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La syntaxe dans Tosfot

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verna
Messages: 99
Bonjour,

La syntaxe parfois absente des Tosfot est-elle volontaire ?
Est-ce pour obliger l'étudiant à reconstruire le raisonnement seul ?
Cela ne me semble pas être une question d'époque puisque Rachi, même lorsqu'il explique un sujet compliqué, place toujours les mots de syntaxe adaptés pour que l'étudiant comprenne s'il s'agit d'un appui, d'une réserve ou d'autre chose, alors que dans les Tosfot, souvent même si le raisonnement n'est pas insurmontable et pas particulièrement compliqué, le style de rédaction est une entrave à la compréhension.
Là encore, si l'on constatait que c'était le cas à l'époque et qu'au Moyen-Âge on s'exprimait ainsi, je comprendrais. Mais Rachi prouve vraiment l'inverse.

Merci.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Citation:
La syntaxe parfois absente des Tosfot est-elle volontaire ?
Est-ce pour obliger l'étudiant à reconstruire le raisonnement seul ?
Cela ne me semble pas être une question d'époque puisque Rachi, même lorsqu'il explique un sujet compliqué, place toujours les mots de syntaxe adaptés pour que l'étudiant comprenne s'il s'agit d'un appui, d'une réserve ou d'autre chose, alors que dans les Tosfot, souvent même si le raisonnement n'est pas insurmontable et pas particulièrement compliqué, le style de rédaction est une entrave à la compréhension.
Là encore, si l'on constatait que c'était le cas à l'époque et qu'au Moyen-Âge on s'exprimait ainsi, je comprendrais. Mais Rachi prouve vraiment l'inverse.


Non, la syntaxe pas toujours parfaite des Tosfot n’est pas volontaire afin de perturber le lecteur et créer une difficulté que certains iraient comparer au Amal Hatorah.
Je dirais même רח"ל מהאי דעתא.

Je dois malgré tout vous avouer avoir lu dans le Kerem Yehoshoua (Cohen) (Monsey 1998, p.92) des propos similaires, attribuant justement aux Tosfot cette idée saugrenue ; selon lui, il y aurait une information transmise depuis R. ‘Haim de Volozhin qui aurait dit que ça serait une Ma’hloket entre Rashi et Tosfot, ces derniers considéreraient que Ravina et Rav Ashi (Rav Ashei) auraient volontairement formulé leurs phrases de manières obscures (lors de la rédaction du Talmud) en parlant de Oumkimtot non précisées, de sorte que leurs dires ne soient pas clairs et ce, afin de créer une difficulté et entrainer aux élèves une Yeguia Batorah et du Amal.
[D’après cela, si les Tosfot pensaient que c’est ce qu’avaient fait les Sages lors de la rédaction du Shas, il est facile d’imaginer qu’ils s’en soient inspirés eux-mêmes.]

Mais je n’arrive pas à croire que R. ‘Haim de Volozhin ait pensé pareille chose.
Je suis déjà étonné qu’un contemporain puisse la penser et l’écrire, mais je n’arrive pas à accepter que R. ‘Haim de Volozhin ait réellement dit ça, tant cela me parait absurde.

Le Amal Hatorah n’est pas de se compliquer le déchiffrage du texte, mais d’en calculer les Svarot et incidences.
Les efforts gaspillés pour en obtenir la lecture ne sont pas bénéfiques et font perdre au lecteur de la profondeur de compréhension des Svarot.
Voyez ce que j’ai écrit sur la définition du Amal ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=33499#33499

Je suppose qu’à l’origine, R. ‘Haim de Volozhin a dû dire autre chose, par exemple, il aurait pu dire ce qu’écrit le Korban Haéda dans sa préface (seconde préface au Shas Yeroushalmi), que les Sages ont rédigé le Yeroushalmi dans un langage souvent très (trop) concis afin d’éviter d’écrire trop de Torah Shebeal Pé (qui devait rester à l’oral) et pour qu’une transmission orale soit encore nécessaire.

