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Les Tsadikim savent-ils tout ?

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Binyamine9123
Messages: 23
Chalom rav

J'ai écouté votre cours sur les erreurs des rabbanim. Vous parlez à la fin des personnes qui vont demander des conseils sur leur affaires ou des choses sans rapport avec la thora à des talmidei hakhamim et vous dites en citant plusieurs sources que les talmidei hakhamim sont compétents pour toutes les questions de thora mais pas pour les questions de domaine qu'ils ne connaissent pas. Comment concilier cela avec ce qu'écrit Rav Kaniweski dans son Orhote Yoshere dans la partie rouah ha kodesh où il dit que même si le Talmid hakham ne connaît rien au sujet en question on lui donnera la réponse correcte du fait qu'il ait « daat hatorah beyado » il cite comme preuve tosfot dans erouvine סד:
D'où on voie bien qu'il ne parle pas de sujet de thora qu'il ne connais pas mais de sujet sans lien avec la thora.

Merci beaucoup pour le temps consacré à nous répondre et hazak pour votre nouveau sefer !!
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6347
Citation:
J'ai écouté votre cours sur les erreurs des rabbanim. Vous parlez à la fin des personnes qui vont demander des conseils sur leur affaires ou des choses sans rapport avec la thora à des talmidei hakhamim et vous dites en citant plusieurs sources que les talmidei hakhamim sont compétents pour toutes les questions de thora mais pas pour les questions de domaine qu'ils ne connaissent pas. Comment concilier cela avec ce qu'écrit Rav Kaniweski dans son Orhote Yoshere dans la partie rouah ha kodesh où il dit que même si le Talmid hakham ne connaît rien au sujet en question on lui donnera la réponse correcte du fait qu'il ait « daat hatorah beyado » il cite comme preuve tosfot dans erouvine סד:
D'où on voie bien qu'il ne parle pas de sujet de thora qu'il ne connais pas mais de sujet sans lien avec la thora.


Bien, je vais essayer de vous répondre, c’est un sujet compliqué, je tente quand même, mais ne me demandez pas après cela de vous expliquer l’inverse (la position inverse).

Je vous cite :
Citation:
Comment concilier cela avec ce qu'écrit Rav Kaniweski dans son Orhote Yoshere…

Voici ma réponse: [Si c’est bien ce qu’il écrit,] ce n’est pas conciliable.

J’ai des raisons d’émettre un doute, mais disons que c’est ainsi que la majorité de ses lecteurs le comprennent, comme vous, donc je serai franc avec vous : selon cette compréhension, effectivement, ce que j’ai cité dans ce Shiour est en contradiction flagrante avec ce propos.

Mais il vous faut comprendre que celui qui sera en difficulté, ce n’est pas moi, c’est Rav Kanievsky, puisqu’il ne s’agit pas de nous opposer l’un à l’autre (c’eut été absurde d’ailleurs), mais d’opposer la position de Rav Kanievsky à celle de tous les Gdolim que j’ai cités dans ce cours.

Quant à la preuve à partir du Tosfot Erouvin, ne soyons pas dupes, c’est exactement l’inverse qu’elle indique !
Brièvement : la Gmara Erouvin (64b) raconte que R. Gamliel a rencontré un non-juif dans la rue, il ne l’avait jamais rencontré et ne le connaissait pas, mais il l’a tout de même interpelé par son nom « Eh, Mavgay » (= « Eh, François »).
Là-dessus la Gmara dit que nous apprenons de là que R. Gamliel l’a su par Roua’h Hakodesh.
Ce sur quoi le Tosfot indique que la Gmara a appelé ça du Roua’h Hakodesh bien qu’en réalité c’en n’était pas vraiment puisque ce nom (Mavgay) était extrêmement courant.

Si c’est avec ça que vous voulez prouver que chaque rabbin sait tout sur chaque sujet car D.ieu lui mettra en bouche la bonne information, je vous suggère une relecture critique :

-Tout d’abord, si la Gmara nous dit qu’on apprend de là que R. Gamliel l’a su par Roua’h hakodesh, c’est qu’il n’était pas évident aux rédacteurs du Talmud que les ‘Hazal avaient systématiquement cette aptitude (c’est présenté comme absolument pas évident, c’est un scoop). Donc on ne peut pas l’appliquer à tous les rabbins.

-Ensuite, le Tosfot justement vient nous dire que ce prénom étant très fréquent, il n’y a rien d’extraordinaire, donc de là à extrapoler pour des situations moins évidentes…

-De plus, je vous demande : si le Tosfot pensait comme Rav Kanievsky, ou disons encore mieux, si Rav Kanievsky était le Tosfot, pensez-vous qu’il aurait fait cette même remarque ? (dire que bien que la Gmara attribue le Roua’h Hakodesh à R. Gamliel, il ne s’agit pas réellement de Roua’h Hakodesh.)

