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Allusionner à quelqu'un d'ouvrir une bouteille

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Cheela-techouva
Messages: 127
Bonjour Rav,

Ce chabat j'ai été confronté au cas suivant :

N'ouvrant pas moi-même les bouteilles avec un bouchon en métal (style jus de raisin) le chabat et n'ayant pas d'autre possibilité de faire kidoush pour diverses raisons qu'avec cette bouteille-là, j'ai dû demander à quelqu'un de m'ouvrir la bouteille.

De peur de le lui demander directement d'ouvrir, j'ai dit à la personne qui m'a apporté la bouteille (le chomer du traiteur) que je n'ouvrais pas moi-même ce genre de bouteille mais que si jamais il existait dans les environs une personne juive qui ouvrait elle même ce genre de bouteille [en considérant d'après son minhag que c'est moutar / pas un mehalel chabat] et que cette personne était disposée à me l'ouvrir, je pourrai l'utiliser.

Du coup il m'a dit "bon bin c'est tsoreh' mitsva" je vous l'ouvre.

1) Etait-il autorisé de faire cette allusion?

2) Etait-ce nécessaire ?

Merci et kol touv
Rav Mordehai Alberman
Messages: 128
Quelqu'un qui a l'habitude de ne pas ouvrir de bouteilles pendant Chabbat, s'il pense que selon la stricte loi c'est interdit, ou que c'est l'avis de son Rav, il n'a pas le droit de demander à quelqu'un d'autre – même sous forme d'allusion – d'ouvrir une bouteille.

En revanche, s'il considère que selon la stricte loi c'est permis, seulement il s'abstient en raison du fait que certains décisionnaires interdisent, il lui est permis de demander même explicitement à quelqu'un qui ne partage pas cette habitude d'ouvrir une bouteille.

Toutefois, celui qui s'abstiendra sera digne de bénédiction.

Par ailleurs, il est toujours possible d'ouvrir une bouteille après avoir percer son bouchon, comme nous l'avons montré dans une précédente réponse
(https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=61346#61346).

Sources et explications :

Il est écrit dans la paracha de Kedoshim (19:14) "Lifnei iver lo titen mikhshol". Littéralement : "Ne place pas d'obstacle sur le chemin d'un aveugle."

Aussi, lorsque quelqu'un faute à cause de nous, nous enfreignons l'interdit de lifnei iver, comme l'écrit la Guemara d'Avoda Zara (6b) que celui qui tend un verre de vin a un nazir transgresse l'interdit de lifnei iver.

L'interdit de lifnei iver s'applique-t-il pour quelque chose qui est interdit aux uns mais permis aux autres ? Cette question est sujette à discussion parmi les décisionnaires.

Les décisionnaires qui autorisent

D'un côté, le Ktav Sofer (יו"ד סי' עז) affirme que quelqu'un qui pense qu'un certain aliment est interdit a le droit de le donner à manger à son ami qui considère que c'est permis, car pour son ami ce n'est pas une faute de le consommer.

Il rapporte l'appui une Guemara dans le traité de 'Houlin (99b) qui raconte que Rabbi Ami soutenait que les nerfs donnent du goût (יש בגידין בנותן טעם).

Cependant, si quelqu'un venait lui poser une question au sujet d'un plat dans lequel avait été mélangé un nerf interdit, il l'envoyait chez Rabbi Itzhak ben 'Halov qui tranchait comme l'avis de Rabbi Yehoshoua ben Levy selon lequel les nerfs ne donnent pas de goût pour autoriser ce plat à la consommation.

Le Ktav Sofer en conclut qu'à partir du moment où certains décisionnaires autorisent, cela ne s'inscrit pas dans l'interdit de lifnei iver, bien que nous-même soutenions que c'est interdit.

De même, le Mabit (ח"א סי' כא) soutient que les fruits cultivés par des non-juifs pendant la shemita ont de la kedoushat shevi'it (c’est-à-dire qu'ils ont une sainteté propre aux fruits qui poussent pendant la shemita).

Cependant, il affirme qu'il est permis de vendre de tels fruits à ceux qui n'ont pas la coutume de les considérer comme saints.

Il explique que puisque ces derniers s'appuient sur les décisionnaires qui ont une position permissive à ce sujet, cela ne s'inscrit pas dans l'interdit de lifnei iver.

Les décisionnaires qui interdisent

D'un autre côté, le Sha'ar Hamelekh (אישות פ"ט הט"ז) démontre à partir des propos de la Shita Mekoubetzet dans le traité de Nedarim (90a) que quelqu'un qui a la coutume de ne pas allumer sa cigarette à partir d'une bougie faite de graisse interdite (חֵלב), s'il tend cette bougie a son ami qui ne partage pas cette coutume, il enfreint l'interdit de lifnei iver.

