Citation:
Bonjour Rav, qu'avait de si extra-ordinaire ce Rav ?
Comme vous utilisez le terme d’extraordinaire, je suppose que vous ne parlez pas de
Rav Fisher mais de
Rav Elefant au sujet duquel j'avais écrit qu'il
"sortait vraiment de l'ordinaire".
Rav Fisher était un Talmid ‘Hakham profond et c’est assez rare, il avait une compréhension profonde de la Torah, pas seulement une « compréhension scientifique »
(qui est plus fréquente chez les grands Rabanim), mais aussi une profondeur de compréhension du monde et donc de la Torah.
Quant à
Rav Elefant, extraordinaire dans son sens littéral lui va très bien, car il sortait totalement de l’ordinaire pour un Rosh Yeshiva…
Son charisme et son enthousiasme contagieux étaient légendaires, il marquait les gens qui le rencontraient, il avait une présence unique, on ne pouvait pas ne pas le remarquer
(à tel point que c'est devenu une expression: "un Elefant dans la pièce"…), son franc-parler était désarmant, il avait beaucoup d’humour, il n’était absolument pas conventionnel, pas classique pour un sou, il se "permettait" des choses qu’aucun autre Rosh Yeshiva ne se permet. Même sa façon de parler, son vocabulaire, n’était pas celui d’un Rosh Yeshiva classique.
Il faut dire qu’à son époque, il n’y avait pas beaucoup de Rashei Yeshivot américains en Israël, ils étaient majoritairement européens ou parfois israéliens.
Son côté cow-boy téméraire, son sens des affaires new-yorkais, et son audace, ont fait de lui un Rosh Yeshiva unique en son genre.
Plein d’assurance et de confiance en lui, même plus que de l’assurance, c’est une très grande estime de soi que l’on retrouve fréquemment chez lui.
Il n’a pas eu d’enfants. Il était riche et collectionnait d’anciens meubles de valeur, il y avait chez lui des chaises de collection. Et à une autre époque, des toiles d’artistes mondialement réputés.
Rav Shakh disait de lui : «
Rav Elefant: Gaon VeTsadik ; Hou Gaon, Ishto Tsadik ».
Si vous lisez ses mémoires, vous tomberez de votre chaise, elles sont accessibles gratuitement ici :
https://rabbidunner.com/rabbi-mordechai-elefants-memoirs/
Ce livre comporte énormément de faits et anecdotes qui pourraient paraître choquants, honteux, ou interdits. Ne me demandez pas de vous les justifier halakhiquement, merci.
(Il faut d’abord avoir une connaissance plus vaste du bonhomme et savoir à quel point les Gdolei Israel l’aimaient. Après il faut aussi avoir beaucoup de Shimoush Talmidei 'Hakhamim au compteur. Ensuite il faut savoir prendre du recul et relativiser les choses, nous sommes souvent trompés par des us et coutumes et des façons de faire et de se comporter qui sont qualifiées de « rabbiniques » alors qu’elles relèvent simplement d’un effet de mode…)
Quelques passages pour vous donner une idée de ce qu’était ce rabbin excentrique :
(page 2) Lors d’une rencontre,
Rav Shakh lui demande qu’est-ce qu’il étudie comme souguia en ce moment
(question classique entre rabbins),
Rav Elefant lui répond : «
Rav Shakh, soyons francs entre nous, vous n’avez pas envie de savoir ce que j’étudie, et je n’ai pas envie de savoir ce que vous étudiez ». Ce qui lui valut un sourire de
Rav Shakh qui appréciait son côté iconoclaste.
(page 7) il nous raconte que Rav Hillel Zacks
(Rosh Yeshivat ‘Hévron et petit-fils du ‘Hafets ‘Haïm) et
Rav Yisroel Kalmanowitz [au sujet duquel le
Rabbi de Gur a dit qu’en dépit de son obédience « Litvak », il a une apparence/un visage de saint (
heiligge Ponim)], lorsqu’ils étaient à Brooklyn, jouaient très bien au handball et battaient même les goyim à ce jeu
(tous deux sont légèrement plus jeunes que Rav Elefant, ils sont de 1931. Rav Kalmanowitz est le fils de Rav Avraham Kalmanowitz de Mir à N.Y. et habite aujourd’hui à Bnei Brak, il doit avoir dans les 94 ans).
(page 21) Rav Elefant nous dit que son ami
Naftali Kaplan ressemblait à
Humphrey Bogart avec une barbe.
(pages 21-22) il nous raconte son shidoukh avec sa femme, qui ne voulait pas de lui mais qui voulait épouser leur shadkhan qui avait 45 ans alors qu’elle n’en avait que 18. (voir aussi
p.57)
(page 34) vous verrez qu’il connait et apprécie des chansons des Goyim (« We shall overcome », et plus loin
p.35 « When irish eyes are smiling ») et nous parle de ce qu’il a vu à la télé.
(page 36) il promet à un ami qu’il l’emmènera à Disney Land et l’y emmène.
(page 36) on découvre que c’est un connaisseur en alcool et qu’il « encaisse » très bien. Voir aussi
p.70.
