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Pourquoi les hommes décideraient pour les femmes ?

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elie90
Messages: 13
Bonjour Rav Wattenberg,

Une question qui revient souvent, notamment chez les féministes mais aussi chez des personnes sincèrement engagées dans la tradition juive, concerne la place des femmes dans l’interprétation de la loi.

Pourquoi, dans le judaïsme, l’interprétation de la halakha – y compris sur des sujets qui touchent directement la vie des femmes – est-elle réservée aux hommes ? Il est vrai que l’on peut dire que c’est Dieu qui fixe la loi, mais il y a une part importante d’interprétation humaine, de réflexion, et de psika (décision halakhique), même à notre époque.

Historiquement, les hommes étaient les seuls à avoir un accès structuré et approfondi aux textes. Mais aujourd’hui, les femmes sont tout à fait capables d’étudier, de réfléchir, et d’analyser les sources. Et surtout, lorsqu’il s’agit de sujets qui concernent directement la vie des femmes, qui mieux qu’une femme pourrait en mesurer la portée concrète ?

Existe-t-il un texte qui stipule explicitement que seuls les hommes peuvent trancher la halakha ? Certes, la mitsva d’étudier la Torah repose principalement sur les hommes, mais pourquoi empêcher les femmes d’étudier sérieusement, voire d’arriver à un niveau leur permettant de trancher ?

Est-ce que cette situation se maintient uniquement parce que le monde religieux met plus de temps à s’adapter à la modernité ? Peut-on envisager qu’un jour, des femmes aient une place reconnue dans la psika ?

Je vous remercie d’avance pour vos éclaircissements.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 7224
Citation:
Une question qui revient souvent, notamment chez les féministes mais aussi chez des personnes sincèrement engagées dans la tradition juive, concerne la place des femmes dans l’interprétation de la loi.
Pourquoi, dans le judaïsme, l’interprétation de la halakha – y compris sur des sujets qui touchent directement la vie des femmes – est-elle réservée aux hommes ? Il est vrai que l’on peut dire que c’est Dieu qui fixe la loi, mais il y a une part importante d’interprétation humaine, de réflexion, et de psika (décision halakhique), même à notre époque.
Historiquement, les hommes étaient les seuls à avoir un accès structuré et approfondi aux textes. Mais aujourd’hui, les femmes sont tout à fait capables d’étudier, de réfléchir, et d’analyser les sources. Et surtout, lorsqu’il s’agit de sujets qui concernent directement la vie des femmes, qui mieux qu’une femme pourrait en mesurer la portée concrète ?
Existe-t-il un texte qui stipule explicitement que seuls les hommes peuvent trancher la halakha ? Certes, la mitsva d’étudier la Torah repose principalement sur les hommes, mais pourquoi empêcher les femmes d’étudier sérieusement, voire d’arriver à un niveau leur permettant de trancher ?
Est-ce que cette situation se maintient uniquement parce que le monde religieux met plus de temps à s’adapter à la modernité ? Peut-on envisager qu’un jour, des femmes aient une place reconnue dans la psika ?
Je vous remercie d’avance pour vos éclaircissements.


L’interprétation de la Halakha (en d’autres termes la « Psika »), ne revient pas aux hommes uniquement, mais aux personnes habilitées exclusivement. Si une femme s’avère être aussi compétente que Rav Eliashiv, Rav Moshé Feinstein ou Rav Ovadia Yossef, elle sera assurément consultée pour le Psak Halakha.
Voyez ce que j’ai répondu ici :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=44274

Vous avez titré votre question : « Pourquoi les hommes décideraient pour les femmes ? », cette antienne est un poncif auquel nous ont habitués les féministes en manque de Yirat Shamayim ; car pourquoi distinguer entre hommes et femmes ?
Que diriez-vous de celui qui demanderait « pourquoi ceux qui ont fait médecine décideraient (en matière de santé) pour les fleuristes ? Et les garagistes pour les (voitures des) avocats ?». C’est ainsi, ceux qui « décident » et dont l’opinion à une valeur, sont ceux qui se sont hissés au niveau requis.

Pour être Possek Halakha (pas seulement « moré horaa »), il faut non seulement avoir étudié le Shas, mais aussi les Rishonim. Il ne s’agit pas d’avoir suivi un cours de daf yomi pendant 7 ans, mais d’une étude approfondie telle qu’on l’apprend en Yeshiva.
Je ne connais pas une seule femme au XXIème siècle (même parmi celles qui se sont spécialisées sur des sujets halakhiques) qui ait cette connaissance et cette compréhension des Rishonim.

Les hommes qui l’ont sont, eux aussi, rares et s’il y en a tout de même c’est bien entendu car les hommes sont beaucoup plus nombreux à avoir étudié à la Yeshiva et ça n’a rien à voir avec une prétendue faiblesse intellectuelle ou cognitive des femmes que les féministes se persuadent d’imaginer pour s’en indigner à chaque occasion.
Les femmes ne sont pas plus bêtes que les hommes, ce n’est pas le sujet. Un fleuriste peut être plus intelligent qu’un chirurgien, pourtant c’est ce dernier qu’on écoutera et à qui on fera confiance concernant une opération. Idem pour l'avocat qui peut être plus intelligent que le garagiste, mais s'y connaitra moins en voitures.

