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Que penser de Guershom Scholem ?

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cheelnaute
Messages: 277
Depuis quelques temps je lis des choses sur cet auteur.
Est-il accepté par les gens "sérieux" du monde de la Torah ?
Ses thèses sur l'origine du Zohar, sur l'origine du peuple juif, du sionisme, étant régulièrement rapportées par les détracteurs d'Israël (au même titre que Shlomo Sand), je voulais savoir de quel crédit jouit il aux yeux d'un érudit qui connaît le sujet ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6341
Citation:
Que penser de guershon scholem ?
Depuis quelques temps je lis des choses sur cet auteur.
Est il accepté par les gens " sérieux " du monde de la torah ?
Ses thèses sur l'origine du Zohar, sur l'origine du peuple juif, du sionisme, étant régulièrement rapporté par les détracteurs d'Israël ( au même titre que shlomo sand ), je voulais savoir de quel crédit jouissait il aux yeux d'un érudit qui connaissait le sujet ?


Son prénom est Guershom (pour Gerhard), avec un M, et non Guershon avec un N. Je me suis permis de corriger ce point dans votre titre.

Son nom de famille (Scholem) vient du fait que son ancêtre, en 1812, n’avait pas compris ce que lui demandait l’employé de la mairie lorsqu’il lui demanda son nom ; c’était suite au décret imposant aux juifs d’avoir un patronyme immuable et héréditaire (voir dans mes notes sur ma biographie à paraître de Rav Baroukh Epstein), n’ayant pas compris le principe, il donna son prénom (Shalom) qui, en prononciation ashkenaze, donna Scholem (De Berlin à Jérusalem, 1984, p.24).

Vous écrivez :
Citation:
je voulais savoir de quel crédit jouissait il aux yeux d'un érudit qui connaissait le sujet


Dans ce cas, c’est à un érudit qu’il faut le demander.

Pour ma part, je ne sais pas grand-chose de G. Scholem, mais j’avais lu, il y a bien longtemps, des parties de quelques-uns de ses livres ainsi que son autobiographie (« Von Berlin nach Jerusalem », Frankfort 1977 et traduction française « De Berlin à Jérusalem », Paris 1984), je vais donc me baser sur ce que j’ai pu lire pour tenter de vous répondre.

Il n’est pas vraiment considéré dans le monde de la Torah, il était totalement laïc, déjà étant jeune, ses parents avaient abandonné toute Shmirat Hamitsvot, ils maintenaient encore les fêtes qui sont familiales et faisaient Kidoush, mais en transgressant tout ; à Pessa’h il y avait à table du ‘Hamets et de la Matsa et ils ne jeûnaient pas à Yom Kipour (De Berlin à Jérusalem, p.35), ils fêtaient Noël (p.59) et n’allumaient pas les bougies de ‘Hanouka (p.60).

A part son opposition aux Mitsvot, il semble ne pas avoir été tout à fait stable, les disputes incessantes avec son père (p.42, 129, 224) (ce dernier ne s’entendait pas non plus avec son propre père, tous deux qualifiés par Scholem de coléreux -p.30) y sont peut-être liées.
Lorsqu’il avait 19 ans, son père l’a même renvoyé de la maison et le lui a signifié par une lettre recommandée !! (p.131) (Quand on est allemand…)

Il n’avait pas trop de rapports avec ses frères (Reinhold et Erich) non plus, seulement avec un de ses frères, Werner (il lui dédie son autobiographie), à qui il attribue tout de même une « mobilité de caractère » qui était à l’origine de son opposition précoce à la maison familiale (p.63). C-à-d que ces deux-là avaient pour point commun leur guerre contre leurs parents.

Néanmoins, Guershom s’est aussi opposé à Werner qui était un fervent militant du Parti communiste (alors que Guershom s’est intéressé au sionisme). Ces deux frères, ainsi que leur père, semblent avoir été bien bizarres et avoir manqué de stabilité.

Guershom lui-même, il a été réformé du service militaire au titre de… psychopathe ! C’est lui-même qui l’écrit (p.145). Parmi les traits du psychopathe, on reconnait la difficulté à entretenir des relations familiales.

Dans le cadre de sa révolte contre son père, Scholem a longuement hésité à faire Tshouva et devenir orthodoxe (p.88), mais il n’a pas franchi le pas. Durant une période il a même fait des efforts de pratique religieuse en allant à Min’ha de Shabbat à la synagogue, mais c’était parce qu’il s’intéressait à une jeune fille religieuse (p.96).

Historien et philosophe, Scholem a travaillé essentiellement sur la kabbale, il a lu énormément d’ouvrages de Kabbala, mais son interprétation était nécessairement dirigée par ses croyances, notamment le fait qu’il estimait que la Kabbala n’était pas vraiment une science d’origine juive !

Il a aussi regroupé énormément d’informations sur Shabtay Tsvi et sur des sujets périphériques à la kabbale comme la démonologie.

Etant donné que la Kabbala est considérée par les orthodoxes comme faisant partie intégrante du judaïsme (et est mentionnée dans le Talmud), il était assez prévisible que Scholem qui la désacralise n’aurait pas bon accueil dans le monde orthodoxe.

De plus, en réaction à Mortimer J. Cohen et son livre « Jacob Emden, a man of controversy » (Philadelphia, 1937), Scholem a soutenu que R. Yonathan Eybeschütz aurait été un adepte dissimulé de Shabtay Tsvi.

Le R. Reouven Margulies lui a répondu dans « Lehakatégoria Shénit’hadsha » (Tel Aviv 1941) pour démonter ses théories. Scholem n’a pas apprécié et a répondu avec mépris et manque de courtoisie à R. Margulies dans Leket Margaliot (Tel Aviv 1941), voir Me’hkarei Shabtaout (début de §2, p.688). [Voir aussi Sod Haémouna Hashabtaït (Jér. 1995, p.103) et La Kabbale (Scholem) (III, §5, -éd. du Cerf 1998, p.609).]

