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Citer les auteurs, obligatoire ?

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OAPerez
Messages: 357
Chalom Rav.

Il y a un principe dans la Torah disant qu'il faut dire une chose au nom de celui qui l'a dite (Lomar Davar Beshem Omro).
On retrouve ce principe notamment dans les Pirkei Avot (dans la Brayta : VI, 6).

Est-ce que cela veut dire que lorsque nous ramenons un enseignement, que ce soit de Torah ou même d'autres choses, il est obligatoire de citer l'auteur ou les auteurs de ces enseignements ?
Et si oui, est-ce que cela va même jusqu'à citer chaque auteur qui cite un autre auteur qui en cite un autre etc. jusqu'à l'enseignement que l'on veut citer (exemple : A a dit que B a dit que C a dit que D a dit que E a ramené la Gmara disant que etc.) ?

Merci d'avance.
Bessorot Tovot, Yéshou'ot Véné'hamot.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 7032
Citation:
Il y a un principe dans la Torah disant qu'il faut dire une chose au nom de celui qui l'a dite (Lomar Davar Beshem Omro).
On retrouve ce principe notamment dans les Pirkei Avot (dans la Brayta : VI, 6).
Est-ce que cela veut dire que lorsque nous ramenons un enseignement, que ce soit de Torah ou même d'autres choses, il est obligatoire de citer l'auteur ou les auteurs de ces enseignements ?


Oui, plusieurs commentateurs de cette Brayta soulignent que même les Divrei ‘Hol sont concernés, puisque l’enseignement trouve sa source dans Esther qui a dit au roi « au nom de Mordekhaï » et il ne s’agissait pas d’un Dvar Torah.
Cf. Davar Beshem Omro (Fish) (p.17-18) qui indique ceux-ci :
Bigdei Shesh (Boukhris),
Beit Aharon (‘Hagiz),
Milei DeAvot (R. Mordekhaï ben Yehoshoua),
Tov Veyafé (Mayersohn),
Min’ha ‘Hadasha (R. Ye’hiel Mikhel ben Yedidia) (daf 76b),
Maassei Avot (R.Moshé ben Yona)
,
tous sur la Brayta en question (Avot VI,6), et voir aussi la Hakdama du Ets Yossef sur le Ein Yaakov Kodshim.

En réalité, ce qu’on apprend d’Esther c’est sur « davar », on dit « האומר דבר בשם אמרו » (et non האומר דבר תורה בשם אמרו). C-à-d que l’on parle de toute chose ayant un intérêt (car il ne s’agirait pas de répéter chaque bêtise au nom de celui qui l’a dite).

Cela inclut les Divrei Torah (qui ont un intérêt) et tout Dvar ‘Hokhma, tout conseil judicieux, ou bonne parole. Voir Kountras Arvout (II, §8), cité dans Beit Aharon (III, p.450, §38).

Le Shouvi Hashoulamit (VII, §6,2) souligne le ‘Hidoush exceptionnel de Rav Shlomo Elkabets dans son Manot Halévi où il écrit que dire « Beshem Omro » ne concerne pas que les Divrei Torah.
Je ne vois pas en quoi c’est un ‘hidoush étant donné que c’est écrit par de nombreux auteurs et la source même (de Esther) semble l’indiquer.

[Il est vrai que l’on pouvait comprendre du Midrash Tan’houma (Bamidbar §22) que cela ne concerne que les Divrei Torah.]

Ça n’est donc pas limité aux Divrei Torah et on citera même un Dvar ‘Hokhma entendu d’un non-juif en son nom, surtout selon les sources qui rattachent l’absence de mention de l’auteur comme étant du vol, étant donné qu’il est interdit de voler aussi un non-juif, nous sommes donc tenus de mentionner son nom et ne pas s’approprier son enseignement -bien que ce ne soit pas si évident aux yeux du Siftei ‘Hakhamim (Meguila 15a) qui se pose la question de savoir si cela concerne aussi un enseignement reçu/appris d’un non-juif, mais il penche lui aussi pour dire que oui.

A tel point que le Zekher Yehossef (O’’H §53) ira jusqu’à rapporter un enseignement de Wilhelm Gesenius (1786-1842) qu’il a lu dans le Biour sur Yeshaya (5,2) ! en expliquant qu’il est obligatoire de citer « Beshem Omro ».

C’est aussi ce qu’a fait Rabbi dans Sanhédrin (91b) en rapportant un enseignement d’Antonin (certains pensent qu’il s’est converti, mais ce n’est pas unanime, cf. Yefé Enaïm Avoda Zara 10b).


Citation:
Et si oui, est-ce que cela va même jusqu'à citer chaque auteur qui cite un autre auteur qui en cite un autre etc. jusqu'à l'enseignement que l'on veut citer (exemple : A a dit que B a dit que C a dit que D a dit que E a ramené la Gmara disant que etc.) ?

Cette question ne se pose pas uniquement pour des Divrei ‘Hol, on peut aussi se la poser pour des Divrei Torah ; faut-il mentionner tous les transmetteurs ?

Nous trouvons dans Nazir (56b) qu’il n’est nécessaire de mentionner que le 1er et le dernier.
C-à-d celui qui est l’origine du ‘Hidoush et le dernier transmetteur par lequel ce ‘Hidoush est passé pour arriver jusqu’à moi.

