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Guemara : À quoi ça sert ?

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1001questions
Messages: 20
Bonjour Rav Wattenberg

Voila j'expose mon problème, je suis bahour yechiva et j'étudie de la guemara depuis plus de 10 ans et j'en éprouve beaucoup de plaisir.
Le problème est que j'arrive pas donner de l'importance à ce que je fais, à l'étude en elle-même.

Encore une fois ce n'est pas un problème de heshek , j'adore étudier, mais en fait j'ai l'impression que l'étude chez moi n'est qu'un hobby, une sorte de passion comme quelqu'un qui adore jouer au Tennis bien qu'en fait, il sait au fond de lui-même, que taper une balle de Tennis ne sert à rien et n'a aucune impotance.

C'est un peu le meme sentiment que j'ai vis-à-vis du Limoud, kiffant mais ne sert à rien. Alors je sais bien , vous allez me dire d'essayer d'enseigner à quelqu'un d'autre, mais mon problème n'est pas une question que je me sens inutile mais que c'est inutile d'étudier.
Dit de façon différente c'est ça ne m'avance à rien d'étudier si ce n'est le plaisir intellectuel qu'il y a se frotter les neurones.

Je ne sais pas si je suis très clair, mais je vais vous donner un exemple pour que ça le soit. Récemment j'ai emmené un parent qui souffrait terriblement d'un mal depuis plusieurs mois chez plusieurs médecin, mais aucun d'eux ne réussissait à trouver d'où venait ce mal, jusqu'au moment où on m'a orienté vers un grand spécialiste, le bon médecin qui a résolu le problème, et depuis ce parent ne souffre plus.
Je me suis mis à la place de ce médecin, et je me suis dit qu'il devait avoir vraiment une satisfaction énorme après avoir réussi à soulager ce patient. Franchement je ne crois pas qu'un bahour yechiva à une satisfaction comme celle-ci après avoir étudié une sougia et même dans toute sa vie de bahour. Peut-être a-t-il plus de plaisir que ce médecin dans ce qu'il fait et étudie, mais satisfaction, j'ai du mal à le croire.
Il y a un sentiment d'inutilité dans l'etude de la guemara qui me dérange énormément. La réponse classique des rabbanim à ce problème est de dire que le limoud construit ta personnalité.
J'aurais envie de leur répondre que tout apprentissage construit toute expérience d'etude affine ta personnalité pas spécialement de la guemra, c'est peut être une question de non-religieux mais je pense que beaucoup de froum l'ont mais n'osent pas la poser car ça fait un peu impie.

En fait je n'arrive pas à comprendre quelle est la finalité de toute cette gymnastique d'esprit, bien que je sais qu'un fou de math abstraite ne sera pas dérangé par ce genre de sentiment. L'abstrait c'est son quotidien, et son épanouissement est provoqué par le frottement de ses neurones, mais ce sentiment d'inutilité est assez dérangeant.

Je précise que cette sensation est présente surtout dans la guemara, mais pas quand j'ouvre un Rav Dessler par exemple elle est moins dérangeante.

J'ai fait mon possible pour être clair sans savoir si je l'ai été.

Encore un grand merci pour touts vos réponses, un régal. Vous êtes d'une honnêteté intellectuelle qu'on trouve rarement chez les rabbanim.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6664
Je cite :
Citation:
Il y a un sentiment d'inutilité dans l'etude de la guemara qui me dérange énormément
La réponse classique des rabbanim à ce problème est de dire que le limoud construit ta personnalité.


C’est vrai, ça PEUT la construire.
Mais il y a encore autre chose.
Ça « construit » aussi la compréhension [qu’a l’étudiant] de la Torah et des mitsvot.

Celui qui n’étudie pas la Gmara reste condamné à avoir une vision erronée de la halakha, il peut lire tous les résumés halakhiques les plus détaillés, comme le Yalkout Yossef et Cie et même les connaitre par cœur, s’il n’est pas passé par les souguiot, sa compréhension de la mitsva est (au moins partiellement) biaisée.

Il ne saura donc pas adapter son action aux particularités de chaque situation et surtout, il ne pourra pas vraiment se rapprocher de D.ieu à travers son accomplissement des mitsvot tant qu’il n’en comprend pas bien le sens et le cadre.

Je sais que ce que je viens d’écrire est assez court pour parler d’un tel sujet, mais il serait bien long de l’expliquer ici à l’écrit.


Citation:
Je me suis mis à la place de ce médecin, et je me suis dit qu'il devait avoir vraiment une satisfaction énorme après avoir réussi à soulager ce patient


Bien entendu, le médecin qui soulage un patient en tire satisfaction, mais il n’est pas le seul.
Il en va de même pour de nombreux corps de métier.