(page 36-37) il nous dit qu’étant jeune il allait souvent au cinéma (voir aussi
p.64 et
p.74) et au théâtre avant de décider de consacrer sa vie au limoud (il avait 15 ans).
(Page 38-39) son amitié avec le pianiste
Byron Janis (Yankelevitch) et son épouse
Maria, qui n’est autre que la fille unique de
Gary Cooper.
Ce dernier était antisémite et sa seule fille a épousé un juif
(rassurez-vous, elle l’a épousé 5 ans après le décès de son père -qui est mort à 60 ans en 1961. Par contre, sa mère qui était aussi antisémite, a eu ce gendre juif pendant plus de trente ans, jusqu’à sa mort en 2000). (Byron Janis est, quant à lui, récemment décédé à quasiment 96 ans en 2024.)
(page 39) il est introduit par
Janis chez
Uri Geller (qu’il critique sévèrement au passage et le qualifie durement).
Uri Geller avait une douzaine de bulldogs dans sa propriété,
Rav Elefant avait peur des chiens et dit à
Janis d’expliquer à
Geller que «
chiens et Elefant ne font pas bon ménage ».
Il nous raconte aussi une anecdote qui date de sa période à Lakewood où il marchait avec
Rav Aharon Kotler qui avait lui aussi une peur bleue des chiens et ils se sont retrouvés tous deux face-à-face avec un chien…
(page 40) Byron Janis était surnommé le Chopin des temps modernes, il jouait comme lui (selon
Rav Elefant). Et ils sont allés
(Rav Elefant et Janis) ensemble, visiter la maison de
Chopin à Paris.
(page 40) Rav Elefant dit de lui-même qu’il a une face Lamdan et une face Shaygetz. (et le
Rabbi de Gur -le Beis Yisroel- semble être d’accord sur cette seconde partie de l'appréciation.)
(page 40) il nous raconte quelques prouesses de sorcellerie d’
Uri Geller.
(page 42) Alors qu’il devait se rendre à un dîner à Chicago,
Rav Elefant se trouve coincé lors d’une escale à Rome, à cause d’une grève de la TWA. Il appelle son ami
Elbaum, qui envoie, depuis Manhattan, un telex à la TWA indiquant que
M. Elefant est un diplomate en mission secrète, et c’est pourquoi il n’a pas son passeport de diplomate sur lui, mission de la plus haute importance pour l’humanité etc. Du coup, on a fait sortir un prêtre italien du premier avion Alitalia à destination de NY, pour donner sa place à
Rav Elefant !
(page 45) fête d’anniversaire d’
Ezer Weizman chez
Rav Elefant à la maison.
(page 46) Jean-Paul II et son ami juif.
(page 48) rencontre de
Rav Elefant avec le pape à qui il offre un cadeau (
Lo Te’honem !).
(page 53) Rav Elefant avait de nombreux amis chrétiens.
(
page 54 mais aussi avant et après) tout au long du livre, on voit comment
Rav Elefant brassait des millions de dollars.
(page 57) Larry King…
(page 60) Rav Elefant attend un train à la gare, il est assis et tient son chapeau dans ses mains. Il s’endort. Quand il se réveille, il trouve 3 billets de 1 dollar et quelques pièces dans son chapeau. Il en dira :
c’était la première fois que je gagnais honnêtement un dollar.
(page 61) Its’hak Rabin avait un problème avec l’alcool (alcoolique). Pour éviter que certains de ses écarts
(un état d’ébriété l’ayant amené à certaines légèretés avec une hôtesse de l’air dans l’avion retour de Munich lorsqu’il y était allé pour faire un Kadish pour les athlètes assassinés en 1972 aux J.O.) n’apparaissent dans la presse, il doit soudoyer les journalistes, il lui faut une grande somme pour cela, somme qu’il emprunte à
Rav Elefant ( !).
(page 64) Rav Elefant a recours à la mafia… voir aussi
p.71.
(page 76) grande amitié avec
Hubert Humphrey (vice-président américain).
Lorsque ce dernier s’est présenté contre
Nixon, Rav Elefant lui dit qu’il irait prier au Kotel pour sa réussite.
Humphrey lui a répondu :
avec tout le respect, je préfère que ce soit Goldie (=la rabanit Elefant)
qui prie pour moi. (Tout le monde considérait qu’elle était plus Tsadéket -voyez ce que j’ai rapporté plus haut à propos de rav Shakh et « Gaon vetsadik »).
(page 82) il possédait des tableaux de
Dali, Chagall, Kisling, Toulouse-Lautrec…
(page 86) grande amitié avec
Joe DiMaggio, le champion de baseball et mari de
Marylin Monroe.
Bref, j’en passe. Il y a dans ce livre des millions de dollars, des peoples et des politiques à profusion.
L'excentrique
Rav Elefant n’est absolument pas classique pour un rosh yeshiva pourtant apprécié des rabanim les plus classiques, comme
Rav Shakh, Rav Powarsky, Rav Ye’hezkel Lewinstein, Rav Arié Leib Malin, etc.
PS: JNMRP,VELF (=Je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes).