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Comparaison Rabbi Méïr et Rabbi Chimon

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RHY
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Bonjour Rav;

Il ressort de certains passages du Shas que Rabbi Méïr était le plus grand Sage de son époque: Irouvin 13, par exemple.
D'autres passages, à l'inverse, indiquent que c'était Rabbi Chimon qui était le plus grand Tanna: Souka 45, par exemple.

L'anecdote du Yérouchalmi, au début de Sanédrin, montre bien cet enjeu, et éventuellement sa résolution.

Pourriez-vous svp effectuer une comparaison qui soit la plus exhaustive possible entre ces deux grands personnages: leur différences de pensées, de "hashkafa", de vision du monde, de la Torah et de la Hala'ha.

NB: Il me semble qu'il y a une certaine opposition entre ces deux Sages, c'est pourquoi j'aimerais connaitre votre point de vue. Je dirai très schématiquement que:
- Rabbi Méïr me fait penser à l'école de "Kotsk" ou à R.G.Nadel: liberté de penser et originalité, non-conformisme, recherche de la vérité chez qui la détient etc... et universalisme.
- Rachbi me fait penser aux "kabbalistes" ou à R.N. de Breslav: mystérieux, proximité avec le divin, reclus, taciturne et élitiste.

Merci d'avance pour votre lumière !
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Citation:
Il ressort de certains passages du Shas que Rabbi Méir était le plus grand Sage de son époque: Irouvin 13 par exemple.
D'autres passages, à l'inverse, indiquent que c'était Rabbi Chimon qui était le plus grand Tanna: Souka 45 par exemple.

L'anecdote du Yérouchalmi, au début de Sanédrin, montre bien cet enjeu, et éventuellement sa résolution.

Pourriez-vous svp effectuer une comparaison qui soit la plus exhaustive possible entre ces deux grands personnages: leur différences de pensées, de "hashkafa", de vision du monde, de la Torah et de la Hala'ha.

NB: Il me semble qu'il y a une certaine opposition entre ces deux Sages, c'est pourquoi j'aimerais connaitre votre point de vue. Je dirai très schématiquement que:
- Rabbi Méir me fait penser à l'école de "Kotsk" ou à R.G.Nadel: liberté de penser et originalité, non-conformisme, recherche de la vérité chez qui la détient etc... et universalisme.
- Rachbi me fait penser aux "kabbalistes" ou à R.N. de Breslav: mystérieux, proximité avec le divin, reclus, taciturne et élitiste.


Il faut rester précis quand on aborde ces sujets ;
Je vous cite :

Citation:
Il ressort de certains passages du Shas que Rabbi Méir était le plus grand Sage de son époque: Irouvin 13 par exemple.

Non, pas le plus grand, le plus intelligent, nuance.

Citation:
D'autres passages, à l'inverse, indiquent que c'était Rabbi Chimon qui était le plus grand Tanna: Souka 45 par exemple.

Là aussi, pas forcément « le plus grand » (qui reste trop large et imprécis), mais il faudrait peut-être parler du plus « vertueux » (et encore), ou plutôt le plus « ben Aliya » -ça oui.

Reste aussi à définir si Rabbi Méir était encore vivant lorsque cette phrase a été prononcée… (s’il ne l’était plus, votre question serait d’une manière ou l’autre répondue).

Citation:
L'anecdote du Yérouchalmi, au début de Sanédrin, montre bien cet enjeu, et éventuellement sa résolution.

Ce que vous entendez par « début » de Sanhédrin, se trouve certainement daf 6a-b.
Le sujet y est abordé mais la « résolution » est laissée libre à l’interprétation de chacun.

Citation:
Pourriez-vous svp effectuer une comparaison qui soit la plus exhaustive possible entre ces deux grands personnages: leur différences de pensées, de "hashkafa", de vision du monde, de la Torah et de la Hala'ha.

Vous me demandez-là d’écrire un livre, voire deux.
Ça va être difficile pour le moment.

De manière TRÈS succincte, ce qui se dégage du talmud indique que R. Méir était plus intelligent que R. Shimon.

