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Le Ben Ish Hai et l'étude du hol

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verna
Messages: 97
Bonjour Rav Wattenberg,

Dans vos cours zoom vous aviez abordé les positions de différents rabbanim sur l'étude du hol.
Voici un article intéressant sur la position du ben ish hai

https://www.kikar.co.il/377189.html

Kol touv
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6347
Hazak et merci pour votre contribution.

Il s'agit d'un article sur une discussion concernant une Drasha du Ben Ish 'Haï lors de l'inauguration d'une école religieuse à Bagdad, "Midrash Talmoud Torah" (dans les pays arabophones, il faut comprendre "Midrash" comme "école", c'est en raison du mot Madrassa qui signifie école en arabe, qui est le même mot que Midrash, c'est comme Beit Ha-Midrash) au nom/à la mémoire de Aharon Sala'h, Drasha imprimée dans son Imrei Bina (Droush 2 -il n'y en a que deux dans la partie Droushim, la 4ème) où il écrit qu'il est important d'apprendre des rudiments de sciences naturelles (=comprendre un peu ce que sont les éclairs, le tonnerre, l'arc-en-ciel, la pluie) et de géographie (=lorsqu'on se trouve à Bagdad, savoir où se trouvent Erets Israel, l'Inde, et l'Europe par rapport à nous).

Dans la discussion que votre lien rapporte, il y a un rav qui ne peut pas accepter cela et émet l'idée qu'il puisse s'agir d'un ajout d'un élève dans le texte, et non des paroles du Ben Ish 'Haï lui-même.

C'est un procédé classique pour éviter de se confronter à des idées qui nous déplaisent.
Certains rabbanim utilisent le fait indiscutable qu'il y a eu dans l'histoire des livres dans lesquels des passages ont été ajoutés volontairement ou involontairement, pour écarter toute difficulté et se permettre d'affirmer qu'il n'y a jamais eu d'autre Hashkafa dans le monde que la leur (au lieu d'admettre la différence et expliquer en quoi cela ne s'appliquerait plus aujourd'hui ou dans tel pays...)

Je ne connais pas ce Rav, c'est certainement un Talmid 'Hakham et je ne viens pas le critiquer personnellement.
Il est dans un monde spécial, celui du judaïsme 'Harédi israélien, dont l'un des défauts est cette incapacité à admettre qu'il y aurait eu différentes Hashkafot à différentes époques dans différents pays.

Les 'Harédim israéliens ont beaucoup de mal à se dire qu'il se peut que le Ben Ish 'Haï, en Irak, il y a plus d'un siècle, avait une vision différente de la leur, notamment sur ce point de Hashkafa qu'est le rapport à entretenir avec l'étude des matières profanes -étude repoussée et condamnée par la majorité des rabbanim 'Harédim israéliens.

C'est surtout et avant tout de l'ignorance, car la lecture des écrits de plusieurs Gdolei Israel des siècles précédents prouve aisément que les hashkafot ne sont pas unanimes.
Et les rabbanim qui n'ignorent pas ces textes, préfèrent parfois les dissimuler en estimant que les dévoiler ne serait pas positif pour leurs ouailles qui en seraient très perturbées.

Hélas, ils n'ont pas tout à fait tort...
Je veux dire que la société orthodoxe israélienne (ceux qu'on appelle "les 'Harédim" -pour les différencier des orthodoxes sionistes, dits "Mizra'him") s'est engouffrée depuis quelques décennies dans une voie sans retour en se renfermant mentalement dans un ghetto imaginaire, ce qui a eu pour conséquence de fragiliser terriblement la foi et les convictions religieuses de ces israéliens qui ont grandi sans jamais se confronter à des idées différentes des leurs.

C'est aussi ce qui a participé lentement à une réduction de l'orthodoxie à de l'orthopraxie, basculement qui s'exprimera souvent par une sorte de course aux pratiques surérogatoires les plus farfelues. (Mais je trouve qu'il y a B"H une certaine amélioration à ce niveau par rapport à il y a 30 ans.)
Dans le cadre de ce renfermement, il était prévisible que c'est l'opinion défavorable aux sciences séculières qui allait avoir le dessus.

