Citation:
On m’a montré un Rabbi Akiva Eiger qui a l’air de dire à ses élèves qu’à force de Iyoun on a un Sekhel Yashar , et plus besoin de Bkiout car un seikhel yashar ne viendra jamais un contredire une gmara ou un tosfot
Qu’en pensez vous ?
Il se trouve dans la Hakdama du Rabbi Akiva Eiger bleu (édition moderne) sur Shvouot ou bien dans la Hakdama de l’édition Varsovie 1932 sur Massekhet ‘Houlin
Qu’en pensez vous ?
Que tout est une question de curseur (et de bon sens), comme souvent.
Je copie ici les mots afin de clarifier les choses :
שעיקר היגיעה והעמלה בתורה תהי' להישיר השכל, אף אם עי"ז יחסר כח הבקיאות, שאין העת מספקת על שניהם, כי מי ששכלו ישר באמת אזי שכלו הישר ישמרהו וימנעהו מללכת שובב להעלות על דעתו חלילה נגד הגמ' ותוס' ורמב"ן וכו', כי כל דברי קדשם מיושרים בתכלית, וההיפך מדבריהם הוא עקום בתכלית, ובר שכל הישר לא יטבע ח"ו בעקמומיות עמקי שאול תחתית ר"ל מהאי דעתא
Il dit que la profondeur de compréhension est indispensable, même si elle va porter préjudice à la «
force de sa bekiout », car celui dont l’esprit est «
droit » n’en viendra pas à contredire la Gmara, le Tosfot et le Ramban (= même s’il les a oubliés à ce moment, par manque de « Koa’h bekiout »).
Ça ne veut pas dire qu’il serait préférable d’étudier 1 amoud par mois en « iyoun »,
R. Akiva Eiger n’imaginait pas, même dans ses plus lointains cauchemars, qu’un Ba’hour qui n’a même pas fini la massekhet puisse passer un mois sur un amoud, c’est une absurdité qui n’était pas facilement envisageable à son époque.
Ce qu’il venait exclure, c’est une lecture de la Gmara comme certains font aujourd’hui le Daf Yomi en n’y consacrant qu’une heure par jour, en acceptant tout ce qui est écrit et sans réfléchir ni analyser.
Il faut analyser et réfléchir à ce qu’on étudie, se confronter aux Svarot et voir si on les accepte réellement. Quitte à perdre en cadence (mais pas au point de rester des semaines sur la même page, il faut être censé).
Mon Rav à la Yeshiva m’avait raconté que
Reb Isser Zalman Meltzer avait dit que lorsqu’il était à la Yeshiva il étudiait plus lentement que les autres pour faire plus de Iyoun, et qu’il s’est rendu compte par la suite que, toute sa vie, son Koa’h Habekiout en est resté affecté et affaibli (par rapport à ses amis de Yeshiva).
J’ai demandé quelles étaient les cadences respectives du Rav ainsi que de ses amis : 8 dapim pour Rav Isser Zalman et 12 pour les autres [-sur le moment, j’ai un doute s’il s’agissait d’une cadence mensuelle ou hebdomadaire, a priori c’est hebdomadaire, mais disons mensuelle pour minimiser le ‘hidoush, ça suffit amplement pour comprendre ce dont nous parlons].
Je veux dire que lorsque
RAE parle de « Koa’h Habekiout » et d’étude en iyoun, il ne parlait pas du tout du « iyoun » des Yeshivot d’aujourd’hui. C’est une invention
(pour ne pas dire une dérive) tardive.
Imaginez, un truc fou, que dans 100 ou 150 ans, la cadence des yeshivot continue de ralentir comme elle a commencé à la faire depuis une cinquantaine d’années, et qu’on arrive à des yeshivot où il serait assez classique d’étudier 1 demi amoud en un an.
Mais attention,
en « Iyoun » !
Aujourd’hui encore, beaucoup trouveraient ça absurde et ridicule, mais dans 150 ans ça serait admis et considéré (et «
sans cela, ce n’est pas du Limoud, c’est de la Bekiout, c’est du blabla, tu lis mais tu ne comprends rien à ce que tu lis », etc…)
Viendra un ardent défenseur de cette cadence de tortue paraplégique et il s’appuiera sur ce passage de
Rabbi Akiva Eiger.
Que faudrait-il lui répondre selon vous ?
Eh bien c’est exactement la même réponse qu’il convient de donner à ceux qui veulent faire croire que
RAE justifierait la mode actuelle de prétendre au « iyoun ».
Tout le monde est d’accord qu’il faut une certaine profondeur de compréhension et qu’il faut aussi une certaine bekiout, tout est une question de curseur.
Je vous suggère de (re)lire les Mikhtavim de
Rav Shakh (dans
Mikhtavim oumaamarim) ou ceux de
Reb Guershon Edelstein sur ce sujet.
Rav Shakh nous avait dit que
Reb ‘Haïm Brisker avait dit qu’en étudiant moins de 40 nouveaux dapim par mois, il ne pense pas que l’on puisse un jour devenir Talmid ‘Hakham.
Une génération après, son fils, le
Brisker Rov a dit qu’il réduit cela de moitié, c-à-d qu’il pense que c’est encore jouable si l’on étudie au moins 20 nouveaux Dapim par mois (=1 daf par jour sur 5 jours de semaine et des ‘hazarot vendredi et samedi).
Une génération plus tard, son élève,
Rav Shakh nous a raconté cela (c’était, de mémoire en 1992) et a ajouté : «
que voulez-vous ? que moi aussi je réduise de moitié (et vous dise qu’en étudiant au moins 10 nouveaux Dapim par mois ça pourrait encore aller) ? Je voudrais bien mais ça serait vous mentir ! »
PS: veuillez excuser les fautes ou incohérences, je suis un peu malade et n'ai pas la force de me relire.
