aide d'un père. Lorsque Hazal parle de « poux qui naissent de la poussière » ils semblent faire clairement référence à la génération spontanée, selon les croyances de leur époque.
Si toutefois, vous vous obstinez à penser qu'ils font références à la parthénogenèse, cela ne change rien puisque les poux naissent bel et bien par fécondation. Il n'y a donc pas de différence entre le mode de reproduction d'un oiseau ou d'un poux.
Il existe encore de bien nombreux problèmes dont certains ont des conséquences sur la Halakha.


4)Je serai heureux de poursuivre cette discussion, mais j'aimerai bien connaître votre identité. Je trouve qu'il est plutôt désagréable de discuter longuement avec un inconnu. Je vous invite donc à m'envoyer un email ([email protected]). Je vous communiquerez bien évidemment mon identité, si vous ne la connaissez pas encore.


Kol Touv
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