[Il existe, de nos jours, des femmes qui se spécialisent sur un sujet halakhique (par exemple Nida) et l’apprennent en profondeur. C’est un peu comme un Kollel Halakha pour femmes. Elles peuvent accéder au niveau requis pour pouvoir indiquer la Halakha, mais pas pour pouvoir trancher la Halakha (différence entre moré horaa et possek), car pour cela, une formation de ce type ne suffit pas, il faut baigner dans les Rishonim des années, tel que ça se fait à la Yeshiva.]

Bref, il ne faut pas voir des hommes qui décident pour des femmes, mais des spécialistes du Shas qui décident pour ceux qui n’ont pas acquis ce niveau et qui souhaitent tout de même savoir ce qu’un Talmid ‘Hakham préconise en matière de halakha dans un cas donné.

Par le lien indiqué plus haut vous verrez qu’une femme qui en aurait les compétences pourrait, elle aussi, donner son avis dans la Halakha et c’est déjà arrivé.

Vous écrivez :

Citation:
Historiquement, les hommes étaient les seuls à avoir un accès structuré et approfondi aux textes. Mais aujourd’hui, les femmes sont tout à fait capables d’étudier, de réfléchir, et d’analyser les sources.


Oui et non. Potentiellement capables, oui, elles sont capables, et pas seulement aujourd’hui, il y a un siècle aussi. « Etudier, réfléchir et analyser les sources » est donné à tout le monde, même à un Am Haarets et même à un Goy. Mais l’analyse des sources par celui qui a une connaissance des Gmarot et des Rishonim n’est pas comparable à l’analyse des sources par celui qui n’a pas été plongé des années durant dans une Yeshiva à approfondir la compréhension des Rishonim. Les conclusions pourront parfois diverger de manière très conséquente.

Concrètement, les hommes sont encore (massivement) les seuls à avoir accès à ce type d’étude (des années à la « Yeshiva classique », pas un « kollel halakha »).


Citation:
Et surtout, lorsqu’il s’agit de sujets qui concernent directement la vie des femmes, qui mieux qu’une femme pourrait en mesurer la portée concrète ?

Qui mieux ? le spécialiste.
Si une femme doit subir une opération qui concerne les femmes, mais que les seuls spécialistes sur ce domaine chirurgical sont des hommes, on ne va pas se dire « qui mieux qu’une femme pour prendre cette décision », on va faire confiance au spécialiste, qu’il soit homme ou femme, peu importe (et inversement, si les spécialistes pour une chirurgie qui concerne les hommes sont toutes des femmes, on ne va pas dire « qui mieux qu’un homme etc. »).

[Voyez aussi, par le lien indiqué plus haut, ce que j’ai écrit concernant une difficulté différente je trouve certaines situations dérangeantes lorsque l'on doit parfois parler de certaines choses et que c'est la femme qui se présente chez le rabbin... En dehors du fait qu'elle serait souvent plus à l'aise d'en parler avec une femme Yoetset, j'estime qu'il peut parfois aussi y avoir un manquement au niveau de la pudeur »), mais il ne s’agit pas de dire qu’un homme ne saura pas indiquer la Halakha convenablement, seulement qu’il est préférable que ce soit une femme pour les sujets les plus intimes.]
elie90
Messages: 13
Je vous remercie de votre réponse.

Vous admettrez toutefois que le monde orthodoxe ne fait pas grand-chose pour que les femmes deviennent des spécialistes en étude et en halakha. Vous présentez un fait accompli : les spécialistes se trouvent être des hommes. Mais cela est la conséquence directe d’un système qui pousse massivement les hommes à étudier, tandis que les femmes sont encouragées à se consacrer à la maison et à l'éducation des enfants.

Preuve en est : une femme qui voudrait aujourd’hui se plonger sérieusement dans les textes serait souvent mal perçue dans le monde religieux traditionnel. On lui rappellerait que ce n’est "pas sa place", "pas son rôle". Et même si, malgré cela, elle atteignait un très haut niveau d’expertise, il est difficile d’imaginer que des hommes – et même des femmes – issus de ce même monde orthodoxe se tourneraient vers elle pour recevoir un psak, ou la reconnaîtraient comme autorité au même titre qu’un homme.

Je ne parle même pas de la représentation des femmes à des postes de responsabilités communautaires ou politiques, où les compétences requises ne sont pas exclusivement halakhiques, mais relèvent plutôt du bon sens, de l’engagement et d’un certain leadership – des qualités que bien des femmes possèdent. Pourtant, il est évident qu’aujourd’hui encore (et particulièrement en Israël), le monde religieux peine à accepter l’idée même d’être dirigé par une femme.