Les décisionnaires contemporains

La plupart des décisionnaires adoptent la position du Sha'ar Hamelekh.

Néanmoins, beaucoup d'entre eux font la distinction entre un cas où nous considèrons que c'est strictement interdit et un cas où nous nous abstenons en tant que 'houmra (mesure de rigueur).

Tel est l'avis de Rav Shlomo Zalman Auerbach (מאור השבת ח"א מכתב ג-ח) qui évoque la question quant à savoir si quelqu'un qui s'abstient de fumer pendant Yom Tov a le droit d'offrir une cigarette à son ami qui ne partage pas cette habitude.

Il conclut que s'il soutient que selon la Halakha c'est interdit, en lui donnant une cigarette, il enfreint l'interdit de lifnei iver.

En revanche, s'il s'abstient uniquement parce que telle est la coutume dans sa famille ou de ses Rabbanim, dans ce cas, le principe de lifnei iver ne s'applique pas.

Car dans ce cas, celui qui s'abstient sait que son ami n'est pas obligé de s'abstenir comme lui, car chacun suit la coutume de ses pères.

Il ajoute qu'il en va de même pour quelqu'un qui fait sortir Chabbat selon l'horaire de Rabénou Tam.

C'est également l'avis de Rav Wozner (שבט הלוי ח"א סי' נג) qui écrit que quelqu'un qui fait sortir Chabbat selon l'horaire de Rabénou Tam, n'a pas le droit de dire à quelqu'un qui a déjà fait sortir Chabbat de faire un travail interdit.

Cependant, il ajoute que si on ne procède comme Rabénou Tam qu'en tant que 'houmra, il n'est pas certain que ce soit interdit.

Il semble que ce soit aussi l'avis de Rav Ovadia Yossef (יביע אומר ח"ט יו"ד סי' כח סק"ד) qui rapporte que beaucoup de décisionnaires ont adopté l'avis du Sha'ar Hamelekh.

Toutefois, il précise que l'interdit de lifnei iver s'applique uniquement pour quelque chose qui est interdit selon la stricte loi, mais pas lorsqu'on s'abstient de faire quelque chose en tant que 'houmra.

C'est également l'avis de Rav Ophir Malka (הליכות שבת ח"א פכ"א סי"ג) qui écrit que si nous avons l'habitude de ne pas ouvrir des bouteilles pendant Chabbat uniquement en tant que 'houmra, il est permis de demander à quelqu'un qui ne partage pas cette habitude qu'il ouvre une bouteille.

En revanche, si nous pensons – après avoir étudié ce sujet – que d'après la Halakha c'est interdit, ou que tel est l'avis de notre Rav, il est interdit de demander à quelqu'un d'autre d'ouvrir une bouteille pendant Chabbat.

L'avis de Rav Elyachiv

Rav Elyachiv (שבות יצחק ח"ד מלאכות עמ' קפא) quant à lui affirme que si nous avons l'habitude de ne pas ouvrir des bouteilles pendant Chabbat, dans tous les cas, il nous est interdit de demander à quiconque d'ouvrir une bouteille.

Il rapporte d'abord à l'appui les propos du Sha'ar Hamelekh susmentionnés.

Mais il ajoute que c'est interdit même si notre habitude procède d'une 'houmra.

Il rapporte comme preuve les propos du Mishna Broura (סי' תרכד סקט"ז) au nom du Tour selon lesquels quelqu'un qui a l'habitude de faire Kippour deux jours de suite n'a pas le droit de demander à quelqu'un d'autre de lui faire un travail interdit.

Or, il ne s'agit pas d'une stricte loi, mais d'une 'houmra.

Allusionner

En outre, lorsqu'il est interdit de demander à son prochain d'ouvrir une bouteille, il est également interdit de lui allusionner, car s'il comprend notre intention et qu'il l'ouvre, nous enfreignons l'interdit de lifnei iver.
Petityid
Messages: 11
Bonjour Rav,

Dans le contexte d'allusioner, est ce que le fait de dire "Oh zut! La bouteille est fermée! " et l'autre (qui est juif) nous l'ouvrira pour nous rendre un service, serait également interdit d'après ceux qui interdisent?

(Car j'ai entendu que cela marchait pour Amira legoy dans ce type de phrase sans lui demander explicitement.)

Merci beaucoup
Rav Mordehai Alberman
Messages: 128
D'après les décisionnaires qui pensent que demander à son ami d'ouvrir une bouteille relève de l'interdit de lifnei iver, lui faire part que la bouteille est fermée pour qu'il comprenne que nous voulons qu'il l'ouvre s'inscrit également dans l'interdit de lifnei iver, car, somme toute, il l'ouvre à cause de nous.

Ceci dit, vous avez raison qu'à un non-juif dans ce cas il serait permis de faire une telle allusion.
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