Citation:
Peut on voir un aspect inadapté pour un rav de faire du vélo (qalout roch ?)
Tout dépend des us et coutumes de chaque ville, mais intrinsèquement, le vélo n’a rien -selon moi- d’inadapté au rabbin de nos jours.
Rav Nissim Karelitz (Hout Shani, Yoré Déa III, Talmoud Torah p.84-85) considère que pour un Ben Torah, à Bnei Brak, c’est de la Kalout Rosh, il ne faut pas faire du vélo, quitte à perdre du temps en chemin en marchant.
Rav Mikhel Yehouda Lefkowicz (Darkhei Ha’haïm I, Bnei Brak 2006, p.48) autorise à un Ba’hour yeshiva de rejoindre sa Yeshiva en vélo
(pour que le chemin ne dure que 15 minutes au lieu de 40) mais il faudra veiller à partir tôt et revenir tard afin
(de ne pas être vraiment vu et) qu’il n’y ait pas de « ‘hiloul kavod du Ben Yeshiva ».
Par ailleurs, il l’a interdit à un Avrekh, en rappelant que le
Steipler n’appréciait pas qu’un Avrekh se déplace en vélo (Darkhei Ha’haïm I, Bnei Brak 2006, p.48).
Voir
Pninei Rabénou Hakehilot Yaakov (p.128).
Voir aussi
Karyana Deïgerta (Nouvelle édition, I, §165) à propos d’un élève qui s’est fait renvoyé de la Yeshiva (en 1963) car il avait fait du vélo ( !).
Rabbi Méir Mazouz זצ"ל a dit dans son récent shiour sur Parshat Mishpatim (Motsash Yitro) 5785
(Bayit Neeman 447, p.4, §17), au nom de son père הי"ד, qu’il ne convenait pas à un Talmid ‘Hakham de faire du vélo.
Son père,
R. Maslia'h, paraphrasait le verset
(Shemot 20,23) אשר לא תגלה ערותך עליו (afin que ta nudité ne s’y découvre point).
Un élève lui avait fait remarquer que ce passouk parlait du Mizbéa’h, c’est là que dévoiler ses jambes était problématique.
Rabbi Maslia’h Mazouz le savait bien, mais ce n’était qu'une sorte d’Asmakhta, et il n’a pas changé d’avis pour autant, bien évidemment. Du coup
Rabbi Méir Mazouz son fils, lui a emboité le pas.
Voir aussi son
Assaf Hamazkir (p.10) où il mentionne cette position de son père et lui apporte des preuves.
[Notamment de
Rashi Baba Metsia (10a en bas) où la gmara dit qu’il n’est pas habituel
(même pour un homme) de chevaucher en ville et
Rashi explique que c’est en raison de la Tsniout (משום צניעותא).
Je ne trouve pas cette preuve convaincante, si à l’époque ça ne se faisait pas de se promener en ville à cheval (et c’était « voyant »/non tsanoua), ça ne veut pas dire qu'il en va de même aujourd’hui pour le vélo. Tout dépend de ce qui se fait et ne se fait pas, de la largeur des rues, de la « prétention » qu’il peut y avoir à faire du vélo en ville (qui n’est pas comparable à la prétention qu’il y avait à chevaucher en ville)…
Rav Mazouz ramène lui-même par la suite qu’il a une difficulté à partir du
Shoul’han Aroukh (H’’M §197,5) où l’on voit au contraire qu’un homme important a l’habitude de chevaucher en ville (cf.
Rambam hil. Mekhira fin de §2). Il y voit une contradiction flagrante à ce qui ressort du
Rashi de
Baba Metsia (9a -op cit).
Il semblerait que
Rav Mazouz ait compris l’idée de
Rashi « משום צניעותא » comme voulant dire que c’est « honteux » (de chevaucher en ville). Je pense que ce n'est pas son intention, mais plutôt de dire que c’est « prétentieux », c’est se faire remarquer que de chevaucher en ville dans les étroites rues et devant tout le monde qui marche plus bas.
C’est pourquoi nous pouvons dire
(avec le Rambam et le Shoul’han Aroukh) que c’est précisément l’habitude des gens importants, ce n’est donc prétentieux que pour les gens « classiques ». Voir aussi
Rashi Baba Metsia (9b sv. Veï inish).]
Pour ma part, je ne suis pas persuadé que
Rabbi Maslia’h serait resté sur sa position au XXIème siècle ; il portait la jellaba et on peut plus aisément comprendre le lien avec le passouk qu’il citait
(« afin que ta nudité ne s’y découvre point ») car en pédalant, les jambes (les mollets) se dévoilent un peu si l’on porte une jellaba. Mais de nos jours, avec un pantalon, de quel גילוי ערוה peut-on parler ?
Toutefois, je me souviens que lorsque j’habitais à Bnei Brak, le vélo était banni, il était terriblement « honteux » de faire du vélo
(après la Bar Mitsva) comme il ressort de ce qu’a écrit
Rav Karelitz (op cit) et du
Steipler (op cit).
[Etrangement, il y avait un jeune Rosh Kollel à la barbe rousse qui bravait cet « interdit », tout en restant très fidèle aux autres critères de Bnei Brak. Mais c’était bien le seul « réfractaire » de la ville.]