Dans la branche médicale c’est plus fréquent car les enjeux sont d’importance primordiale.
Même s’il ne s’agît pas toujours de soulager une douleur physique, certains soulagent la douleur mentale.

Même un dentiste pourrait ressentir une satisfaction lorsqu’il soigne un patient.
Un plombier ou un garagiste aussi, s’il y réfléchit.
Pareil pour un serrurier.
En fait même un cordonnier et même un éboueur…
Ce qui importe c’est de pratiquer son métier avec la volonté d’aider autrui, c’est ça qui apporte le bien-être, pas le fait de s’intéresser exclusivement aux sommes gagnées.
Ainsi, on fait du ‘hessed en travaillant, tout en se rendant à soi-même doublement service : gain d’argent et de satisfaction.

Ce type de satisfaction découlant du travail bien fait peut concerner aussi le ba’hour yeshiva dont vous parlez, à la différence qu’il n’est encore qu’au stade des études.
Votre médecin non plus ne sauvait pas et n’aidait pas les malades en première année de médecine, mais il savait qu’il se dirigeait vers cela.

Lorsque votre ba’hour Yeshiva aura appris « plein de torah » et se mettra à travailler (en supposant qu’il travaille dans ce domaine, comme rabbin, Dayan, possek, auteur, enseignant, Mashguia’h, etc.), lui aussi pourra ressentir de la satisfaction du fait d’aider des gens en détresse.

Mais la particularité du limoud à retenir, celle qui aura une incidence sur la vie dudit ba’hour -MÊME s’il exerce un métier indépendant du limoud, c’est que son étude et sa capacité à étudier, son autonomie dans les textes, lui permettront d’accéder à la vraie Torah et ne pas s’arrêter au succédané généralement présenté aux pauvres Amei Haarets (qui constituent nos communautés françaises) comme étant « la Torah ».

Résultat, ses Mitsvot auront un sens et une puissance décuplée et toute sa vie de juif prendra une autre direction, aura un véritable sens (s’il persévère dans l’étude).
Ces Mitsvot « intelligentes » lui donneront de la satisfaction, sans parler du fait qu’il sera généralement à même d’aider autrui aussi grâce à cela.

Citation:
J'aurais envie de leur répondre que tout apprentissage construit tout expérience d'etude affine ta personnalité pas spécialement de la guemra


C’est vrai en ce qui concerne la construction de la personnalité par l’expérience, mais il y a bien plus, il y a la construction par l’information.
Pour quelqu’un qui ne pratiquera pas, c’est vrai, on pourrait se dire que cela n’apporte pas grand-chose, mais pour une personne qui souhaite pratiquer les mitsvot, toute sa Avodat Hashem peut être transformée par ce limoud.

Un élève en médecine qui n’exercera pas (mais travaillera en tant qu’électricien par exemple), aura bien entendu quelques avantages par ses souvenirs de ces études, il comprendra mieux l’effet des médicaments qu’il donnera à ses enfants, saura prévenir les interactions médicamenteuses néfastes, ou doser convenablement en fonction de la situation et du sujet.
Mais ça s’arrête-là.

Le talmudiste qui n’épouse pas une carrière rabbinique, s’il reste pratiquant, bénéficiera tout de même d’une véritable compréhension (plus ou moins profonde) de ce qu’il fait quotidiennement dans sa vie de juif.

Citation:
En fait je n'arrive pas à comprendre quelle est la finalité de toute cette gymnastique d'esprit bien que je sais qu'un fou de math abstraite ne sera pas dérangé par ce genre de sentiment l'abstrait c'est son quotidien , son épanouissement est provoqué par le frottement de ses neurones mais ce sentiment d'inutilité est assez dérangeant.


Attention, il est vrai que certains yeshivistes pèchent par excès de pilpoul.
La casuistique pure n’amène pas toujours à une compréhension plus authentique/véritable de la Torah.

Même si cette gymnastique cérébrale reste bénéfique pour entretenir son cerveau et assurer ses vieux jours, elle ne dirige pas toujours l’étudiant vers le Emet.

Le « savant fou » en jubilera, mais ça ne concerne qu’une petite partie de la population et il n’y a guère de raison d’espérer être un savant fou.

Citation:
Je précise que cette sensation est présente surtout dans la guemara mais pas quand j' ouvre un rav dessler par exemple elle est moins dérangeante


Oui, parce que là, vous voyez plus immédiatement l’intérêt de l’information. Alors que se former au Talmud est un exercice plus long, plus délicat et moins « immédiat ».