Rien ne force à comprendre ce que lui a dit R. Akiva : « דייך שאני ובוראך מכירין כוחך » (Yeroushalmi Sanhedrin 6b en haut) comme étant une allusion à une plus grande puissance spirituelle (bien que ce ne soit pas non plus forcément à exclure), il semble au contraire que R. Akiva lui disait, pour le consoler (d'avoir été officiellement nommé « inférieur à R. Méir ») qu’il se contente du fait que D.ieu et R. Akiva connaissent sa grandeur qui, bien qu’inférieure à celle de R. Méir, était tout de même importante, alors que les autres ne le sauront pas puisqu’il n’a pas été nommé « en tête », les gens vont donc le considérer comme un p’tit rabbin de seconde division, alors qu’en réalité il avait le niveau de la première division et son déclassement n’est justifié que par rapport à R. Méir qui était spécialement fort.
Autrement dit, dans une autre promotion, tu serais sorti major.

Concrètement, sur le plan des décisions Halakhiques, R. Shimon n’était pas souvent suivi, on lui préférait les autres rabbanim de la génération.
On voit même que la Gmara (Erouvin 46b) en arrive à établir des règles pour trancher la loi dans les cas de discussions et désaccords rabbiniques, ces règles indiquent qu’en cas de désaccord entre R. Shimon et R. Yehouda, la halakha sera à retenir comme R. Yehouda.
Idem en cas de désaccord entre R. Shimon et R. Yossi, la halakha sera à retenir comme R. Yossi…
Bref, R. Shimon n’a pas la côte.

Citation:
- Rabbi Méir me fait penser à l'école de "Kotsk" ou à R.G.Nadel: liberté de penser et originalité, non-conformisme, recherche de la vérité chez qui la détient etc... et universalisme.

Le parallèle entre R. Méir et R. Guedalia Nadel se justifie surtout pour ce que dit le Talmud Erouvin (13b et 53a) que ses contemporains et collègues n’arrivaient pas (toujours) à comprendre son intelligence שלא יכלו חביריו לעמוד על סוף דעתו

D’autres rabbins aussi ont été de grands incompris, mais pas nécessairement en raison de leur intelligence trop puissante.

Par exemple Rav Kook aussi était en marge de la société des rabbanim en cela qu’il n’était pas (toujours) compris de ses pairs.
Mais pas parce qu’il aurait été « trop » intelligent, c’est plutôt parce qu’il était « trop » idéaliste et rêveur.
(NB : j’utilise le terme « trop » dans le sens que lui donne la langue française, pas dans celui que lui donnent les jeunes de moins de trente ans en France.)

Rav Kook était trop idéaliste, au point de se déconnecter de la réalité.

Le comble c’est que sa motivation était justement au contraire de rattacher la Torah spirituelle à la réalité du monde (voir ce qu’il écrit dans ‘Hadarav -2008 p.126), mais en cela, il semble avoir opéré assez souvent l’inverse.

Ses réflexions et pensées étaient trop « naïvement poétiques » et détachées de la réalité du terrain.

Il en était (relativement) conscient et se justifie en écrivant que des rêveries aussi peuvent apporter du positif -si elles tendent à la Kdousha et au moussar… (cf. ‘Hadarav p.114) même lorsqu’elles sont exprimées de manière poétique avec des exagérations גוזמאות והפלגות (cf. ‘Hadarav p.115).

Ce n’est pas du tout le problème de Rabbi Méir et de Rabbi Guedalia Nadel qui n’étaient pas poétiques pour un sou, mais le résultat s’en rapproche, les autres Poskim de la génération, tout en les respectant, ne tranche pas la Halakha selon leur opinion.

[Précision pour ceux qui ne savent pas toute mon admiration pour le Rav Kook: c'était un Gaon extraordinaire, qui avait une compréhension très large et authentique de la Torah et qui arrivait à l'inscrire dans le Olam Hazé.
Le fait que je puisse souligner un point de critique n'en fait pas un "vaurien" (h"v), d'autant qu'il souligne lui-même ce point en auto-critique.
Il reste à mes yeux un Tsadik hors norme et un Talmid 'Hakham extraordinaire, même si d'autres géants de la Torah se sont opposés à ses Shitot, les désaccords et ma'hlokot ne sont pas nouveaux dans le judaïsme.]

Citation:
- Rachbi me fait penser aux "kabbalistes" ou à R.N. de Breslav ( mystérieux, proximité avec le divin, reclus, taciturne ) et élitiste.


Rashbi donne cette image en raison des très (et même trop) nombreux kabbalistes de notre génération qui l’utilisent à cette fin, mais à partir du Talmud on ne voit pas vraiment un Rashbi si mystique, ni mystérieux, et sa vie ne ressemble pas à celle de R. Na’hman de Breslev que vous citez en exemple.

Rashbi a été reclus durant 13 ans, malgré lui, car les romains voulaient le tuer.

C’est vrai qu’un « confinement » de 13 ans, ça marque, mais pas forcément pour en faire un taciturne ni un farfelu (oui, Rabbi Na’hman -tout en étant un grand Tsadik- était un rav farfelu/bizarre et vivait en contradiction avec la majorité des rabbins de son époque. En cela, il serait plus à comparer -au contraire- avec rabbi Méir l’incompris…).
[Là aussi, je précise qu'il s'agit d'un très grand Tsadik, ce n'est pas contradictoire...]

Mais je vous suis pour le dernier mot que vous écrivez : « élitiste ».
Comme on le voit dans Brakhot (35b) et dans Shabbat (33b).

Par contre, l’opposé que vous avez appelé « universaliste » pour définir R. Méir est plutôt à attribuer à R. Yishmael qui s’oppose en cela à Rashbi (Brakhot 35b).

L’aspect mystique attribué à Rashbi est surtout souligné dans le Zohar.
Dans le Talmud, on ne le retrouve pas vraiment.

Bref, je ne vois pas vraiment deux opposés très nets.
Ils sont différents mais pas forcément à l’extrême (et il y a parfois d’autres rabbins du Talmud qui seraient de meilleurs exemples pour représenter l’antithèse de Rashbi).


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Mar 07 Juin 2022, 21:26; édité 1 fois
RHY
Messages: 140
Merci pour votre réponse!

- Effectivement les dires de Rabbi Akiva dans T.Y. Sanedrin sont sujets à interprétation, c'est pourquoi je disais précisément qu'on y trouvait "éventuellement" la résolution.

- Bien vu pour l'opposition entre R.Chimon et R.Ichmael, je me l'étais dit concernant ce dernier et R.Akiva.

- Universaliste pour R.Méir: je pensais plutôt, par exemple, à Avoda Zara 3a début de page, ce qui semble l'opposer à Rabbi Chimon dans Yébamot 61, comme le fait déjà remarquer le Tosfot Ri"d.
Je me suis sans doute mal exprimé, mais c'était plutôt en ce sens, càd ouvert et partisan du mérite ainsi que de la vérité au dessus des "clans".
Peut-être de par son origine de Guer ?

- Concernant Rashbi et R.N.d.B. la comparaison sera-t-elle possible concernant leur propension commune à l'infatuation ( ce n'est bien sûr pas une critique dans ma bouche - je n'oserai pas - mais un simple constat ).

- Concernant Rashbi et les "kabbalistes": je pensais aux nombreux miracles qu'on rapporte à son sujet, parfois à consonnance "kabbalistique" ( TB Méïla 17 par exemple ), même s'il est vrai qu'on retrouve des miracles au nom de R.Méïr ( Avoda Zara 18 ), mais ça reste moins courant et moins "mystique" que son collègue.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Citation:
- Effectivement les dires de Rabbi Akiva dans T.Y. Sanedrin sont sujets à interprétation, c'est pourquoi je disais précisément qu'on y trouvait "éventuellement" la résolution.

- Bien vu pour l'opposition entre R.Chimon et R.Ichmael, je me l'étais dit concernant ce dernier et R.Akiva.

- Universaliste pour R.Méir: je pensais plutôt, par exemple, à Avoda Zara 3a début de page, ce qui semble l'opposer à Rabbi Chimon dans Yébamot 61, comme le fait déjà remarquer le Tosfot Ri"d.
Je me suis sans doute mal exprimé, mais c'était plutôt en ce sens, càd ouvert et partisan du mérite ainsi que de la vérité au dessus des "clans".
Peut-être de par son origine de Guer ?

- Concernant Rashbi et R.N.d.B. la comparaison sera-t-elle possible concernant leur propension commune à l'infatuation ( ce n'est bien sûr pas une critique dans ma bouche - je n'oserai pas - mais un simple constat ).

- Concernant Rashbi et les "kabbalistes": je pensais aux nombreux miracles qu'on rapporte à son sujet, parfois à consonnance "kabbalistique" ( TB Méïla 17 par exemple ), même s'il est vrai qu'on retrouve des miracles au nom de R.Méïr ( Avoda Zara 18 ), mais ça reste moins courant et moins "mystique" que son collègue.


Je ne trouve pas que Rashbi dénote à ce point de ses pairs concernant l'infatuation, d’autres rabbins du Talmud présentent aussi des aspects comparables.

Tout ce que nous avons sur Rashbi c’est la Gmara Souka daf 45 où il s’autoproclame Ben Aliya ? Il y a aussi des rabbins qui s’autoproclament modestes (en fin de Sotah)…
C’est vrai que ça peut étonner mais chez R. Na’hman de Breslev, c’est -je trouve- un élément plus conséquent de sa personnalité, ça revient souvent et sous différentes coutures.
C’est un aspect majeur qui revient plusieurs fois dans le discours de R. Na’hman de Breslev, alors qu’il semble n’être qu’un « détail » dans celui de Rashbi.

Et pour ce qui est des miracles de Rashbi, vous citez Méila daf 17, mais justement là-bas nous avons un aveu de Rashbi qui se lamente de n’avoir jamais rencontré d’anges, à la différence de Hagar (alors que dans le Zohar, il semble plutôt très proche d’Eliahou Hanavi…).

Mais comme vous le dites déjà vous-même, on trouve aussi des miracles au sujet d’autres rabbins du Talmud, et ils le « dépassent » de loin en la matière.
'HozerImSheelot
Messages: 82
Je vous cite:
"Par exemple Rav Kook aussi était en marge de la société des rabbanim en cela qu’il n’était pas (toujours) compris de ses pairs.
Mais pas parce qu’il aurait été « trop » intelligent, c’est plutôt parce qu’il était « trop » idéaliste et rêveur.
(NB : j’utilise le terme « trop » dans le sens que lui donne la langue française, pas dans celui que lui donnent les jeunes de moins de trente ans en France.)
Rav Kook était trop idéaliste, au point de se déconnecter de la réalité.
Le comble c’est que sa motivation était justement au contraire de rattacher la Torah spirituelle à la réalité du monde (voir ce qu’il écrit dans ‘Hadarav -2008 p.126), mais en cela, il semble avoir opéré assez souvent l’inverse.
Ses réflexions et pensées étaient trop « naïvement poétiques » et détachées de la réalité du terrain.
Il en était (relativement) conscient et se justifie en écrivant que des rêveries aussi peuvent apporter du positif -si elles tendent à la Kdousha et au moussar… (cf. ‘Hadarav p.114) même lorsqu’elles sont exprimées de manière poétique avec des exagérations גוזמאות והפלגות (cf. ‘Hadarav p.115)."

Premièrement, j'aimerais bien que vous étayiez un peu plus (avant d'appeler le Rav Kook un idéaliste, déconnecté de la réalité, etc. il faut le démontrer).
Deuxièmement, je me demande si vous vous permettez de dire cela au sujet d'autres gdolim (en dehors du père Zinger, qui était, lui, vraiment déconnecté de la réalité de son temps et n'était pas de toute façon de la même envergure que le Rav Kook).
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Citation:
Premièrement, j'aimerais bien que vous étayiez un peu plus (avant d'appeler le Rav Kook un idéaliste, déconnecté de la réalité, etc. il faut le démontrer).

Cher ami,
j’ai comme l’impression qu’au-delà du souhait exprimé, il y aurait surtout un reproche, mais bon, je me trompe peut-être.

J’ai écrit que le Rav Kook avait un côté idéaliste et rêveur et vous me demandez de le démontrer comme si c’était lui faire insulte, ou comme si c’était un secret, ou comme si j’étais le premier à l’écrire ou à le dire.

Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que c’était un fou qui aurait été totalement déconnecté de la réalité, si vous me relisez convenablement, vous vous en apercevrez assez facilement, mais vous êtes tout de même dérangé que je puisse écrire à son sujet le qualificatif d’idéaliste ou de rêveur.

Je pense que si je vous indique un grand Rav qui l’a écrit avant moi, cela vous apaisera, n’est-ce pas ?
Surtout si ce Rav est digne de respect à vos yeux ?
Et surtout s’il avait l’estime du Rav Kook en personne ?
Et surtout s’il est accepté et considéré comme un Gadol BeIsrael dans la totalité du monde Mizra’hi/sioniste religieux (en dépit de cette « critique » qu’il aurait émise/validée à propos du Rav Kook en le qualifiant d’idéaliste rêveur) ?

Bon, eh bien je vous dévoile l’identité de ce Tsadik que tous les sionistes religieux révèrent : c’est le Rav Kook en personne !