Et ce, au moins jusqu’au début ou milieu des années 1990. [Depuis ça a changé, beaucoup d’hommes se baladent à Bnei Brak en vélo et en vélo électrique.]
J’en avais parlé avec
Rav Eliezer Ginzburg זצ"ל de Ponovez il y a une trentaine d’années, je trouvais cet « interdit » ridicule. Il m’avait expliqué la position de « Bnei Brak » pour justifier cette mise au ban du vélo, mais ne m’avait pas convaincu du tout et je le lui avais dit.
Je lui avais aussi rapporté qu’en France, le
Rav ‘Haïm Yaakov Rottenberg avait "imposé"
(intimé) aux Avrekhim de son kollel (10 rue Pavée) de venir en vélo afin de faire un peu d’exercice physique indispensable à la santé.
[A une époque, aux débuts du kollel de la rue Pavée (ouvert en 1979), les Avrekhim se rendaient au kollel en vélo. La cour de la synagogue était remplie de vélos.
Un jour, il a été décidé qu’il ne fallait plus se « garer » dans la cour car elle devenait impraticable en raison des nombreuses bicyclettes qui l’encombraient. Tout le monde s’est garé dehors, mais il y a eu des vols de vélos, puis des achats d’antivols conséquents.
Ultérieurement, surtout après le décès du
Rouv, les avrekhim étant fatigués de pédaler sont passés au Solex et à la mobylette, ou au scooter pour les plus fortunés.
Ensuite, les jeunes avrekhim commençant à avoir des enfants qui grandissaient un peu et qu’il fallait amener à l’école, il y a eu l’apparition des voitures.
L’un d’eux (devenu depuis un Rav très connu et apprécié שליט"א) ayant eu des triplées, avait fait l’acquisition un vespa triporteur AC4T de 1963 utilisé jusque-là par la poste
(petit véhicule jaune à trois roues, doté d’un grand coffre qui s’ouvre par le haut) et mettait ses enfants dans le coffre tels des colis postaux. A cette époque encore, la police et le code de la route étaient plus flexibles, et les Avrekhim étaient voués à la Torah et ne se préoccupaient pas trop des apparences ni de la Gashmiout.]
Quelques années après le décès du
Rav Rottenberg, étant de passage en France vers 1995, j’avais rencontré son fils, le Rav de la synagogue de la rue Pavée,
Rav Mordekhaï Rottenberg שליט"א. J’étais en vélo et lui à pied, il m’avait demandé de lui prêter le vélo pour quelques minutes, avait fait un petit tour et était revenu en disant que c’était une Horaa (un maassé rav) pour montrer et proclamer qu’il était moutar de faire du vélo 😊.
A cette époque et encore des années durant, sa sœur, la
Rabanit Kats תליט"א, arpentait les rues de Paris à vélo, suivant en cela la position de
Rav Falk (Oz Vehadar Levousha p.511) qui considère qu’il n’y a pas de problème de Tsniout à ce qu’une femme fasse du vélo en public dans les villes où ça se fait.
(Evidemment, ce Psak n’avait pas droit de cité à Bnei Brak où le vélo était mal vu même pour les hommes. C’est l’un des Psakim de
Rav Falk mis en exergue par ses contempteurs israéliens pour justifier leur condamnation du
Oz Vehadar Levousha. Pourtant,
Rav Falk souligne avec beaucoup de sagesse que tout dépend de l’endroit, qu’en Israël, les Poskim interdisent au-delà de 9 ans, et qu’il sera interdit de déroger à l’habitude locale l’interdisant.)
De nombreux Rabanim israéliens interdisent le vélo aux femmes pour raison de manque de Tsniout. Voyez :
Shout ‘Hayei Halévy (VI, §170,2) [qui interdit le vélo à deux roues, mais autorise s’il y en a 3 ou 4 (rosalie)]. Voir aussi son père dans
Shevet Halévy (X, §26) qui autorise le vélo aux petites filles jusqu’à 9 ans seulement.
Shout Mekor Neéman (II, §835)
Shout Shevet Hakehati (IV, §313)
Rav Zilberstein (‘Hashoukei ‘Hemed Psa’him p.43-44)
Voir aussi
Avnei Yashfé (VI, §118,1) [et Karyana Deïgerta (nouvelle édition, I, §89 à la fin)].
Pour en revenir à votre question, concernant un Talmid ‘Hakham, j’indique encore que
Rav Shmouel Nadel (c’est le fils de
Rav Guedalia Nadel), lorsqu’il venait à Paris, se faisait un plaisir de circuler en vélo ou Vélib, et ce, jusqu’à un âge avancé.
Rav Mazouz lui-même indique
(Assaf Hamazkir p.10) que
R. ‘Haïm Madar se déplaçait en vélo à Djerba, et le Mekoubal
R. Shmouel Darzi en faisait autant en Irak.
Il semblerait donc, là encore, que ce soit une divergence de vue supplémentaire entre Israël et ‘Houts Laarets.
PS: je ne me relis pas, merci d'excuser les fautes.