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Bases de la Halacha et mahloket Gmara vs Midrach

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aralé
Messages: 147
Kvod Harav Wattenberg,

Si j'ai bien compris la Halacha repose sur la guémara et sur les midrachim halachique (Méhilta, Sifra, Sifré).

Comment ces 2 sources se coordonnent ? Sont-elles en phase et complémentaires, et donc pas de problème. Ou y a-t-il des divergences, contradictions, etc. Et dans ce cas comment procède-t-on ? Qui a la préséance ?

Merci d'avance et pour toutes vos réponses très instructives et dont on devine la quantité de travail qu'elles exigent.

Cordial Shalom
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Ces deux sources sont complémentaires, mais peuvent aussi parfois se contredire.
Dans ce cas, c'est le Gmara qui a la préséance.

Mais vous auriez pu élargir la question en considérant les deux Talmuds.
Le Talmud de Babylone contredit parfois celui de Jérusalem.

Si chacun des deux a la préséance sur les Midrashim, lorsque la divergence se retrouve entre les deux Talmuds, c'est celui de Babylone qui l'emporte.

On considère qu'étant rédigé APRES celui (dit) de Jérusalem, les auteurs du Shas Bavli (=de Babylone) étaient informés du contenu du Yeroushalmi (=de Jérusalem) et leur avis (final) tient compte des informations se trouvant dans le Yeroushalmi. (leur désaccord a donc plus de valeur).
Cf. Rif cité dans Yad Malakhi, klalei hatalmoudim (§2), Sdei 'Hemed tome IX, Klalei Haposkim (II, 1).

D'aucuns expliquent que le Yeroushalmi ayant été rédigé dans la précipitation en raison des persécutions et interdictions (par les autorités non-juives) d'étudier la Torah, ses auteurs n'ont pas pu se permettre d'approfondir la loi aussi convenablement et profondément que leurs collègues de Babylone.
(Cf. réponse de Rav Hay Gaon citée dans Sefer Haeshkol, hil. Sefer Torah, II -cité dans 'Homat Yeroushalyim, Shaar I -au début)

Une autre idée avancée (Cf. 'Homat Yeroushalyim, Shaar I) est que les Savoraïm, les Gueonim et les Rishonim ont vérifié et corrigé le texte du Bavli durant des siècles (un millénaire), ce qui n'est pas le cas du Yeroushalmi.
Nous constatons bien que le texte du Yeroushalmi est truffé d'erreurs de copistes et nécessite une grande précaution avant d'en tirer des conclusions.
Cf. Rashba (Meyou'hassot laramban, §96), Shout 'Havot Yaïr (§23) et Shaagat Arié cité dans le Shout Beth Ephraïm (Margolies - Even Haezer §42)

[Je ne peux m'empêcher de féliciter ici le travail des éditeurs de ce début de XXIème siècle qui ont travaillé sur le Shas Yeroushalmi pour lui rendre -enfin- sa splendeur d'antan.
Je pense en particulier à l'édition Darkei Sim'ha, des 'hassidim de Gur, édition savante (lancée sous l'impulsion de feu leur Rabbi) comportant outre un Piroush simple de type de Rashi, plusieurs avantages dont un sefer Hamaftéa'h des Rishonim et A'haronim se référant ou expliquant tel ou tel passage du Yeroushalmi.
Cette édition n'est pas terminée, c'est un travail de dizaines d'années et heureux ceux qui ont eu la sagesse de s'associer financièrement à ce projet ou au moins d'y participer. ]


Un autre avantage du Bavli est qu'il est bien plus explicite et précis que le Yeroushalmi qui n'entre pas souvent dans les détails trop subtils.
(Hakdama du Sefer Ha'hinoukh)

J'ai encore une explication personnelle sur ce sujet (la préséance du Bavli), mais comme je ne l'ai jamais rencontrée dans les sfarim et que votre question ne portait pas sur le Yeroushalmi, on va s'en passer pour le moment.

Pour ce qui est des Midrashim, certains des arguments cités au sujet du Yeroushalmi sont aussi applicables:
Leur texte n'a pas été vérifié comme celui du Bavli, il n'entre pas dans les détails comme le Bavli et il est antérieur à la rédaction du Bavli qui tient compte de ces Midrashim (et donc s'il s'y oppose, c'est en connaissance de cause).
joël
Messages: 264
Shalom Rav,
Bien que Aralé n'ait pas posé la question sur le Yeroushalmi et ses différences avec le Bavli, c'est moi qui le fait ;-). D'autant que vous nous avez mis l'eau à la bouche en écrivant que vous avez une explication personnelle. Aussi :

Quelle est votre explication personnelle sur la préséance du Bavli sur le Yeroushalmi ?

Merci pour le temps que vous nous consacrez.

