A priori, pendant Chabbat, il faut utiliser du papier toilette prédécoupé.
Cependant, si nous nous trouvons dans un endroit où il n'y a que du papier toilette en rouleau, ou que nous avons oublié d'acheter (ou de préparer) du papier toilette prédécoupé, il est alors permis d'en couper en faisant un chinouï, c’est-à-dire de manière inhabituelle, comme par exemple à l'aide de son pied ou de son coude. Mais dans ce cas, il faut s'efforcer de ne pas le couper sur la ligne de perforation.
Sources et explications :
Tikoun Keli
La Michna dans le traité de Beitsa (32b) nous enseigne qu'il est interdit de déchirer du papier pour griller du poisson.
Rachi explique qu'il s'agit d'un morceau de papier que l'on entrepose entre la grille et le poisson pour éviter que le poisson crame au contact de la grille.
La Guemara explique que cela s'inscrit dans l'interdit de tikoun keli, c’est-à-dire créer un ustensile.
Toutefois, lorsque le Rambam (פכ"ג ה"ו) et le Choul'han Arou'h (סי' שמ סעיף יג) rapportent l'interdit de déchirer du papier, ils écrivent que c'est comme créer un ustensile. C’est-à-dire que, d'après eux, c'est un interdit derabanan.
Le Béour Halakha (ד"ה אין) explique que l'interdit de tikoun keli est doraïta uniquement lorsqu'on crée complètement un ustensile, c’est-à-dire lorsqu'on l'achève.
Le Or'hot Chabbat (פי"א הערה נו) en déduit que couper du papier toilette s'inscrit dans l'interdit derabanan de tikoun keli.
Koréa
Le Michna Broura (סקמ"א) précise que déchirer du papier en plusieurs morceaux – par exemple dans le but de s'essuyer avec – s'inscrit dans l'interdit doraïta de koréa (déchirer).
Le Béour Halakha (שם) avance un argument inédit selon lequel l'interdit de koréa est doraïta uniquement lorsque nous avons besoin des deux morceaux qui résultent de la déchirure.
D'après ce principe, il explique que le Choul'han Arou'h n'a pas mentionné l'interdit de koréa car il parle de quelqu'un qui n'a besoin que du morceau de papier qu'il a déchiré, mais pas de la feuille de laquelle il l'a déchiré.
Nous aurions pu en déduire que couper du papier toilette à partir d'un rouleau ne s'inscrit que dans l'interdit derabanan de koréa car nous opérons un tikoun (une création) dans le morceau que nous coupons mais dans le rouleau.
Cependant le Or'hot Chabbat (פי"א הערה לב) rejette cet argument.
Premièrement, il prétend qu'en coupant du papier toilette, nous effectuons un tikoun également dans le rouleau, car celui-ci est fait pour être coupé en petits morceaux.
Deuxièmement, ils remet en question le principe du Béour halakha susmentionné.
En effet, puisqu'on a besoin de ce découpage et qu'on ne détériore pas le papier, cela n'entre pas dans la définition de mekalkel (abimer). Par conséquent, c'est censé s'inscrire dans l'interdit doraïta de koréa al menat letaken (déchirer de manière constructive).
Certes, Rav Ovadia Yossef (יביע אומר ח"ט סי' קח אות קפה) soutient que l'interdit doraïta de koréa ne concerne qu'un tissue cousu ou tissé ou collé (ce qui n'est pas le cas pour du papier toilette), cependant le Béour Halakha (שם) au nom du 'Hayé Adam se base sur le Talmud Yerouchalmi (פ"ג ה"ו) pour rejeter cette opinion.
Me'hatekh
Le Michna Broura (סקמ"א) ajoute que le Choul'han Arou'h n'a pas mentionné l'interdit de me'hatekh (découper), car on ne parle pas de quelqu'un qui déchire du papier selon une taille exacte.
En coupant du papier toilette sur la ligne de perforation, enfreignons-nous l'interdit de me'hatekh ?
Le Or'hot Chabbat (פי"א הערה נז) rapporte que cette question est sujette à discussion entre Rav Elyachiv et Rav Chlomo Zalman Auerbach.
En effet, Rav Elyachiv soutient que cela s'inscrit dans l'interdit de me'hatekh du fait que les lignes de perforation sont conçues pour que les morceaux de papier aient une taille exacte après avoir été coupés.
D'un autre côté, Rav Chlomo Zalman Auerbach pense que cela ne s'inscrit pas dans l'interdit de me'hatekh en raison du fait qu'on coupe le papier toilette sur les lignes de perforation non pas pour obtenir une taille exacte mais parce qu'il est plus facile de le couper de cette façon. Et c'est aussi l'avis de Rav Ovadia Yossef (יביע אומר שם).
Kevod Haberiot
Certes, Rav Bentzion Abba-Chaoul (אור לציון פ"מ ס"ו) interdit de couper du papier toilette même en faisant un chinouï et même en raison de kevod haberiot, c’est-à-dire pour ne pas qu'un homme se trouve dans une situation honteuse.
Il affirme qu'en raison de kevod haberiot, on permet uniquement de manipuler des objets mouktsés (comme on le voit dans le Choul'han Arou'h 312:1), mais on ne permet pas de faire des travaux dont la racine est doraïta.
Cependant, Rav Elyachiv (ארחות שבת פי"א הערה לג), Rav Nissim Karelitz (חוט שני ח"א פי"ח סק"א) et Rav Ovadia Yossef (יביע אומר שם) contestent cette position et soutiennent que lorsque nous nous trouvons dans un endroit où il n'y a que du papier toilette en rouleau, ou que nous avons oublié d'acheter (ou de préparer) du papier toilette prédécoupé, il est alors permis de le couper en faisant un chinouï en raison de kevod haberiot.
Ils rapportent qu'en raison de kevod haberiot, il est permis non seulement de manipuler des objets mouktsés, mais aussi de faire des travaux interdits en faisant un chinouï.
En effet, le Michna Broura (סי' שיב סק"כ) écrit qu'il est permis de polir une pierre en faisant un chinouï pour s'essuyer sans se blesser.
Cependant, même lorsqu'on coupe du papier toilette en faisant un chinouï en raison de kevod haberiot, il faut tout de même s'efforcer de ne pas couper le papier sur la ligne de perforation, pour ne pas rentrer dans le problème de me'hatekh, comme le souligne le Chemirat Chabbat Kehil'hata (פכ"ג סי"ט).