Il se trouve que je vous l’avais déjà plus ou moins indiqué mais n’avez peut-être pas tilté.
Effectivement, quand je cite plus haut « ‘Hadarav », il s’agit d’un manuscrit de Rav Kook, son carnet de bord, ou cahier intime, où il notait ses pensées et réflexions.
Ce sefer a été réédité une troisième fois en 2008, vous pourrez éventuellement encore le trouver en vente (d’occasion ou même neuf) assez facilement.

J’ai indiqué plus haut que Rav Kook écrivait sur lui-même qu’il était rêveur, vous citez vous-même ce passage de mon texte, je me cite :

« Il en était (relativement) conscient et se justifie en écrivant que des rêveries aussi peuvent apporter du positif -si elles tendent à la Kdousha et au moussar… (cf. ‘Hadarav p.114) même lorsqu’elles sont exprimées de manière poétique avec des exagérations גוזמאות והפלגות (cf. ‘Hadarav p.115). »

En lisant ce texte dans le Sefer, vous verrez que ses collègues lui reprochaient certains points de sa Hanhaga qu’ils qualifiaient de rêves (-pour être poli, sinon, l’expression utilisée est « Dvarim Dimyoniim », ce qui est un peu plus féroce).

Les Gdolei Israel le considéraient comme un Tsadik, mais ne le suivaient pas dans toutes ses idées car ils considéraient qu’il ne se rendait pas compte du gouffre entre lui et la réalité (sur certains points, encore une fois, il n’a jamais été question de lui conférer le statut d’un Shoté incapable de discernement, qu’on se comprenne bien).

Citation:
Deuxièmement, je me demande si vous vous permettez de dire cela au sujet d'autres gdolim (en dehors du père Zinger, qui était, lui, vraiment déconnecté de la réalité de son temps et n'était pas de toute façon de la même envergure que le Rav Kook).

Oui, bien sûr, il n’y a aucune raison de réserver un tel traitement de faveur exclusivement au Rav Kook.

Je peux vous le dire sur tout Rav sur lequel les Gdolei Israel ont dit qu’il avait un côté rêveur et idéaliste « poussé ».

Ils le disent sur Rav Kook, je le constate dans les Sfarim et c’est attesté par Rav Kook en personne, donc JE le dis aussi sur Rav Kook (avec son aval pour le coup).

Pour le Rav Zinger, le Megadim ‘Hadashim, vous estimez qu’il ne fait pas le poids face à Rav Kook, bon, disons (certains vous mettraient en ‘Hérem pour cela, mais peu importe, me concernant, je trouve que Rav Kook était tout de même plus puissant, donc je ne vais pas vous le reprocher), mais quel que soit le niveau du Talmid ‘Hakham, s’il a un côté rêveur, il l’a.
Ce n’est pas parce que Rav Zinger aurait été un Talmid ‘Hakham inférieur (/moins puissant) que l’on devrait le qualifier de rêveur, mais seulement parce qu’il l’était !

Rav Zinger avait lui aussi, effectivement, un côté un peu déconnecté de la réalité, c’est un point commun avec Rav Kook.

Tous deux étaient des Tsadikim et tous deux avaient un aspect un peu rêveur et idéaliste.

Vous souhaiteriez que je vous indique encore un Rav rêveur, mais comprenez que si cela vous apaiserait, cela ne manquerait pas d’offusquer autrui.

Imaginez que je dise par exemple que Rav Ovadia Yossef ou Rav BenTsion Aba Shaoul avait un aspect rêveur et déconnecté de la réalité, ou que je le dise de manière générale sur les rabbanim Sfarades qui sont arrivés en Israël en provenance de leur pays d’origine et n’ont pas vraiment compris ce qui se passait dans la tête des ashkenazim en Erets, vous pensez que ça passerait ?
On m’en ferait le procès, on me dirait que c’est un manque de respect envers Rav untel ou Rav untel.

Idem si je le dis sur un Rabbi d’une ‘Hassidout connue, je vais avoir tous ses fidèles sur la tête.

Pareil si c’est un Rosh Yeshiva Ashkenaz classique yeshivish Litvak, il y aura levée de boucliers de tous ses élèves.

En fait, si je le dis sur un Rav Sfarade, on va m’accuser de racisme et que je mépriserais les rabbanim sfarades etc., maintenant que je l’ai dit sur un rav Ashkenaz (Rav Kook), on m’en veut et me soupçonne de le dire sur lui car il était sioniste, et quand je l’ai dit sur un Rav Ashkenaz, ‘hassidique (Rav Zinger) (-ce qui devrait théoriquement contredire les thèses complotistes selon lesquelles j’en voudrais aux Sfaradim ou aux sionistes), on me dit qu’il n’était pas d’envergure et grosso modo sans importance (‘Has veshalom).