-Après, si l’on veut s’entêter à dire qu’il y a ici un aspect « prophétique » chez R. Gamliel, comment la Gmara, par la suite, en déduit certaines choses, parmi lesquelles la considération de la majorité non-juive (car R. Gamliel a décidé que le pain trouvé était un pain de non-juifs et ne l’a pas autorisé à R. Ilay), pourtant, si R. Gamliel était sous influence du Roua’h Hakodesh, nous pourrions dire que c’est par ce canal qu’il a su que ce pain avait été cuit par un non-juif (et pas en raison du Rov).
C’est donc que la Gmara estime que -même si pour le prénom c’était un coup prophétique, son aptitude à recevoir des messages divins n’est absolument pas systématique, puisqu’on est certain que ce n’est pas par elle qu’il a su l’identité du « boulanger ».

-Et enfin, nous sommes bien obligés d’admettre qu’il ne s’agit que de cas isolés et personne n’est jamais venu consulter R. Gamliel comme s’il était supposé être connecté en permanence avec les Cieux au point de pouvoir savoir tout ce qui lui échappe (à la différence de plusieurs Rabanim de nos jours qui sont consultés quotidiennement sur des sujets sans rapport avec la Torah/les Midot).


Jusque-là il ne s’agit que des arguments à partir du texte même qui a été invoqué pour amener la preuve contraire.
Mais si l’on se tourne vers le reste du Shas, nous trouvons encore plusieurs preuves que les ‘Hazal (eux-mêmes !) ne savaient pas tout par Roua’h hakodesh.
Je crois que dans ce shiour que vous mentionnez, j’ai apporté quelques preuves à partir du Talmud, il y en a bien plus, sans parler des auteurs que je cite qui écrivent explicitement l’inverse de ce que nous lisons dans le Or’hot Yosher.

En réalité, tout ce que l’on peut voir dans Erouvin 64, c’est qu’il PEUT arriver, PARFOIS, qu’UNE information vienne à l’esprit du ‘Hakham de manière très inspirée.
Mais ça ne prouve aucunement qu’il soit sage d’aller consulter un rabbin pour lui poser nos questions sur des sujets qui lui échappent, en croyant naïvement que ce que ce rabbin dira sera à 100% dicté par le Roua’h Hakodesh et qu’on pourra lui faire confiance les yeux fermés quoi qu’il dise.

Si vous lisez d’un œil critique ce chapitre du Or’hot Yosher (et pas seulement ce chapitre, mais disons surtout ce chapitre), vous verrez que toutes les « preuves » n’en sont pas réellement, que tout y est très discutable (et en lisant le Talmud vous trouverez des tas de contre-preuves aussi).

[Je précise tout de même que j’aime beaucoup ce Sefer Or’hot Yosher, c’est un très beau Sefer, mais cela ne m’empêche pas de le lire d’un œil critique, sans décider d’avance que tout ce qui est imprimé dans un livre soit forcément juste et convaincant. Néanmoins, cela ne rabaisse aucunement le Kavod du Rav Zatsa’’l à mes yeux.]

Juste après la mention de ce passage de Erouvin, il explique par cela un autre phénomène, qu’il arrive qu’un Rav réponde, à la même question (sur un sujet de gashmiout), à l’un noir et à l’autre blanc.
Rav Kanievsky le justifie en expliquant qu’étant donné que l’information ne provient pas de la sagesse du rav mais de messages qu’il reçoit du Ciel par Roua’h hakodesh, il se trouve qu’on l’informe Min Hashamayim que ce qui est bon pour l’un ne l’est pas pour l’autre.

J’entends.
Mais vous me concèderez que c’est facile.
Et sans m’arrêter à cette considération, je souligne qu’il y a aussi une objection majeure et très simple -et très fréquente : Combien de fois, une même personne, pour avoir un conseil sur Milei Dealma (gashmiout /etc.) envoie la question à 2 (ou 3) rabanim, et il obtient des conseils totalement opposés?
Si les rabanim répondent par Roua’h hakodesh, comment ce Roua’h se contredit-il autant ?

J’indique souvent en exemple un Avrekh qui habitait à Bnei Brak et a dû partir habiter en ‘houts laarets. A Bnei Brak il possédait un appartement, mais là où il habitait il était en location.
Au bout de plusieurs années (fin XXème ou début XXIème siècle) comprenant que -Al Pi Teva- il ne devrait pas pouvoir se libérer du problème qui l’empêchait d’habiter en Erets pendant encore quelques décennies, il tint à demander aux Gdolim conseil s’il valait mieux vendre son appartement ou non.
Rav Kanievsky lui a dit de ne pas vendre (perso, sans avoir Roua’h Hakodesh, j’avais deviné la réponse de Rav Kanievsky avant qu’il me la rapporte… CQFD pour les plus malins), alors que Rav Steinman lui a dit de vendre pour se libérer l’esprit des tracas qui étaient liés à cet appartement et pouvoir acheter là où il habite (quitte à revendre dans deux ou trois décennies et revenir en Israël si ça devient possible).

