1. Un certain décisionnaire a prétendu que l'interdit de prendre des médicaments pendant Chabbat de peur qu'on vienne à broyer des plantes médicinales ne s'applique plus aujourd'hui.
Cependant, cette position n'a pas été retenue par les autres décisionnaires ; sauf lorsqu'il y a d'autres raisons pour autoriser un certain traitement, ou dans ce cas, ils rallient cet argument à d'autres.
2. De manière générale, on ne permet pas de prendre un médicament contre la toux pendant Chabbat, à moins qu'il s'agisse d'une toux importante qui entraine une sensation de faiblesse physique généralisée.
En revanche, en cas de difficultés respiratoires, généralement on permet de prendre un médicament, sauf dans le cas où l'on sait par expérience qu'elles n'ont pas tendance à s'aggraver et qu'elles n'entrainent pas de sensation de grande faiblesse.
3. Les sépharades dans tous les cas ont le droit de prendre traitement pour prévenir une réaction allergique.
En revanche, pour les ashkénazes, cela dépend du degré de gravité de la réaction allergique.
Si elle nous affaiblit fortement ou qu'elle entraine une crise d'asthme ou des difficultés respiratoires qui sont susceptibles de s'aggraver lorsqu'on ne prend pas de traitement, il est permis de prendre un médicament pour prévenir la survenue d'une réaction allergique.
En revanche, si cette réaction allergique habituellement ne nous affaiblit pas trop et que par expérience nous savons que les difficultés respiratoires qu'elle suscite n'ont pas tendance à s'aggraver, dans ce cas, a priori, il faut mélanger le médicament dans un aliment (par exemple le piler puis le mélanger dans du sucre en poudre) avant Chabbat.
Néanmoins, ceux qui prennent un médicament pour prévenir une réaction allergique sans l'avoir mélangé dans un aliment ont sur qui s'appuyer.
Sources et explications :
1. Les médicaments d'aujourd'hui
Rav
'Haïm Naéh dans son
Ktzot Hachoul'han (סי' קלד סק"ז אות ב) a prétendu que l'interdit de prendre des médicaments pendant Chabbat de peur qu'on vienne à broyer des plantes médicinales ne s'applique plus aujourd'hui où les médicaments sont issus de l'industrie pharmaceutique et que le commun des mortels ne sait pas les préparer de lui-même.
Cependant, les décisionnaires n'ont pas retenu l'opinion du
Ktzot Hachoul'han et considèrent que l'interdit de prendre des médicaments pendant Chabbat est encore en vigueur aujourd'hui.
Si ce n'est que dans certains cas ils rallient son opinion lorsqu'il existe d'autres raisons d'autoriser un certain traitement.
Par exemple, en ce qui concerne l'aspirine (ou autres antalgiques) les décisionnaires considèrent qu'il est permis d'en prendre uniquement lorsqu'on est alité ou très faible.
Mais Rav
Ovadia Yossef (חזון עובדיה ח"ג פט"ז ס"א) autorise dans un cas de grande souffrance à prendre de l'aspirine (ou autres antalgiques) en s'appuyant sur les propos du
Ktzot Hachoul'han.
Aussi, Rav
Itzhak Zilberstein (.חשוקי חמד בכורות מא) cite l'avis du
Ktzot Hachoul'han comme un des nombreux éléments qu'il rapporte pour autoriser l'administration de la ritaline à un enfant pendant Chabbat.
2. Prendre un médicament lors d'une crise allergique
Quelqu'un de malade qui est alité ou qui se sent très faible a le droit de prendre des médicaments pendant Chabbat, comme l'écrit le
Rama (סי' שכח סעיף לז).
Mais quelqu'un qui n'est pas alité ou très faible, en règle générale n'a pas le droit de prendre un médicament pour apaiser une douleur ou une gêne, comme l'écrit le
Choul'han Arou'h (סי' שכח סעיף א).
C'est pourquoi, de manière générale, on ne permet pas de prendre un médicament contre la toux pendant Chabbat, comme l'écrit le
Chemirat Chabbat Kehil'hata (פל"ד ס"י) a moins qu'il s'agisse d'une toux importante qui entraine une sensation de faiblesse physique généralisée.
En revanche, en cas de difficultés respiratoires, en règle générale on permet de prendre un médicament, car elles peuvent s'aggraver lorsqu'on ne prend pas de traitement.
C'est probablement la raison pour laquelle le
Steipler prenait un comprimé pendant Chabbat pour apaiser ses difficultés respiratoires lorsqu'il avait une bronchite aigüe, comme il est rapporté dans le livre
Or'hot Rabénou (ח"א עמ' קנז).
Cependant, si la réaction allergique n'entraine que des sifflements respiratoires qui nous n'affaiblissent pas trop, et que nous savons par expérience que ces difficultés respiratoires n'ont pas tendance à s'aggraver, dans ce cas, il est interdit de prendre un médicament pendant Chabbat, comme l'écrit le
Pisskei Techouvot (סי' שכח אות סח).