Alors, la vraie question ne serait-elle pas : le problème vient-il du manque de compétence des femmes, ou bien du refus structurel du système religieux de leur en reconnaître la légitimité – même quand elles les acquièrent ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 7224
Citation:
Vous admettrez toutefois que le monde orthodoxe ne fait pas grand-chose pour que les femmes deviennent des spécialistes en étude et en halakha.

Oui, je « l’admets », je le « reconnais ». Mais je dirais plutôt que je « l’affirme » tout simplement.
C’est un fait reconnu et revendiqué par les concernés, ils ne le cachent pas et c’est souhaité.


Citation:
Vous présentez un fait accompli : les spécialistes se trouvent être des hommes. Mais cela est la conséquence directe d’un système qui pousse massivement les hommes à étudier, tandis que les femmes sont encouragées à se consacrer à la maison et à l'éducation des enfants.

Effectivement, l’étude poussée du Talmud est encouragée pour les hommes puisque ce sont eux qui en ont la Mitsva.
Si l’on poussait aussi les femmes à étudier de la même manière, dix à douze heures par jour, imaginez un peu de quoi aurait l’air le monde religieux ! Les enfants grandiraient abandonnés à eux-mêmes, ne seraient pas nourris et j’en passe.

Quand vous voyez tout ce qu’on râle contre les religieux parce qu’ils s’adonnent à l’étude et « ne travaillent pas » et « ne font pas l’armée » etc., imaginez si les femmes aussi se consacraient à l’étude avec le même dévouement!


Citation:
Preuve en est : une femme qui voudrait aujourd’hui se plonger sérieusement dans les textes serait souvent mal perçue dans le monde religieux traditionnel. On lui rappellerait que ce n’est "pas sa place", "pas son rôle". Et même si, malgré cela, elle atteignait un très haut niveau d’expertise, il est difficile d’imaginer que des hommes – et même des femmes – issus de ce même monde orthodoxe se tourneraient vers elle pour recevoir un psak, ou la reconnaîtraient comme autorité au même titre qu’un homme.

Vous vous trompez, si une femme arrivait au niveau requis, son opinion serait considérée comme celle d’un homme du même niveau.
Et c’est arrivé.
Pas seulement à l’époque de Dvorah, mais aussi plus tard, comme Brouria (qui vivait pourtant à une époque où des Sages critiquaient celui qui enseigne la Torah à sa fille), et même plus tard à l’époque des Rishonim et même à l’époque des A’haronim.

J’ai déjà évoqué sur ce site le cas de Myriam la grand-mère du Maharshal (et de la vierge de Ludmir) et bien d’autres.

Je pense que le point sur lequel vous vous méprenez, c’est de croire qu’une femme (ou un homme) qui a suivi une formation rabbinique puisse par cela acquérir (au moins pour ce sur quoi portaient ses études) les compétences et le niveau de celui qui a étudié le Shas et les Rishonim plusieurs années en Yeshiva.


Citation:
Je ne parle même pas de la représentation des femmes à des postes de responsabilités communautaires ou politiques, où les compétences requises ne sont pas exclusivement halakhiques, mais relèvent plutôt du bon sens, de l’engagement et d’un certain leadership – des qualités que bien des femmes possèdent. Pourtant, il est évident qu’aujourd’hui encore (et particulièrement en Israël), le monde religieux peine à accepter l’idée même d’être dirigé par une femme.

Vous touchez-là à un autre sujet.
Nous parlons des compétences, du niveau. Mais vous parlez ici du fait de « diriger », c’est une autre affaire.
Vous devez savoir que la Halakha disqualifie la femme de certains postes (roi, juge, témoin), ça n’est pas une question de niveau.

N’importe quelle femme un tant soit peu instruite pourrait vous reprendre sur ce point et vous faire remarquer qu’il s’agit d’un autre problème.
Une femme instruite ne souhaite pas remplir ces rôles, précisément car elle est instruite et sait qu’elle en est disqualifiée, indépendamment de ses connaissances et de son niveau.


Citation:
Alors, la vraie question ne serait-elle pas : le problème vient-il du manque de compétence des femmes, ou bien du refus structurel du système religieux de leur en reconnaître la légitimité – même quand elles les acquièrent ?

Pour cela (diriger), la réponse est : ni l’un ni l’autre.
Mais concernant le sujet dont nous parlions avant, qu’une femme puisse trancher la Halakha (par exemple écrire des Psakim), le problème est le manque de compétence, comme expliqué plus haut.

Il est vrai qu’avec le temps, l’usage a consacré la figure masculine comme Talmid ‘Hakham et si une femme atteint le niveau d’un Talmid ‘Hakham, le « peuple », la masse, aura du mal à l’accepter.
Toutefois, si les Rabanim gardiens de la tradition l’approuvent et indiquent que ses psakim sont fiables, je ne doute pas que la grande majorité des juifs frum suivra et l'acceptera.
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