Joël
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Demandé si gentiment, c’est difficile de refuser :)

ça n'a rien d'extraordinaire mais c'est loin d'être "simple".

Brièvement, l'idée est que le Yeroushalmi est l'oeuvre de Rabbi Yo'hanan.
Or, ce rabbin -bien que brillant, est considéré d'un niveau inférieur à certains autres de ses contemporains, comme Ilfa (cf. Taanit daf 21a) et surtout Rav Kahana (cf. Baba Kama daf 117b).
Ce dernier était élève de Rav et a été contraint de fuir Bavel, il fit sa "Aliya" et s'inscrivit à la Yeshiva de Rabbi Yo'hanan. Mais dès son arrivée, il était d'un niveau nettement supérieur à l'ensemble de la Yeshiva et dépassait même le maître.

Ceci en étant de niveau inférieur à Rav son maître babylonien.
Ce qui laisse comprendre que la Yeshiva de Rav était d'un bien meilleur niveau que celle de Rabbi Yo'hanan...

Comme Rabbi Yo'hanan est tenu pour le compilateur/rédacteur du Yeroushalmi, on peut lui supposer une puissance inférieure à celle du Bavli qui est parsemé des enseignements de Rav, de Shmouel (=quasi-équivalent de Rav) et de leurs élèves -et élèves d'élèves.

Cette preuve reste très discutable et mérite d'être plus détaillée.
Il y a notamment une règle dans le Shas Bavli qui donne (généralement) la préférence en matière de Halakha à l'avis de Rabbi Yo'hanan sur celui de Rav (Betsa 4a) ou celui de Shmouel (Erouvin 47b et Rosh Baba Kama §X, 33), s'il était de niveau moindre, cela ne serait pas justifié...

Il semble donc y avoir contradiction entre ces textes de Gmara, mais il faut comprendre que la Halakha n'est pas nécessairement fixée comme le plus puissant en Limoud.

Déjà le rav Bakhrakh dans son Shout 'Havot Yaïr (§94) s'interroge sur cette règle qui fixe la Halakha comme R. Yo'hanan à l'encontre de Rav (sauf dans 3 cas), alors que R. Yo'hanan reconnaissait lui-même son infériorité face à Rav dans 'Houlin (95b), de plus, Rav est considéré apte à s'opposer aux Tanaïm, privilège qui n'est pas accordé à R. Yo'hanan (je crois avoir déjà prouvé dans un shiour que ce le Sefer Kritout écrit de contradictoire à ce sujet est une erreur de copiste).

Le rav Bakhrakh s'étonne aussi de la seconde règle donnant l'avantage à R. Yo'hanan sur Shmouel, car nous trouvons dans 'Houlin (95b et 137b) qu'il lui était inférieur.

D'autres auteurs ont aussi souligné cette incohérence apparente et ont proposé des explications, voyez le Migdal Oz (Hil. Shabbat §XVII, 13) et le Yad Malakhi (§556).

Mais nous entrons-là dans une souguia complexe des Klalei Hashas que je ne me vois pas aborder en ligne.

Je me contente donc juste de présenter la base de l'idée, même s'il y a encore beaucoup à dire et à redire ainsi qu'à définir et délimiter.
joël
Messages: 264
Shalom,
Au sujet de la capacité de Rav de s'opposer aux tanaïm, n'est ce pas parce qu'il est considéré comme un "quasi Tana", titre auquel Rabbi Yo'hanan ne peut prétendre car issu d'une génération postérieure à celle de Rav? CF. R. D Weiss Halivini dans "La justification de la loi" page 192 et 193 et la note 11 associée - pour ce qui concerne Rav.

D'autre part, le fait que R. Yo'hanan dise que son niveau est inférieur à celui de Rav, n'est-ce pas normal qu'un élève dise cela vis à vis de son maitre (humilité de l'élève vis à vis du maitre), et donc ce n'est pas concluant.

Merci pour le temps que vous consacrez.

Joël
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Citation:
la capacité de Rav de s'opposer aux tanaïm, n'est ce pas parce qu'il est considéré comme un "quasi Tana", titre auquel Rabbi Yo'hanan ne peut prétendre car issu d'une génération postérieure à celle de Rav?

Précisément, voilà qui vient renforcer notre questionnement : comment Rav qui est un quasi-Tana ne remporte-t-il pas un combat halakhique contre R. Yo’hanan (pourtant « purement » Amora) ?


Citation:
D'autre part, le fait que R. Yo'hanan dise que son niveau est inférieur à celui de Rav, n'est-ce pas normal qu'un élève dise cela vis à vis de son maitre (humilité de l'élève vis à vis du maitre), et donc ce n'est pas concluant.

Rav n’était pas le maître de R. Yo’hanan, ce dernier a eu de nombreux maîtres, mais Rav ne figure pas dans la liste.
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