C’est R. Its’hak El’hanan Spektor, lorsqu’il était à la Yeshiva, il n’avait pas de quoi s’acheter des chaussures, on a demandé à un riche des chaussures pour cet élève alors inconnu, le riche a refusé, l’élève est tombé malade et est resté alité durant trois semaines sans pouvoir étudier.
Des années après, l’élève est devenu le grand Rav Its’hak El’hanan Spektor et voulait faire imprimer un Sefer qu’il avait écrit, ce même riche proposa de payer pour l’impression et le Rav refusa. (voir Shimoush ‘Hakhamim p.80)
Selon cette version de l’histoire, il faut comprendre que c’est un zkhout (mérite) d’être shoutaf dans un sefer, pas tout le monde est apte à cela ni ne le mérite …..
Il ne s’agît pas d’une vengeance, mais simplement d’une inaptitude de ce monsieur à soutenir la Torah, s’il refuse de donner des chaussures à un élève pauvre et démuni en plein hiver, son investissement dans un Sefer n’est pas convenable (/pas assez Lishma).
Le Rav aurait pu l’accepter si personne d’autre ne se proposait, mais ce « donateur » ne méritait pas d’avoir une part dans ce Sefer et le Rav a préféré laisser la place à un juif méritant et digne de participer à la propagation de la Torah.
Une autre version raconte que c’est l’élève lui-même qui avait demandé à un autre élève, fils d’un riche, s’il pouvait lui donner ses anciennes chaussures.
La réponse fut : « des chaussures ça se gagne en travaillant ».
Plus tard, lorsqu’il voulut sponsoriser le Sefer du Rav, le Rav lui dit « la Torah ça se gagne en travaillant , par Amal Hatorah, ton argent n’y peut rien ».
Dans tous les cas, il faut comprendre que celui qui sponsorise un Sefer n’est pas celui qui fait un ‘hessed à l’auteur, c’est l’inverse !
Bien entendu, le donateur aussi fait du ‘hessed puisqu’il aide quelqu’un à publier son livre, mais d’entre les deux, c’est l’auteur qui fait un plus grand ‘hessed en lui offrant la possibilité de participer à la Torah et à sa transmission.
Le « donateur » n’est pas passé par tout le Amal Hatorah qui a été nécessaire pour la rédaction du livre et il prend malgré tout part dans l’ouvrage, simplement en payant les frais d’impression.
L’auteur est certes gagnant, mais le donateur l’est encore plus.
C’est comme lorsque vous allez acheter une baguette à la boulangerie, chacun fait un ‘hessed à l’autre : le boulanger en préparant du bon pain pour vous et vous en payant le boulanger, mais l’un dans l’autre, c’est le boulanger qui fait le plus grand ‘hessed, pas vous.
Preuve en est, c’est vous qui choisissez d’acheter du pain, il ne vous y force pas.
Pour l’édition d’un Sefer, pas tout le monde voit cela comme le pain, certains considèrent cela comme purement facultatif et du luxe, mais pour ceux qui sont conscients que ce n’est pas un luxe facultatif, il n’y a pas de doute que c’est le donateur qui gagne au change.
Voilà pourquoi il convient -si possible- de choisir son/ses donateur(s), que ce soit pour l’impression d’une sefer ou pour le soutien d’un Talmid ‘Hakham sous forme de Issakhar-Zvouloun ou similaire.
Si le « donateur » a le sentiment qu’il fait une Tova à l’érudit, s’il n’a pas le sentiment de faire une affaire en aidant financièrement un Talmid ‘Hakham, il convien[drai]t de refuser son argent.
Ce n’est pas une halakha contraignante, le Talmid ‘Hakham a le droit halakhiquement d’accepter le don de ce genre de personnes, mais ce n’est pas souhaitable.
D’une part cette personne ne MERITE pas d’avoir une part dans sa Torah et d’autre part, cela contribue à maintenir une mauvaise perception du rapport que nous devons avoir vis-à-vis des Talmidei ‘hakhamim.
Si au contraire le donateur se réjouit de pouvoir participer à la recherche en Torah, s’il est conscient du privilège que constitue cette possibilité de s’associer à la Torah simplement en donnant de l’argent, si ce donateur a de bonnes Midot, il convient d’accepter son argent et ainsi lui permettre de se rapprocher réellement de D.ieu et de la Torah via cette participation financière.
Rabbi Avraham ben Harambam écrit dans son Sefer Hamaspik (vers la fin du Perek Hahistapkout -édition de poche p.145) que les Neviim n’acceptaient des dons que de personnes ayant de bonnes Midot et qu’il convient de « rapprocher » (=de D.ieu) en acceptant leurs dons.