Bref, quoi que je dise, ça déplait toujours à quelqu’un.

Il faut relativiser ; on peut être fan de Rav Kook et reconnaitre qu’il avait un côté rêveur et idéaliste et parfois déconnecté de certaines réalités.

Personnellement, c’est mon cas : je suis fan de Rav Kook et je trouve malgré tout qu’il avait ce côté rêveur et déconnecté (et Rav Kook me donne raison !).

Ça ne veut pas dire qu’il était méchant, ou inintéressant ou qu’il ne comportait pas de bien, si c’était le cas je n’étudierais pas ses Sfarim (et ne pourrais pas vous indiquer ce qu’il a écrit dans ‘Hadarav).

Que voulez-vous que je vous dise ? Que le Rabbi de Loubavitch était déconnecté ? Rav Shakh ? le Satmer Rouv ? Rav Shlomo Amar ? Rav David Yossef ? C’est absurde, ces rabbins n’étaient/ne sont pas déconnectés des réalités du monde, je n’y peux rien.
Vous pouvez ne pas les aimer, mais il est difficile de voir en eux des personnes « déconnectées » comme le Rav Kook ou le Rav Zinger l’étaient.

Comme je me demande si vous avez bien lu cette partie de mon texte plus haut, je le répète ici :
« Précision pour ceux qui ne savent pas toute mon admiration pour le Rav Kook: c'était un Gaon extraordinaire, qui avait une compréhension très large et authentique de la Torah et qui arrivait à l'inscrire dans le Olam Hazé.
Le fait que je puisse souligner un point de critique n'en fait pas un "vaurien" (h"v), d'autant qu'il souligne lui-même ce point en auto-critique.
Il reste à mes yeux un Tsadik hors norme et un Talmid 'Hakham extraordinaire, même si d'autres géants de la Torah se sont opposés à ses Shitot, les désaccords et ma'hlokot ne sont pas nouveaux dans le judaïsme. »
'HozerImSheelot
Messages: 82
Merci pour votre réponse.

Je ne parviens toujours pas à comprendre ce qui fait du rav Kook un rêveur déconnecté de la réalité d’une part et le rav Shah et le Satmar rebbe des exemples du contraire.
Le fait que le Rav s’est qualifié lui-même de rêveur n’est pas d’une grande aide.

Et puis ma critique omedet beinah. Ce n’est pas parce qu’un rabbin se dénigre (et c’est récurrent chez nous ; « des plus grands que moi… », « anokhi hakatan » etc.) qu’il faut le faire également. Le fait est que vous avez une facilité à critiquer les rabbins Kook et les religieux sionistes (que vous n’avez pas envers les autres).
aralé
Messages: 143
Kvod Harav,

J'adhère à la différence que vous faites entre Rabanim réalistes et rêveurs. Mais ne peut-on pas dire qu'il y plusieurs types de rêveurs ? Je pense à celui qui est visionnaire, qui apparait comme comme un doux rêveur et dont les événements finissent par lui donner raison.

Je n'ai pas d'exemples rabbiniques, mais j'en ai un chez les écrivains français. Au milieu du 19ème siècles des écrivains français faisaient le voyage en terre sainte.

Flaubert, le pas du tout rêveur écrit, vers 1850:

"Jérusalem est un charnier entouré de murailles. Tout y pourrit, les chiens morts dans les rues, les religions dans les églises. Il y a quantité de merdes et de ruines. Le juif polonais avec son bonnet de renard glisse en silence le long des murs délabrés, à l'ombre desquels le soldat turc engourdi roule, tout en fumant, son chapelet musulman. Les Arméniens maudissent les Grecs, lesquels détestent les Latins, qui excommunient les Coptes. Tout cela est encore plus triste que grotesque. Ça peut bien être plus grotesque que triste."

Lamartine poète rêveur / visionnaire écrit en 1861:
"un tel pays, repeuplé d'une nation neuve et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes, fécondé par un soleil du tropique, produisant de lui même
toutes les pantes … un tel pays , dis-je, serait encore la terre de promission aujourd'hui, si la Providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté"

On a le sentiment que Lamartine, le rêveur, a mieux senti les choses (et leur potentiel) que Flaubert, le réaliste.