Ces propos auraient été mal compris et déformés tels que le Kerem Yehoshoua les cite.

Qu’une transmission orale soit encore nécessaire, cela se comprend, mais écrire de manière incorrecte afin de tromper le lecteur, non.

Voyez aussi ce que j’ai écrit dans mes remarques sur le Safa Leneemanim (note 96, p.170-172). J’y mentionne le Korban Haéda ainsi que ce qu’a écrit le Yaabets, et je parle de l’opposition catégorique de Rav Shakh aux Gmarot Artscroll.

Voilà pourquoi, selon moi du moins, les problèmes de syntaxe que l’on peut voir dans les commentaires des Tosfot trouvent leur origine ailleurs que dans ce complot imaginaire visant à casser la tête au lecteur.

Souvent c’est uniquement dû à la méconnaissance de leur façon de parler et d’écrire, l’étudiant habitué ne s’y trompe plus.
Mais il est vrai que, parfois, l’expression d’un Tosfot laisse à désirer et on a l’impression qu’aucun effort n’a été fait pour s’exprimer clairement.

Sur ce point, je pense qu’en effet, aucun effort n’a été fait dans ce sens ! C-à-d qu’à la différence de Rashi, les commentaires des Tosfot (qui n’est pas toujours du même auteur sur tout le Shas, certains sont plus clairs que d’autres) ont parfois été rédigés par des élèves des Baalei hatosfot (pas nécessairement par le Rav lui-même).

Ce sont des cahiers de notes des élèves des Tossafistes qui reproduisent les questions et réponses et explications qu’ont données les Tossafistes dans leurs Yeshivot.
Alors que le commentaire de Rashi n’a pas été rédigé par un élève, il l’a été par le maître qui, de plus, ne s’en est pas contenté, mais a repris son commentaire par trois fois afin d’en affiner la rédaction et d’en préciser l’intention.

C’est ce travail sur la syntaxe qui a valu à ce commentaire sa très grande diffusion.
Rabénou Tam pouvait être plus grand Lamdan que Rashi (cf. Rivash §394), c’est pourtant ce dernier qui excellait plus en tant que Parshan par sa justesse et sa précision dans le choix des mots.

Le Steipler aussi a travaillé la rédaction de son livre Kehilot Yaakov en fournissant de très grands efforts pour en simplifier la lecture (cf. Ashkavtei DeRabbi p.104 et Hasteipler p.228-229 et p.171-2) et en a repris chaque partie deux fois plus que Rashi ne l’a fait (cf. Ashkavtei DeRabbi p.56 et Hasteipler p.228), c’est ce qui en a fait un Sefer très clair, qu’il est difficile de comprendre de travers, presque aussi difficile qu’il est difficile de comprendre convenablement certains Sfarim d’autres A’haronim qui ne savaient pas bien rédiger leurs écrits en hébreu et n’en ont pas travaillé le style ni la syntaxe.

Voilà donc la différence entre la clarté de Rashi et le manque de clarté de Tosfot ; Rashi a bien travaillé sa rédaction et devait certainement aussi avoir un don pour cela, il voulait que son commentaire puisse servir d’aide à l’étude du Talmud, il l’a donc revu et adapté aux lecteurs.
Tandis que certains commentaires de Tosfot ont été écrits en tant que notes personnelles (ou destinées à d’autres élèves de yeshivot) sans en travailler la syntaxe outre mesure.

Il faut tout de même noter des différences de clarté entre les Tosfot d’une Massekhet à l’autre (c-à-d en fonction de l’auteur) et remarquer la plus grande clarté des Tosfot HaRosh, bien qu’ils reprennent souvent le même contenu que les Tosfot imprimés dans le Shas, les Tosfot Harosh sont généralement bien plus clairs et compréhensibles, grâce à leur rédaction plus limpide.

Il ne faut pas négliger l'impact que peut avoir l'effort de rédaction sur la diffusion d'un Sefer dans les générations.
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