Mais si l’on peut tous les mentionner, c’est encore mieux, quitte à remonter jusqu’à Moshé Rabénou (Yeroushalmi Shabbat I,2).

Voir encore ‘Hida dans Marit Haayin (Psa’him daf 104) et Ein Zokher (Kaf §6) qui rapporte des Klalei R. Betsalel au nom du Raavad (Avoda Zara 16b) qu’il suffit de mentionner le premier nom.
C-à-d qu’il comprend dans Nazir (op cit) qu’il suffit de citer le 1er ou le dernier.
Voir aussi Sidrei Taharot (Ohalot daf 239), rapporté dans Davar Beshem Omro (p.85) qui parle longuement de ce sujet.

Nous trouvons parfois dans le Talmud des enseignements rapportés avec plusieurs noms, il arrive souvent qu’il y en ait 2 ou 3, même 4 est assez fréquent (Kidoushin 33b, 73b, Sanhédrin 28b, Brakhot 49b, ‘Houlin 5b, Mena’hot 38b, Tamid 27b, Zva’him 109b), parfois 5 (Tmoura 3a, Shabbat 47a, Brakhot 27b, Kidoushin 39a), ou 6 (Makot 16a, Brakhot 55b) et même 6 ou 7 (‘Houlin 98a), voire même 8 (Nedarim 8b) !
Je crois que 8 c’est le record dans le Talmud, je ne me souviens pas qu’il y en ait plus.
sat1
Messages: 84
Certains voient d'un mauvais œil le fait de citer un dvar 'hokhma au nom d'un goy ou d'un rasha.
Comment justifiez vous leur position ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 7032
Citation:
Certains voient d'un mauvais œil le fait de citer un dvar 'hokhma au nom d'un goy ou d'un rasha.
Comment justifiez vous leur position ?


Justifier signifie montrer que c’est juste, rendre légitime, prouver qu’ils ont raison. Je ne peux pas justifier les deux opposés…
Par contre je peux tenter un Limoud Zkhout, une explication.
Mais avant cela, je précise que je ne relis pas ce qui a précédé sur ce fil, je vous réponds comme si vous aviez posé votre question sur un nouveau fil.
Si jamais je n'avais pas bien compris votre question et qu'elle se rapportait à un élément qu'on verrait plus haut, sachez que je ne sais pas du tout ce qui est dit plus haut, ma réponse vient comme une réponse indépendante.

Il y a une notion de ne pas créditer du mérite à un Rasha, car cela lui confère de la valeur et d’autres risquent d’être attirés par ce Rasha.

Elisha ben Avouya est nommé A’her et on évite d’apprendre de la Torah de sa bouche car elle pourrait comporter des éléments nocifs que nous ne distinguerions pas du reste, seul Rabbi Méir se l’autorisait car dans sa grande sagesse, il savait identifier les éléments à rejeter (cf. ‘Haguiga daf 15).

Nous trouvons aussi des Rabanim qui s’opposent à toute citation étrangère dans les Sfarim, ils pensent que si l’on cite une source non juive comme pour étayer ou confirmer une parole de Torah, c’est faire insulte à la Torah et reviendrait à dire qu’elle aurait besoin de ce soutien. Et puis ça serait de nouveau prendre le risque d’absorber des éléments non souhaitables mélangés à de la Torah.

Quelques Rabanim A’haronim en ont fait les frais et ont été critiqués, par exemple au XIXème siècle Rav Shlomo Tsvi Schük (le Rashban) ou Rav Zekharia Stern (le Zekher Yehossef) et tant d’autres, mais aussi depuis le XVIème siècle, comme Rabbi Azaria de Rossi avec son Meor Enaïm (mais ça n’était pas le seul reproche qui lui était fait).

Alors qu’à l’époque des Rishonim (et donc jusqu’à la veille du XVIème siècle, avant l’expulsion d’Espagne en 1492), cela ne semblait pas perturber outre mesure si un rabbin citait des non-juifs dans ses écrits rabbiniques.
Le Rambam est le plus connu pour cela, mais ce n’était pas le seul.

[Idem pour les Amoraïm, à l’époque de ‘Hazal nous trouvons qu’ils citent des sources peu recommandables dans le Talmud, comme les citations de Ben Sira… Voir Tossefet Brakha (Bamidbar p.184)].

Nous trouvons toutefois que le Malmad Hatalmidim (XIIIème siècle) prend une précaution en écrivant (vers la fin de la Hakdama, l'avant dernière page) אין לבחון הדבר רק מצד עצמו ולא מצד אומרו pour ne pas qu’on lui tienne rigueur de ses citations du sage Mickaël qui n’était pas juif.

Rav Zekharia Stern soutenait que le problème d’apprendre la Torah d’un maître qui n’est pas Tsadik ne concerne que l’apprentissage direct, de sa bouche, pas de ses écrits. Voilà pourquoi il se permettait de citer des auteurs « non-recommandables » (Cf. Sdei ‘Hémed, Peat Hassadé, Maarekhet Alef, §64).

Voyez aussi ce que j’ai écrit ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=44590#44590 à ce propos.
J’y indique aussi un sefer Moussar publié avec les encouragements de Rav Israel Salanter qui est simplement la traduction en hébreu d’un livre de Benjamin Franklin !

Voir aussi ici : https://www.techouvot.com/etude_aux_toilettes-vt17655.html?highlight=
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