Je ne connais pas les textes du Rav Kook. Mais le fait qu'il s'installe en Israël au début des années 1900 alors qu'une partie infinitésimal du peuple juif y réside, me laisse penser qu'une partie de son coté rêveur peut être qualifié de visionnaire.

Il est difficile d'adhérer aux rêveurs léhatlila , mais bédihavad s'il s'avère qu'ils ont raison, signalons le.

Toujours un enseignement de vous lire.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
A Aralé :

Citation:
J'adhère à la différence que vous faites entre Rabanim réalistes et rêveurs. Mais ne peut-on pas dire qu'il y plusieurs types de rêveurs ? Je pense à celui qui est visionnaire, qui apparait comme comme un doux rêveur et dont les événements finissent par lui donner raison.
Je n'ai pas d'exemples rabbiniques, mais j'en ai un chez les écrivains français. Au milieu du 19ème siècles des écrivains français faisaient le voyage en terre sainte.
Flaubert, le pas du tout rêveur écrit, vers 1850:
"Jérusalem est un charnier entouré de murailles. Tout y pourrit, les chiens morts dans les rues, les religions dans les églises. Il y a quantité de merdes et de ruines. Le juif polonais avec son bonnet de renard glisse en silence le long des murs délabrés, à l'ombre desquels le soldat turc engourdi roule, tout en fumant, son chapelet musulman. Les Arméniens maudissent les Grecs, lesquels détestent les Latins, qui excommunient les Coptes. Tout cela est encore plus triste que grotesque. Ça peut bien être plus grotesque que triste."
Lamartine poète rêveur / visionnaire écrit en 1861:
"un tel pays, repeuplé d'une nation neuve et juive, cultivé et arrosé par des mains intelligentes, fécondé par un soleil du tropique, produisant de lui même
toutes les pantes … un tel pays , dis-je, serait encore la terre de promission aujourd'hui, si la Providence lui rendait un peuple, et la politique du repos et de la liberté"
On a le sentiment que Lamartine, le rêveur, a mieux senti les choses (et leur potentiel) que Flaubert, le réaliste.
Je ne connais pas les textes du Rav Kook. Mais le fait qu'il s'installe en Israël au début des années 1900 alors qu'une partie infinitésimal du peuple juif y réside, me laisse penser qu'une partie de son coté rêveur peut être qualifié de visionnaire.
Il est difficile d'adhérer aux rêveurs léhatlila , mais bédihavad s'il s'avère qu'ils ont raison, signalons le.
Toujours un enseignement de vous lire.


Il faut distinguer le simple rêveur idéaliste, du rêveur idéaliste déconnecté.

Rav Kook était idéaliste, comme d’autres rabanim de cette époque, et ils ont eu (partiellement) raison.
Mais là nous parlons de son aspect déconnecté, le fait qu’il ne se rende pas toujours compte convenablement de la réalité des gens.
Il avait un côté un peu trop Tsadik spirituel au point de ne pas pouvoir imaginer ni voir le mal là où il est.

Après, son côté idéaliste est assurément une force positive. L’aspect négatif qu’elle comporte c’est qu’elle est assortie de cet aspect « déconnecté », ce qui n’a pas manqué de jouer contre sa propre volonté et ses rêves.

L’exemple des deux auteurs que vous citez est effectivement interpellant, mais pas à propos.
Car ces juifs polonais au bonnet de renard qui glissent en silence le long des murs délabrés, étaient là (en Israël) AVANT Rav Kook, et avaient eux aussi cet espoir et ce rêve de la Terre sainte, pourtant il se sont très fermement opposés aux méthodes de Rav Kook.

Vous soulignez l’espoir rêveur de Rav Kook qui s’installe en Israël à une époque où seule une partie infinitésimale du peuple juif y réside, mais justement, cette partie du peuple qui l’a devancé, était très opposée à ses conceptions, essentiellement pour la place qu’elles faisaient aux juifs anti-Torah.

Ce que je veux dire c’est que l’aspect rêveur et plein d’espoir du Rav Kook n’est pas fondamentalement le problème, il se trouve plutôt dans sa MANIERE d’être rêveur, avec une dose de Tsidkout naïve.

D’autres que lui ont aussi adhéré à son rêve et ont espéré comme lui, mais ils trouvaient qu’il y avait certaines limites à ne pas dépasser. L’exemple du Rav Yossef Messas (dont je parle, je crois, ici : https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=47154#47154 ) l’illustre bien.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
A 'HozerImSheelot:

Citation:
Merci pour votre réponse.