Mon maître, Rabbi Chaïm Jacov Rottenberg z"l, avait l'habitude de dire que la différence entre un Ba'hour Yeshiva français et un Ba'hour Yeshiva israélien, c'est que ce dernier est une fleur (entendez une pâquerette ou une marguerite), alors que le français est une rose. Ce qui distingue ces deux plantes c'est que la fleur pousse facilement, alors que la rose pousse dans les épines et les difficultés, mais le résultat est plus beau.
C-à-d qu'un Ba'hour Yeshiva israélien qui n'est pas confronté à une autre pensée que la sienne, n'aura pas la beauté spirituelle d'un Ba'hour Yeshiva français qui a dû s'affirmer dans l'adversité envers et contre son entourage (il faut souligner qu'il disait cela dans les années 80, où aller à la yeshiva relevait quasiment toujours d'un choix personnel et était "à contre-courant". De nos jours, il existe de nombreux Ba'hourim français dans les Yeshivot et pour une bonne part d'entre eux, il ne s'agit pas vraiment d'un choix personnel, ils y vont plutôt par conformisme et facilité. Néanmoins, si cet aspect manque, il en reste plusieurs autres qui les différencient tout de même du ba'hour standard israélien).

Ce même Rav Rottenberg était plus que favorable à une certaine étude de sciences profanes; dans sa Yeshiva Ktana, presque toutes les matières étaient enseignées (excepté l'anglais, la philosophie et une partie de la biologie), durant deux heures le soir seulement, et sans aucune vue sur le bac (-le programme de 'hol se terminait après la première), uniquement pour la connaissance, qui était jugée nécessaire pour un Ben Torah.

Le Rav lui-même travaillait son français et insistait pour dire que si ce qui se conçoit bien s'énonce bien, encore faut-il se donner les moyens de l'énoncer convenablement. Concrètement, la capacité de s'exprimer convenablement (au moins en une langue) permet d'affiner la subtilité de notre raisonnement.
Il avait trouvé opportun, lors d'un Shiour, d'expliquer les différentes opinions des Rishonim sur l'appréciation d'une notion de fréquence dans le Talmud, en fonction de différentes traductions possibles du terme talmudique en français (fréquent, courant, habituel, probable, commun,...).

J'ai déjà écrit sur ce site qu'il disait aussi qu'apprendre l'histoire est une Mitsva Min Hatorah (ce qui ne veut pas dire qu'il faille lui donner la priorité sur le Limoud Hatorah, bien entendu, j'espère être compris convenablement par mes lecteurs, le Rav ne voulait pas dire qu'il fallait aller à l'université plutôt qu'à la yeshiva. Je n'ai pas fait l'effort de préciser ça à chaque ligne car j'estime que le lecteur honnête aura du mal à se tromper. Le simple fait qu'il ne voulait pas que ses élèves passent le bac devrait suffire à le prouver).

Pour en revenir à notre Ben Ish 'Haï, je ne vois absolument aucune difficulté à accepter qu'il considérait nécessaire de savoir quelques notions de géographie.
Par le passé, même les rabbanim traditionnellement opposés aux études profanes pouvaient comprendre que cela pouvait être différent d'un pays à l'autre, en fonction du rôle du juif dans la société où il se trouve et de ses besoins.

Le Brisker Rov en est un exemple notoire, il était opposé aux études 'Hol, mais cela ne l'a pas empêché de dire à Rav Chajkin qu'en France (du moins de l'époque), il était nécessaire d'intégrer aussi du 'Hol au programme -sans quoi personne ou presque ne viendrait étudier la Torah (cf. Kvod Haav p.89 / Bâtisseurs de l'avenir 5779, p.141 / Pour la gloire de Hachem p.162).
Cela n'empêchait pas l'appellation "Yeshiva", c'était une Yeshiva avec du 'Hol, ce qui serait impensable aujourd'hui pour les rabbanim israéliens.
D'autres rabbanim voyaient l'étude de quelques matières profanes comme un "Lekhat'hila" et non une sorte de dérogation pour cas particuliers.

C'est le cas du Rogatshover Gaon pour qui il fallait étudier des bases en sciences naturelles, en "médecine", astronomie, etc. même si ce n'est pas en vue d'obtenir une Parnassa. cf. sa lettre imprimée dans Shaarei Talmoud Torah (éd. 2006, p.371).
Sinon, pour avoir un métier, c'est recommandé par plusieurs autres.
Voir l'opinion de Rav El'honon Wasserman (Kobets Shiourim §47) et du Rav Bloch de Telz (Hamaayan, Nissan 1976), ils sont cités dans Shaarei Talmoud Torah (éd. 2006, p.365 et 375).
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