3. Prendre un médicament pour prévenir une réaction allergique
Prévenir une réaction allergique grave
Si la réaction allergique entraine un affaiblissement généralisé ou des difficultés respiratoires qui peuvent s'aggraver lorsqu'on ne prend pas de médicament, il est permis de prendre un traitement préventif.
En effet, quelqu'un qui est susceptible de tomber malade ou d'être très affaibli s'il ne prend pas de médicament, a le droit dès à présent de prendre ce médicament, comme l'affirment l'
Iglé Tal (טוחן סקנ"ב), l'
Igrot Moché (ח"ג סי' נג), Rav
Chlomo Zalman Auerbach (שמירת שבת כהלכתה פל"ד הע' עז), l'
Or Letzion (פל"ו ס"ט) et Rav
Nissim Karelitz (חוט שני ח"ד פפ"ט סקכ"ח).
Rav
Nissim Karelitz (שם) explique que puisque par expérience il sait que selon la situation où il se trouve, il va de manière certaine tomber malade ou être alité ou très faible, il est dès à présent considéré comme un
'holé ché'ein bo sakana (c’est-à-dire un malade qui n'est pas en danger mais qui est alité ou très affaibli) qui a le droit de prendre un médicament pendant Chabbat.
Prévenir une réaction allergique bénigne
La question de prendre un médicament pour prévenir la survenue d'une douleur ou d'une gêne a été traitée dans cette reponse :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=61245#61245
En bref, un sépharade a le droit prendre un traitement pour prévenir une douleur ou une gêne, du fait que le
Choul'han Arou'h (סי' שכח סעיף לז) est d'avis que quelqu'un en bonne santé qui ne sent aucune douleur a le droit de prendre des médicaments pendant Chabat.
En revanche, les décisionnaires ashkénazes sont discutés à ce sujet.
En effet, le
Maguen Avraham (שם סקמ"ג) écrit que même quelqu'un qui est en bonne santé n'a pas le droit de prendre des médicaments lorsqu'il les prend pour des raisons de santé.
D'un côté, Rav
Moché Feinstein (אגרות משה ח"ג סי' נד) comprend qu'il interdit uniquement à ceux qui ont une nature faible, mais quelqu'un qui est absolument en bonne santé a le droit de prendre des médicaments pour maintenir sa bonne santé, comme par exemple des vitamines.
Selon cet avis, a priori il serait permis de prendre un médicament pour anticiper une gêne.
Cependant, le
Pri Megadim (א"א סקמ"ט) comprend que le
Maguen Avraham interdit de prendre des médicaments même dans l'objectif de maintenir sa bonne santé pour ne pas devenir faible.
Aussi, le
Michna Broura (ס"ק קכ) retient l'opinion du
Maguen Avraham en expliquant qu'il est interdit de prendre des médicaments même dans l'objectif de prendre des forces.
Rav
Chlomo Zalman Auerbach (שמירת שבת כהלכתה פל"ד הע' פו), Rav
Elyachiv (שלמי יהודה פ"י הע' נא) et Rav
Nissim Karelitz (חוט שני ח"ד פפ"ט סק"ב) adoptent cette position en interdisant de prendre des vitamines pendant Chabbat.
Selon ces décisionnaires, il est interdit de prendre un médicament même lorsqu'on est en bonne santé et qu'on ne sent pas encore de douleur. Ce qui est a priori le cas lorsqu'on prend un traitement pour anticiper une gêne.
De plus, il ressort du
Cha'ar Hatzioun (סי' שכח ס"ק קד) qu'effectuer un traitement médical pour prévenir un mal est permis à condition que ce ne se soit pas un traitement médicamenteux.
Mélanger un médicament dans un aliment
Cette question a été traitée dans cette réponse :
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=61245#61245.
En bref, Rav
Chlomo Zalman Auerbach (שמירת שבת כהלכתה פל"ד הע' כד) déduit des propos du
Choul'han Arou'h (סי' שכח סעיף כא) que si avant Chabbat nous mélangeons un médicament dans une boisson ou dans un aliment (comme par exemple piler un comprimé puis le mélanger dans du sucre en poudre), il est permis de se l'administrer pendant Chabbat, à condition que notre entourage ne se rende pas compte que nous prenons un médicament.
Et c'est l'avis que retient le
Or'hot Chabbat (פ"כ סעיף קלא).
Certes, Rav
Elyachiv (שבות יצחק רפואה פי"ד אות ג סק"ב) et Rav
Nissim Karelitz (חוט שני ח"ד פפ"ט סקל"א) interdisent de prendre un médicament même s'il a été mélangé dans un aliment avant Chabbat.
Cependant, en ce qui concerne les vitamines et les comprimés dont le but est de faciliter le jeûne, ils admettent qu'il est permis de les prendre lorsqu'ils ont été mélangés avant Chabbat dans un aliment.
A priori, il en va de même pour les comprimés qui préviennent la survenue d'une crise allergique bénigne ou d'une autre gêne.