You're welcome.

Citation:
Je ne parviens toujours pas à comprendre ce qui fait du rav Kook un rêveur déconnecté de la réalité d’une part et le rav Shah et le Satmar rebbe des exemples du contraire.

Peut-être que si vous les aviez connus de plus près, ou que si vous aviez beaucoup lu à leur sujet, vous comprendriez mieux ce que je veux dire.
En tout cas, vous constateriez que c’est l’opinion qu’avaient les grands Rabanim de ces Rabanim.

Citation:
Le fait que le Rav s’est qualifié lui-même de rêveur n’est pas d’une grande aide.
Et puis ma critique omedet beinah. Ce n’est pas parce qu’un rabbin se dénigre (et c’est récurrent chez nous ; « des plus grands que moi… », « anokhi hakatan » etc.) qu’il faut le faire également.


Bien sûr, vous avez raison, mais ici il ne s’agit pas d’une marque de Anava.
C’est le cas lorsqu’un Rav se définit plus petit, effectivement, mais à condition que ce ne soit pas l’opinion unanime des autres rabanim.
Je veux dire que si tous les rabanim disent d’un rav qu’il a tel point négatif ou tel défaut ou telle petitesse, et que ledit Rav le reconnait, il est absurde de dire que c’est à mettre sur le compte de sa Anava et qu’en fait il ne serait pas concerné par ce « point négatif ».
De nombreux rabanim nous le confirment et il le reconnait, c’est suffisant pour y croire.

Mais je ne cherche pas à vous convaincre que le Rav Kook avait un côté rêveur idéaliste, si vous voulez penser qu’il était parfaitement en adéquation avec la réalité du terrain, libre à vous, je ne fais que dire que ce que j’ai dit est attesté par de nombreux rabanim, dont Rav Kook.

Citation:
Le fait est que vous avez une facilité à critiquer les rabbins Kook et les religieux sionistes (que vous n’avez pas envers les autres).

Ah bon?
Si vous le dites.
A ma connaissance j’ai la même facilité à analyser et formuler des critiques constructives sur tous les rabanim, de tous bords.

Vous estimez que je ne suis capable de critiquer QUE Rav Kook, et pourtant d’autres que vous estiment que je ne suis capable de critiquer QUE les Sfaradim, ou QUE les ‘Hassidim, ou QUE les kabbalistes, ou que…
(en cherchant sur ce site, vous verrez des internautes qui sont persuadés que je critique que les 'hassidim ou que les 'Habad ou que les Sfaradim, etc. comme vous imaginez que je ne critiquerais que les sionistes.)

Bref, chacun ne voit pas plus loin que le bout de son nez pour m’accuser d’avoir une dent contre les rabbins de son « obédience » préférée.
J’ai beau écrire que je suis un fan de Rav Kook, vous pensez que je le juge négativement par principe.

Je suis aussi en admiration devant Rav Kanievsky, mais cela ne m’empêche pas d’analyser et écrire des critiques sur ses opinions.
Pourtant, ce n’est ni un « Mizra’histe », ni un Sfarade, ni un ‘Habad…

Idem pour le ‘Hazon Ish, le Brisker Rov, Rav Shakh… J’analyse aussi ce qu’ont écrit Rav Yossef Messas (Sfarade certes, mais dont je suis un très grand fan), Rav Reouven Margulies (sioniste certes, mais dont je suis un très grand fan), etc.

Je crois plutôt que le fond du problème est l’incapacité de certains d’apprécier un Rav sans être aveuglé (= incapable de lui reconnaitre des points faibles).
Donc dès que j’émets une critique constructive sur un Rav, un fan dudit Rav est persuadé que j’agis contre lui avec deux poids et deux mesures.

Vous m'avez déjà demandé/reproché (plus haut) ma (prétendue) partialité à l'encontre de Rav Kook, je vous ai dit que ce n'était pas le cas et que c’était faux. Vous me dites à présent que vous ne me croyez pas. Bon, qu’y puis-je ?

Peut-être qu'un jour votre jugement évoluera et vous verrez et comprendrez que je ne critique pas Rav Kook PARCE QU'il était sioniste.
Je souhaite que ce soit aussi le cas de ceux qui s'imaginent que je critique Rav Ovadia Yossef parce qu'il est sfarade, ou le Rabbi de Loubavitch parce qu'il est 'Habad, ou je ne sais quelles autres sornettes.
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