A
Elephdapim:
Citation:
Rav, je voudrais vous poser directement la question : pourquoi dites vous que c’est “fort étonnant” que des bahourim bénéficient d’une bourse ?
En effet, si l’on regarde la situation des avrekhim dans les kollelim, ils reçoivent eux aussi un soutien financier, et cela n’est pas considéré comme problématique : au contraire, c’est perçu comme un moyen de leur permettre d’étudier sereinement. Alors en quoi le fait de donner une aide financière à un bahour serait-il fondamentalement différent ?
Pour être précis, je disais « fort
étrange » et non « fort
étonnant ».
«
Etrange » signifiant « hors du commun », « inhabituel », « contraire à l’usage ».
Et, oui, il est contraire à l’usage et inhabituel de payer un Ba’hour Yeshiva pour son étude, de lui donner une bourse.
Mais je ne vais pas chipoter sur le terme, si c’est « étrange » ça peut aussi « étonner », donc votre reformulation me va.
Ce que je récuse cependant, c’est votre passage de «
étonnant » à «
problématique »
(« des avrekhim dans les kollelim, ils reçoivent eux aussi un soutien financier, et cela n’est pas considéré comme problématique »), je n’ai pas dit que c’est
problématique.
Ce que je veux souligner c’est que je ne viens pas dire qu’il faille s’y opposer, mais uniquement que ce n’est pas classique.
La différence avec un Avrekh
(bien que là aussi, certains s’y opposent, mais il est très majoritairement répandu et accepté qu’il y ait une bourse au Kollel) est simple : un Avrekh, étant marié, n’habite pas chez ses parents. Il a donc des frais conséquents auxquels il doit faire face et ne pourrait pas consacrer sa journée au Limoud s’il devait se soucier de gagner de quoi payer son loyer et le reste, il a une famille à nourrir.
Ce qui n’est pas le cas du Ba’hour (=cela signifie « célibataire ») qui, généralement habite chez ses parents/n’a pas de loyer mensuel à payer, et est souvent «
somekh al shoul’han aviv », c-à-d qu’il est nourri-logé gratuitement, la différence est énorme.
Alors, bien entendu, il se peut qu’il y ait parfois un ba’hour dont les parents s’opposent à le soutenir et lui refusent jusqu’au gîte, mais convenons que ce n’est pas le cas le plus répandu.
Idem pour un Ba’hour orphelin et sans ressources.
Je pense que dans ces cas, tous s’accorderont à dire qu’il faille le soutenir financièrement à l’instar de ce qui se fait pour un avrekh
(quitte à ce que ce soit dans une moindre mesure).
Je suppose que vous m’accorderez que la bourse qu’un ba’hour touche n’est pas dépensée de la même manière que celle de l’avrekh.
Il ne s’agira pas de payer un loyer ni de faire les courses au supermarché, mais plutôt de payer des habits et des restaurants, ce que l’avrekh rechignera à s’offrir.
Voilà la différence et voilà qui explique pourquoi, généralement, les ba’hourim ne sont pas payés/ne touchent pas de bourse.
Citation:
La plupart des bahourim ont déjà réussi leur cursus en Israël dans des yeshivot et viennent ici, dans ce type de kollel ou de yeshiva de type kibbutz, notamment pour pouvoir être autonomes financièrement et moins dépendants de leurs parents. De toutes façons, que ce soit pour un bahour ou un avrekh, tous reçoivent un financement, car ils ne produisent pas de plus-value matérielle pour subvenir à leurs besoins. Alors pourquoi être dérangé par le fait qu’ils reçoivent leur argent d’un donateur plutôt que de leurs parents ?
Dérangé n’est pas le terme, nous étions sur «
étonné »
(« fort étonnant », et je n’avais parlé que de « fort étrange », mais là, avec « dérangé », vous passez encore un cap, comme vous l’aviez fait avec « problématique »).
Donc vous devriez plutôt demander : «
pourquoi trouver cela étrange ? ».
Pourquoi ? Je vais vous dire pourquoi, car ces sommes auraient pu servir à des avrekhim qui en ont autrement besoin.
Encore une fois, en laissant de côté le cas du ba’hour déshérité et chassé de la maison paternelle, s’il peut manger et dormir chez ses parents, c’est autant de fonds qui auraient pu alléger le quotidien d’avrekhim
(du même kollel ou d’ailleurs, peu importe).
Et même lorsqu’un ba’hour, touchant une bourse, décide de louer un studio pour gagner en autonomie, étant donné que c’est rarement un besoin aussi crucial que pour un avrekh
(qui a plus besoin de gagner cette autonomie), on aurait pu s’en passer et l’argent « économisé » aurait pu être reversé à des avrekhim dans le besoin.