Je vous demande : si ces deux rabanim répondent en milei dealma en se basant sur ce que D.ieu met dans leur bouche, de manière adaptée à chacun, pourquoi (ou plutôt comment) ces deux dépositaires du Roua’h Hakodesh ont donné un conseil diamétralement opposé l’un de l’autre ?
Et il y a des cas similaires à la pelle.

(Les plus obtus vont dire qu'étant donné qu'il est allé consulter un deuxième Rav, c'est qu'il n'a pas confiance en les Gdolim, et donc il ne mérite pas de recevoir des messages par Roua'h Hakodesh...
Cependant, il est aussi arrivé que la question soit posée à 2 rabanim, par deux envoyés, car celui qui les a envoyés pensait que dès qu'un d'eux pourra consulter un Rav, il dira à l'autre que ce n'est plus nécessaire. Et malgré tout, les réponses divergeaient...)


J’en reviens au Or’hot Yosher. Juste après ce passage, Rav Kanievsky apporte une source du Midrash Sho’har Tov prouvant que les rabanim sont inspirés Min Hashamayim même Bemilei Dealma.
Il se trouve que c’est exactement la source qui avait été présentée à Reb Tsadok et qu’il l’a totalement repoussée, au point de montrer qu’elle prouve en fait justement l’inverse !
Reportez-vous à mon cours, j’y cite intégralement ce R. Tsadok il me semble.
Comme quoi, on peut faire dire à un texte une chose et son contraire.

Il faut analyser les preuves avec un esprit critique et non les accepter religieusement comme un benêt.
Une preuve n’apporte la puissance qu’elle est censée ajouter que si c’en est réellement une, le fait qu’elle soit présentée en tant que telle ne doit pas suffire à l’esprit honnête.

Là-bas (Or’hot Yosher), à la suite, Rav Kanievsky explique aussi que la Brakha du ‘Hakham s’accomplit car il est intentionné Leshem Shamayim.
Je vous indique que son propre père, le Steipler, se comportait de manière très différente, il se plaignait du monde qui venait chez lui pour une Brakha (Hasteipler p.280), il pensait que (dans la majorité des cas) sa Brakha ne marchait pas (Hasteipler p.281 et 283), et considérait qu’il n’avait pas de Roua’h Hakodesh (Hasteipler p.284).

Si l’intention Leshem Shamayim du Rav suffit à favoriser l’accomplissement de sa Brakha, va-t-on dire que le Steipler n’était pas Leshem Shamayim ??...
Une nouvelle fois, CQFD.
(et il est précieux de souligner que ce soit les dires du père et maître de Rav Kanievsky lui-même.)


Si vous lisez bien ce que je vous ai écrit, vous réécoutez le cours dont vous parliez et réfléchissez bien à tout ça, vous verrez que la position de tous ces rabanim (opposés à Rav Kanevsky avant même qu’il ne naisse) est bien plus simple et évidente et correspond aux Maamarei ‘Hazal et aux Shitot des Rishonim.
Vous en viendrez alors à « retourner » votre question et me demander du coup, comment Rav Kanievsky a-t-il pu écrire de telles idées ?

Et je vous répondrais trois choses :
1) Je vous ai déjà dit plus haut : « mais ne me demandez pas après cela de vous expliquer l’inverse ».
2) C’est très compliqué à expliquer en quelques phrases, il faudrait plusieurs « préfaces » pour comprendre convenablement « le monde de Rav Kanievsky ». Et la subtilité du sujet me décourage de tenter une telle entreprise, car je sais que certains comprendront de travers ce que je pourrais écrire.
3) Rav ‘Haim Kanievsky zatsa"l avait réellement une vue opposée à celle de son père et de nombreux Gdolim sur ce point, même si sa position n’était pas exactement celle que les non-initiés croient comprendre, il n’en demeure pas moins qu’il n’avait pas exactement les mêmes Hashkafot que les Gdolim cités.
Il faut s’y faire, pas tous les Gdolim avaient exactement les mêmes Hashkafot sur tous les points, même s’ils étaient tous des Kdoshei Elyon.

Citation:
Merci beaucoup pour le temps consacré à nous répondre et hazak pour votre nouveau sefer !!

Merci. J’espère que d’autres suivront. Bez’’h.

PS: je ne me relis pas, sorry pour les fautes.
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