Rav Dessler travaille essentiellement sur les Agadot, vous verrez qu’en lisant d’autres livres similaires qui traitent des Agadot du Talmud, vous trouverez un plaisir plus concret, c’est normal.
Néanmoins, il faut savoir que les véritables trésors ne se trouvent pas dans le Mikhtav Meéliahou, mais dans le Talmud.
C’est en lisant « entre les lignes » que l’on découvre des trésors insoupçonnés (mais pour lire entre les lignes, il faut déjà savoir lire les lignes elles-mêmes).

En fait votre question touche à un sujet très large : quel est le « but » du limoud hatorah?

D’accord, c’est une mitsva, mais qu’est-ce que D.ieu attend de nous à travers cette mitsva ?
Qu’entraîne cette mitsva, que produit-elle sur celui qui l’accomplit ?

C’est très vaste, il se trouve que les rabbins disent souvent des choses différentes les uns des autres à ce sujet.

Je crois avoir déjà posté un message sur « quel est le but du limoud ?». (ou approximatif. J’ai essayé très rapidement de le trouver, sans succès. Ça ne doit pas être les bons mots.)
Si ce n’est pas le cas, je tenterai –b’’n- de le faire si on me le demande sur un NOUVEAU fil de discussion. (pas ici, merci. Il ne faut pas mêler les sujets)

Je termine sans me relire (par manque de temps), veuillez excuser les fautes.
mitbayesh
Messages: 7
Mon commentaire n'a aucunement la prétention à "répondre" au message d'origine.
Je voudrais simplement partager mon expérience similaire sur le sujet.

J'ai été bahour yeshiva (isr et fr) pendant 3 ans après avoir fait mon bac en France.
J'ai senti une même sensation mais pas au même moment de mon parcours.

En effet j'étudiais beaucoup pendant mes années de yeshiva, mais j'éprouvais le besoin de mettre en application mon étude en allant dans le "monde du travail", c'est pourquoi j'entrepris à faire "des études" en m'inscrivant à l'université.

Et c'est là que je ressenti exactement ce que vous décrivez. C'est à dire que le plaisir que je trouvais à travailler mes cours de fac était le même que celui à étudier mes cours de guemara.
Cela m'a profondément remis en question et perturbé.
Je me disais que s'il n'y a pas de différence entre étude de la Tora et étude des sciences alors pourquoi privilégier la guemara ?

Je me suis dit qu'il n'y a que deux possibilités.
Ou bien c'est que l'étude n'a rien de plus que "les études".
Ou bien c'est que mon rapport à l'étude, au limoud, n'est pas le bon.

J'ai donc choisit de me forcer à ne pas étudier du tout pendant une année entière, afin de déconstruire mon rapport de base au limoud et voir s'il peut être différent et apporter (ou non) quelque chose de plus que ce que je découvrais dans mes études.

C'était un risque. Très certainement. Mais il le fallait. Par soucis et besoin de vérité. De vérité vis-à-vis de moi-même.

Aujourd'hui j'ai construit un tout autre rapport à l'étude.
En effet j'ai - ce qu'on appelle - une étude existentialiste. C'est-à-dire que je ne cherche pas uniquement ce que le texte a à dire, mais ce que le texte a à me dire ! En quoi cela me concerne qu'un taureau encorne une vache, moi qui ne supporte pas le contact avec les animaux et qui vis dans un pays où existe une désertification rurale et une fuite des jeunes des campagnes vers une vie plus aseptisé en ville ?
En quoi me concerne les problématiques de rabbins qui existaient à une époque tellement différente de la mienne qu'on aurait tendance à dire qu'on ne fait pas partie du même monde ?

Et effectivement, la question que j'avais au départ qui était "mais à quoi sert d'étudier ?" n'est plus actuelle car je n'ai plus de rapport "utilitariste" à l'étude (ce qui se retrouve plus dans les études), mais un rapport existentiel. C'est à dire ce que j'appelle un rapport de vérité.
Ceci m'entraîna même à avoir une méthode d'étude différente.
Par exemple je n'étudie plus "systématiquement" Rashi Tossefot mais uniquement si j'ai une question sur le texte et afin de voir si Rashi ou Tossefot la partage et y répond. Mais sinon je n'ai plus le besoin d'étudier avec cette méthode systématique. Rien ne l'empêche et je ne dis pas qu'elle est mauvaise, mais elle plus impersonnelle, et faire les choses "à sa sauce" (si je puis me permettre) permet construire quelques chose qui ressemble plus à "son" étude qu'à "une" étude.