C’est bien ce qui se fait dans la majeure partie des cas, non ?
Qu’il y ait un peu d’argent de poche en participant à des miv’hanim ou similaire, ça se comprend, mais là nous parlons d’une paie mensuelle
(qui ne doit dépendre que du respect des règles du contrat j’imagine) et il ne s’agit pas que de 50 ou 100€ par mois.
Maintenant, si vous me demandez si ça m’embête, je vous répondrais : pas du tout.
Je viens seulement expliquer en quoi ce n’est pas habituel, pas classique et différent de ce qui se fait un peu partout.
Tout d’abord je conçois que cela puisse aussi aider un ba’hour et, ensuite, je ne vais pas râler qu’un mécène veuille donner des bourses à des étudiants de Torah, mariés, célibataires ou divorcés.
Qu’il puisse donner ces sommes autrement, en augmentant les avrekhim, est une considération théorique, dans les faits, si on dit à un donateur qu’il n’a plus besoin de donner pour les Ba’hourim, il y a peu de chance qu’il décide d’augmenter les avrekhim en proportion.
D’autant que, d’une certaine manière, indirectement, le fait de payer ces ba’hourim contribue au Roua’h
(à l’ambiance générale de Limoud) qui bénéficiera aussi aux Avrekhim.
Donc je ne viens pas « critiquer » cette particularité de ce kollel, je garde mes critiques pour les Mosdot qui s’engagent à payer des avrekhim, voire même des enseignants/rabanim, et se permettent de ne pas payer à temps.
Les Rashei Yeshivot (ou Rashei Kehilot etc.) qui se permettent d’aller à l’encontre de la Torah en ne payant pas leurs maguidei shiourim/rabanim à temps, le font souvent en ayant bonne conscience et en expliquant qu’ils font leur maximum mais que les donateurs se font rares etc.
Bizarrement, pour leur propre paie, il y a de l’argent
(ou ils s'arrangent avec des avantages en nature...).
Et je souligne aussi que ce sont ces mêmes rabanim qui se lancent dans des défis inconsidérés sous prétexte de « Emouna et Bita’hon » qu’Hashem leur enverra ce qu’il faut pour faire vivre le Mossad dans lequel ils se lancent puisqu’ils le font Leshem Shamayim.
Désolé mais quand tu vois qu’Hashem ne t’a pas envoyé ce qu’il fallait pour payer tes rabanim à temps
(je veux dire MÊME dans le (très rare) cas où le Rosh Yeshiva ne prend pas son salaire non plus car il n’y a vraiment rien sur le compte du Mossad), cela semble indiquer que ton « leshem shamayim » est relatif et que ton Bita’hon n’est pas sincère, ou en tout cas qu’il ne marche pas.
Et si le Rosh Yeshiva assure sa propre paie avant d’avoir assuré celles de tous ses employés, c’est qu’il ment lorsqu’il parle de Bita’hon.
C’est beaucoup plus fréquent et beaucoup plus critiquable que ce dont on parle ici.
Donc, non, je ne vais pas pester contre un mossad de Torah qui paie des ba’hourim (tant qu’il paie ses avrekhim et ses rabanim à temps).
Et si un donateur français a, pour une fois, un peu plus de jugeotte que tous les autres, et qu’au lieu de donner ses sous avec générosité à un Baba kabbaliste magicien, il préfère les confier à un Talmid ‘Hakham pour qu’il crée un Makom de Torah en France, j’applaudis des deux mains.
Si la France pouvait bénéficier de mécènes un peu plus éclairés, le judaïsme français n’en serait pas là, à la traine derrière tant d’autres pays.
[Oui, précision : la qualité du judaïsme dont je parle ne se mesure pas en nombre de restaurants kasher dans la ville.]
Si d’autres juifs fortunés et qui aiment la Torah, l’aimaient avec un peu plus d’intérêt et de passion, ils se soucieraient du résultat de leur Tsedakot et choisiraient de meilleures adresses pour leurs dons.
Donc félicitons-nous qu’un mécène ait eu ce courage et cette clairvoyance d’investir pour le développement de la Torah en France en passant par un Talmid ‘Hakham.
Quant aux sempiternels râleurs, qu’ils nous montrent ce qu’ils peuvent faire de mieux avant de critiquer.
Si on passe son temps à critiquer ceux qui créent des Mosdot de Torah, cela contribuera à freiner le développement de la Torah en France, c’est tout.
Il faut savoir applaudir même si l’on pense qu’il y des aspects à parfaire, aucun Mossad n’est parfait, on peut toujours parfaire un peu plus.
Ce mossad tant critiqué reste
(même d'après ceux qui le critiquent) un Mekom Torah gigantesque en France, qui abrite beaucoup d’étudiants de qualité et qui fait intervenir des Talmidei ‘Hakhamim de premier plan, comme
Rav Paperman et
Rav Katzenstein.