Sa petitesse l’y a poussé à écrire « Monsieur Margulies » pour ne pas écrire « Rav », c’est magnifiquement ridicule !
Parce qu’il le contredit il doit perdre son titre de Rav ?
C’est typique des Amei Haarets qui s’imaginent qu’en écrivant « Monsieur » ils vont blesser le Rav en question.

En réalité, ça ne fait que prouver la bassesse des attaques du Am Haarets qui a besoin de rabaisser comme il le peut son contradicteur.
Monsieur le professeur Scholem peut appeler Rav Margulies « Monsieur Margulies » autant de fois qu’il le veut, il ne lui arrivera pas à la cheville.

[J’aime souligner un petit limoud Zkhout : lorsqu’un juif, aussi renégat et Am Haarets soit-il, veut attaquer un Rav, s’il l’appelle « Monsieur » (c’est presque toujours le cas), c’est qu’il avoue malgré lui conférer un certain kavod aux Rabanim 😊.]

Rav Margulies a préparé une réponse acerbe où il ridiculise Scholem et souligne son ignorance, mais il ne l’a pas publiée.

Scholem a néanmoins reconnu, 33 ans plus tard (en juin 1974), qu’il avait eu tort et que R. Margulies (et les autres –« Hashiloni » = Dr Its’hak Warfel/Refael) avai(en)t eu raison.
C’était déjà après le décès de R. Margulies (Niftar en 1971. Scholem quant à lui est décédé en février 1982). Voir l’article de R. Avraham Bik (Shaouli) dans Sinaï (n°74 p.269) (cependant, cet article a été attaqué par Ephraïm Kupfer dans Kiriat Sefer 1974, p.269).
C’est une reconnaissance tardive, mais louable quand même.

Bref, Scholem était un grand universitaire, mais un vrai Am Haarets.

Son manque de stabilité l’a amené à s’opposer avec virulence aux rabbins et, en retour, les orthodoxes ne lui ont accordé aucune considération.

Aujourd’hui, si vous questionnez des Yeshivistes à son propos, vous verrez qu’ils n’en ont jamais entendu parler.

De nombreux « grands universitaires » dans ces domaines liés aux études religieuses, font souvent preuve de graves lacunes.
Les études religieuses nécessitent un investissement majeur sur des années, et rares sont les universitaires qui ont la volonté, la capacité et l’humilité nécessaires pour mener à bien ces études.
Scholem était assidu et pugnace, mais il n’a pas suivi le cursus classique de la Yeshiva et manquait d’humilité pour se rendre compte qu'il n'avait pas le niveau des grands talmudistes.

C’est une des différences avec Levinas qui avait l’humilité de reconnaitre sa faiblesse et son infériorité en étude et compréhension du Talmud.
Pourtant, le public de Levinas ne comportait pas beaucoup de spécialistes assez versés pour percevoir nettement cette faiblesse chez Levinas, mais ayant été ridiculisé et malmené sur ce point par son maître M. Chouchani, il avait bien compris qu’il était très loin du niveau d’un talmudiste confirmé.

Pour Scholem c’est pareil, sauf qu’il a profité de l’absence de Talmidei ‘Hakhamim dans son auditoire pour lui faire croire qu’il avait une érudition de la qualité de celles des plus grands.
En réalité, on voit dans sa façon d’écrire et dans ses erreurs révélatrices, que ses connaissances talmudiques étaient très légères.

[Par exemple, il lui est arrivé de citer un texte de Gmara en en indiquant la référence ‘Houlin daf 97 au lieu de daf 7, et cette erreur lui est venue d’une erreur d’impression dans le Otsar Leshon ‘Hakhamim (p.29) qui est un index du Talmud.
C’est une erreur soulignée par Rav Margulies (dans son texte qu’il n’a pas publié), pour montrer que Scholem n’avait même pas connaissance des Gmarot par une véritable étude.
Disons que ça peut arriver lorsqu’on cite beaucoup de textes talmudiques, mais pour Scholem qui n’en cite pas tant que ça, il aurait pu vérifier… (et ce passage du Talmud est très connu, on ne se trompe pas en le plaçant 90 dapim plus loin).

Rav Margulies dénonce encore d’autres erreurs de compréhension sur des textes kabbalistiques, des ouvrages de kabbala dont Scholem parle alors qu’ils n’existent pas -il ne s’agit que d’un passage du Zohar qui bénéficie d’une appellation spécifique parmi les kabbalistes, et Scholem a cru qu’il s’agissait d’un livre à part, etc.]

Scholem avait certes lu beaucoup de textes kabbalistiques, mais en ayant ses vues, son idéologie (et son caractère), ça a donné du Scholem.
C’est déjà très bien, ne vous méprenez pas, je ne viens pas dénigrer totalement son travail, mais il faut quand même être conscient qu’il est très très loin derrière un véritable érudit comme Rav Reouven Margulies (je veux dire, pas seulement en Midot Tovot/qualités humaines, mais aussi en qualité d’érudition).

Une bonne partie du monde des Yeshivot ignore (dans tous les sens du terme) le Pr. Guershom Scholem, et je ne trouve pas qu’on puisse dire qu’ils passent vraiment à côté de quelque chose (pour leurs centres d'intérêt).
Par contre, une bonne partie du monde universitaire ignore Rav Reouven Margulies et elle passe clairement à côté de quelque chose. Je veux dire que si les universitaires s’intéressaient aux travaux de Rav Margulies, ils en seraient sidérés.
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