Je ne sais pas si je suis clair, ou si je vais trop ou pas assez loin dans mon explicatif. Mais je tenais à partager mon expérience afin peut-être de t'aider dans la réflexion de ce vécu.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6664
A Mitbayesh:

Vous opposez le rapport "utilitariste" (à l'étude) , au rapport "existentiel", je pense que les deux existent et co-existent.

Je veux dire que vous avez raison qu'il fallait dépasser le rapport de base (que je qualifierais d'infantile ou juvénile) que vous aviez avec le limoud, pour arriver aux questions existentielles dissimulées entre les lignes du Talmud
[il n'était cependant pas nécessaire d'arrêter toute étude durant un an pour cela! Quel Bitoul Torah! Il y a une Mitsva obligatoire d'étudier la Torah quotidiennement. Iriez-vous arrêter de mettre les Tfilines pendant un an afin de revoir votre rapport aux Tfilines?!
Comment peut-on arrêter d'étudier la Torah durant un an? Si les Sages ont dit Lo Habayshan Lamed (Avot II, 5), ça ne veut pas dire que Mitbayesh doive stopper l'étude!]


Mais il ne faut pas s'arrêter-là, il faut arriver à fermer la boucle en revenant à ce que vous appelez le rapport "utilitariste" pour mettre en "pratique" les fruits de votre étude "existentielle" dans la vie de tous les jours en tenant compte de cette étude pour transformer votre vision du monde et des Mitsvot.

Celui qui sait étudier le Talmud convenablement, transforme par son étude tout son accomplissement des Mitsvot et lui donne une tout autre dimension, absolument inaccessible au Am Haarets.
Yoav Chetrit
Messages: 61
[quote="rav Binyamin Wattenberg"] Il ne saura donc pas adapter son action aux particularités de chaque situation et surtout, il ne pourra pas vraiment se rapprocher de D.ieu à travers son accomplissement des mitsvot tant qu’il n'en comprend pas bien le sens et le cadre.[:quote]
Bonjour Rav

Vous développez qu'un des objectifs fondamentaux de l'étude du Talmud est la compréhension des mitsvots plus profonde pour une application qui amène vraiment à se rapprocher de D.

Je comprend cette approche par rapport à des massehtot qui sont « lemaassé » comme Chabat Yom Tov Pessah ou même des massechet de Nezikin. Mais il y a des sujets où on ne retrouve pas d'application du tout, par exemple les michnayot du seder zraim (je ne suis pas agriculteur), du seder kodchim (je ne suis pas Cohen), ou du séder Taharot (à part la massechet nida mikvaot et ohalot je ne retrouve pas d’application sur les autres traités).
J’éprouve certe beaucoup de plaisir à étudier ces sujets, mais j’ai la même question que « 1001questions » sur ce sujet, je n’arrive pas à voir ce que cela apporte ?

Merci beaucoup pour vos éclaircissements.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6664
Citation:
Je me permet de vous citez sur votre précédente réponse : « Il ne saura donc pas adapter son action aux particularités de chaque situation et surtout, il ne pourra pas vraiment se rapprocher de D.ieu à travers son accomplissement des mitsvot tant qu’il n’en comprend pas bien le sens et le cadre. »

Vous développez qu’un des objectifs fondamentaux de l’étude du Talmud est la compréhension des mitsvots plus profonde pour une application qui amène vraiment à se rapprocher de D.

Je comprend cette approche par rapport à des massehtot qui sont « lemaasse » comme chabat yom tov pessah ou même des massechet de nezikin. Mais il y’a des sujets où on ne retrouve pas d’application du tout : par exemple les michnayot du seder zraim (je ne suis pas agriculteur), du seder kodchim (je ne suis pas cohen), ou du seder taharot (a part la massechet nida mikvaot et ohalot je ne retrouve pas d’application sur les autres traités).
J’éprouve certe beaucoup de plaisir à étudier ces sujets, mais j’ai la même question que « 1001questions » sur ce sujet, je n’arrive pas à voir ce que cela apporte ?


L'apport de la connaissance du Shas dans la pratique des Mitsvot, ne concerne pas seulement la mitsva étudiée.
Chaque Daf du Talmud contribue à une meilleure compréhension de n'importe quel autre Daf et, à partir de là, à une meilleure compréhension de chaque Mitsva.
Ainsi, étudier un Perek comme Ben Sorer Oumoré, ou tout autre sujet qui ne s'applique pas, contribue aussi à une meilleure Avodat Hashem.
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