J’invite les Rabanim qui critiquent le Rav qui dirige ce Makom à présenter leurs reproches à ces deux Rabanim susnommés pour en discuter.
Citation:
J’aimerais également souligner un point qui me tient à cœur : j’ai le sentiment que certains milieux orthodoxes, trop rigides et conservateurs, sont sceptiques face à la moindre nouveauté et ont intégré l’idée que, pour être un “bon froum”, il faudrait impérativement embrasser le folklore yeshivique (comme manger un shount le jeudi soir ou suivre certaines traditions de manière automatique). Or, selon moi, la Torah est accessible à tous (mounahat bekeren zavite) ; elle n’est pas “yeshiviche” par essence, et les yeshivot ne sont pas les dépositaires exclusifs de la Torah. Autrement dit, la Torah n’a pas été donnée ni à Mir, ni à Kamenitz, ni même à Poniovezh.
Je ne comprends pas exactement ce que vous voulez dire.
Personne n’imposera le Tshulnt le jeudi soir pour valider une Yeshiva, et si l’on dit que la «
Torah est accessible à tous », cela veut dire « à tous ceux qui savent la chercher là où elle est ».
Celui qui se dit «
Torah mouna’hat Bekeren Zavit » et ne va pas étudier la Torah chez un maître qui l’aurait lui-même étudiée auprès d’un autre maître qui en avait fait autant, etc. , mais qui choisit de l’apprendre dans des livres et à l’université, désolé, mais il n’ira pas loin. Il deviendra peut-être savant, mais pas Talmid ‘Hakham.
Comme il y a déjà eu des incompréhensions sur ce fil et qu’il faut souligner, expliquer et répéter pour que les lecteurs n’aillent pas me prêter des intentions qui ne sont pas les miennes, je souligne que ce n’est PAS le cas du mossad dont nous parlons.
Le Rav qui le dirige est passé par les yeshivot classiques et il emploie (pour donner des shiourim et ‘habourot) des Talmidei ‘Hakhamim eux aussi formés par les Yeshivot classiques.
On n’y mangeait pas de Tshulnt le jeudi soir à leur époque, mais les enseignants y étaient de vrais Talmidei ‘hakhamim, formés par de vrais Talmidei ‘hakhamim, eux-mêmes élèves de vrais Talmidei ‘hakhamim, etc.
Citation:
Même selon leurs propres arguments, il faut rappeler qu’il fut un temps, avant la guerre, où les yeshivotes pratiquaient effectivement cette forme de soutien : les bahourim recevaient une bourse pour vivre et manger chez les familles autour de la yeshiva, notamment à Mir. Il semble donc que cette pratique n’était pas perçue comme “étonnante” à l’époque.
Non, non, il me semble que vous mélangez les choses.
Les ba’hourim n’étaient pas payés, mais hébergés et nourris par des familles. Ou, s’il y a eu des cas où c’est le Mossad (la yeshiva) qui payait ces familles hôtesses de ba’hourim
(soit en donnant de l’argent aux hôtes, soit en le donnant aux ba’hourim qui le donneraient aux hôtes), c’est différent de notre cas.
Il s’agissait de Ba’hourim qui n’avaient pas leur famille dans la ville ni de soutien financier de leur famille.
C’est comme toute yeshiva -même aujourd’hui- où le ba’hour est nourri et logé.
(Même si ses parents ne sont pas à jour dans les scolarités.)
Donc ces anciennes Yeshivot, qui n’étaient pas dotées d’un dortoir ni d’un réfectoire, plaçaient leurs élèves chez des particuliers car les Ba’hourim n’avaient ni famille ni argent.
Tandis que là, nous parlons de donner une bourse à un ba’hour qui n’est ni orphelin ni rejeté de chez lui et dont les parents ont de quoi l’héberger et le nourrir.
Citation:
Comme vous le soulignez vous-même, ce scepticisme vis-à-vis des bourses reflète souvent un rapport culturel particulier à l’argent en France. Je me demande donc : où se situe exactement la ligne halakhique ou éducative qui distingue ces situations, et qu’est-ce qui justifie que le soutien aux bahourim soit aujourd’hui perçu comme “étonnant” alors que le soutien aux avrekhim est accepté sans débat ?
Again : «
étrange ».
Je crois que les éléments de réponse se trouvent déjà plus haut.
Citation:
Je tiens enfin à exprimer ma reconnaissance au Rav pour toutes les réponses qu’il apporte et vous dire combien je suis ravi de votre travail et de votre engagement.
Avec plaisir, you’re welcome.
PS valable pour ces trois messages postés ce soir sur ce fil: je ne me relis pas, sorry pour les fautes.