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Discussion R. Yehouda R. Yossi Rachbi sur l'Empire Romain

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florient
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Kvod harabanim,

Quel est le fond de la discussion entre Rabbi Yehouda, Rabbi Yossi, et Rachbi sur l'empire romain ?

Car tous les trois ne peuvent qu'être d'accord sur la réalité, alors que veulent ils signifier par leurs propos (ou absence de propos pour R. Yossi) ?

Merci.
Rav Binyamin Wattenberg
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Citation:
Quel est le fond de la discussion entre Rabbi Yehouda, Rabbi Yossi, et Rachbi sur l'empire romain ?
Car tous les trois ne peuvent qu'être d'accord sur la réalité, alors que veulent ils signifier par leurs propos (ou absence de propos pour R. Yossi) ?


Ils sont d’accord sur les faits, ils ne discutent que des intentions, de ce qui a motivé les romains (à construire des routes etc.).

R. Yehouda voyait les romains d’un bon œil, sans pour autant être dupe des intérêts évidents qu’ils pouvaient aussi avoir.
R. Shimon en revanche voyait plutôt le mal et les mauvaises intentions des romains, intentions qui relativisaient et reléguaient leur côté positif à un rang secondaire.
Et R. Yossi voyait bien les deux aspects et ne pouvait se résoudre à trancher comme aucun de ses collègues, pour lui, on ne pouvait pas faire de généralité, il y avait assurément des romains avec de plus ou moins bonnes intentions et d’autres qui en avaient de plus mauvaises.

On pourrait encore poser une question sur R. Yehouda, comment a-t-il pu faire l’éloge des romains alors que nous avons un enseignement dans Avoda Zara (20a) qui l’interdit (לא תחנם, לא תתן להם חן ) ?

Cette question a été posée par le Sfat Emet.
Il semble qu’il n’ait pas trouvé de réponse satisfaisante car il y a répondu par une idée subtile dont il avait le secret (afin -je pense- de sensibiliser ses ‘Hassidim sur la distanciation nécessaire vis-à-vis des Goyim), en expliquant que la phrase de R. Yehouda est à lire sur le ton interrogatif, « belashon Temiha ».

Il me semble superflu d’expliquer et de démontrer que cette lecture n’entre pas du tout dans les mots et ne correspond pas du tout au sens obvie de la Gmara qui dit bien que R. Y. a fait l’éloge de Rome, et que les romains lui ont donné une promotion et non l’inverse, etc.
Historiquement, R. Yehouda a bel et bien fait l’éloge des romains, il faut donc comprendre comment s’arrangeait-il avec l’interdit de לא תתן להם חן.

Peut-être que R. Yehouda considérait que cet interdit ne concerne que les 7 peuples (cf. Torah Tmima Dvarim VII, 1,2 ,3), dès lors il serait autorisé de faire les louanges des romains.
Ainsi, nous pourrions expliquer que contrairement à lui, R. Shimon pensait que cet interdit concernerait tous les peuples (idolâtres), (cf. son avis dans A.Z. 36b « Lerabot Kol Hamessirin »), alors que R. Yossi était Messoupak et n’avait pas tranché entre les deux opinions.
Voilà qui expliquerait nos trois réactions.

Ou bien, on pourrait encore dire que l’interdit [concerne tous les peuples idolâtres mais qu’il] n’est que de faire le Sheva’h du Goy lui-même, comme lui reconnaitre du ‘Hen (לא תתן להם חן), mais R. Yehouda a bien pointé leurs actions positives et constructions utiles, il n’a pas parlé de la personne mais de son acte. R. Shimon quant à lui estimerait que l’on ne devrait pas opérer de telles distinctions dans l’interdit de לא תתן להם חן, puisque faire les louanges de l’acte amènera au même résultat : celui que l’on craint, que l’on en vienne à leur ressembler et imiter leurs mauvaises actions. (Cf. Rambam hil. A.Z. §X, 4).

Rav Ovadia Yossef dans son Meor Israel (Shabbat 33b), pour justifier l’attitude de R. Yehouda, explique que l’interdit ne s’applique que lorsqu’il s’agit d’un individu, mais faire les louanges d’un peuple est autorisé.

[Cela ferait une nouvelle manière d’expliquer le désaccord, pour R. Yehouda c’est autorisé quand on parle d’un peuple sans pointer des individus, R. Shimon ne serait pas d’accord avec ce distinguo, et R. Yossi aurait été hésitant entre ces deux opinions.]

Cela ne semble pas tout à fait logique en tenant compte de ce qu’écrit le Rambam, si la crainte est d’en arriver à s’inspirer d’eux (même pour les mauvaises choses), il n’est pas très logique d’établir cette distinction entre l’individu et le peuple.

Le Maharsha rappelle la Gmara de Avoda Zara (2b) où l’on voit que le jugement de R. Shimon est le vrai, que les romains ont fait tout cela dans leurs intérêts, et que l’analyse de R. Yehouda est erronée.
Il explique donc que R. Yehouda pensait en fait comme R. Shimon, mais par crainte des autorités il en a fait les louanges.

Rav Moshé Tsuriel Weiss dans Leket Mehegyonei Hatorah (I, p.219), en se basant sur le Shoul’han Aroukh (YD fin de §151), explique que R. Yehouda pensait qu’il est autorisé de souligner et faire les louanges du Goy si l’intention est de remercier D.ieu d’avoir créé ce Goy (et permis ainsi ce qu’il apporte de bon).
Alors que R. Shimon serait en désaccord, estimant que ceci serait aussi prohibé.

Il écrit encore que R. Yehouda était un ‘Hassid, comme c’est dit dans Baba Kama (103b) (qu’à chaque fois que le Talmud mentionne une histoire concernant « un ‘hassid », c’est soit R. Yehouda Bar Ilay, soit R. Yehouda ben Baba).
Or notre R. Yehouda (collègue de R. Shimon, R. Yossi et R. Méir) dont il est question, est R.Y. bar Ilay (cf. Mena’hot 18a).

C’est pourquoi, dans sa grande ‘Hassidout, il voyait le bien partout.

Cette explication m’interroge, serait-ce un atout ou un défaut que d’être ‘Hassid dans ces conditions ?
Peut-on concevoir que la dévotion amène ainsi à l’erreur (selon ce que rapporte le Maharsha que la position de R. Shimon s’est avérée être la bonne) ?

Une idée proche de celle-ci se trouve aussi dans le Shem Mishmouel (Toldot p.296) au sujet d’Its’hak qui ne voyait pas le mal en Essav, car le Tsadik a du mal à imaginer et concevoir le mal dans toute son ampleur.

C’est peut-être un aspect « négatif » de la Tsidkout, aspect auquel le Tsadik devra être attentif, être conscient et savoir que sa bonté le pousse malgré lui à se focaliser sur le positif et voir le bon chez l’autre, même lorsqu’une analyse objective indiquerait clairement le contraire.

Le Tsadik conscient de la possibilité de cet écueil, du « revers de la médaille », pourra en tenir compte et se préserver de ceux qui profiteraient volontiers et sans merci de sa candeur.

(je ne me relis pas en espérant qu'il n'y ait pas trop de fautes.)
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