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Conversion : judaïsme et/ou déisme ?

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Deborah13
Messages: 4
Cher Rabbin
Mon problème doit vous être familier. Non juive, je suis amoureuse d'un homme juif qui veut m'épouser. Sa famille accepte parfaitement la situation, dans l'espoir cependant que je me convertisse. Bien sûr cette conversion est la condition sine qua non pour mon ami également. Or je me suis toujours qualifiée de déiste, et aujourd'hui je cherche ma voie dans le judaïsme en tentant de concilier foi juive et déisme. Je sais ce que mon propos peut comporter de choquant, aussi vais-je tenter de l'éclairer.
Je sens une profonde attirance pour la foi juive, depuis longtemps déjà. J'ai beaucoup de mal à définir la teneur de cette attirance, mais la lecture de la Torah et un voyage en Israël ont fait de moi une autre personne. Ce peuple, son histoire, ses traditions, sa culture (ou plutôt ses cultures)ses règles de vie,... me touchent au plus profond de mon être. Je ne sais comment définir ce mouvement de mon âme vers le judaïsme, et je pense ne pas pouvoir me permettre de le qualifier de "foi".

Cependant j'ai lu de très nombreux ouvrages traitant du judaïsme, et j'en ai retiré un sens profond de ce que j'ai envie d'appeler la "morale juive", bien que je ne prétende pas l'avoir appréhendée entièrement. Et un constat s'est imposé à moi: cette exigence morale est très précisément celle que je cultive au quotidien, depuis des années, sans m'en apercevoir. Bref je ressens une parfaite adéquation entre les préceptes moraux du judaïsme et la ligne de conduite que je m'impose, en laquelle je crois.
Malgré tout le problème de la foi subsiste, et ma question, qui peut paraître élémentaire, ne trouve pas de réponse: qu'est ce que la foi juive?? En d'autres termes, la question qui me préoccupe depuis bientôt 2 ans est la suivante:

Puis-je concilier déisme et judaïsme? Ou plutôt: est ce que mon déisme peut être une voie d'accès au judaïsme? Est ce acceptable??

En effet la théologie juive fait écho à mon intuition (j'hésite à écrire "à ma foi") dans le sens qu'elle est organisée autour de l'immanence divine... Cette notion d'immanence est pour moi fondamentale, à ne pas confondre avec le panthéisme cependant.
Mon attirance envers le judaïsme ne peut se résumer à ces quelques éléments. Mais je ne sais pas si le fondement de ma foi est acceptable dans le cadre d'une conversion. Mon ami ne parvient pas à m'éclairer sur ces questions, et sa seule réponse est "If you want to meet God, you've got to let him in..."
Je ne veux mentir à personne. Aussi pensez vous qu'une conversion dans mon cas puisse être considérée comme une imposture?

J'ai grand espoir que vous puissiez enfin me libérer de tous ces doutes qui m'empêchent d'avancer sereinement sur ma voie spirituelle.
D'avance je vous remercie
Jacques Kohn ZAL
Messages: 2766
Dans la mesure où le déisme se définit comme une croyance en l’existence d’un être suprême en dehors de toute religion, il me paraît se situer aux antipodes du judaïsme, notamment dans la mesure où il relègue Dieu, après qu’Il a créé l’univers, dans un rôle passif de spectateur indifférent aux comportements humains.

Le judaïsme est avant tout une révélation, celle de la loi proclamée au mont Sinaï, et l’obéissance à cette loi est fondamentale, notamment en ce qu’elle préexiste à la foi. Les enfants d’Israël ont proclamé, au Sinaï, qu’ils « feront et entendront » (Exode 24, 7), voulant dire par là que leur soumission à la loi a eu pour eux le pas sur son entendement.

Parler de « foi juive » ou de « religion juive » constitue par conséquent, à certains égards, des abus de langage, dans la mesure où ces expressions tendent à faire prédominer les sentiments et les croyances sur la pratique des commandements.

Certains de ceux-ci, il est vrai, s’inscrivent dans les lois rationnelles et naturelles. Mais ce ne sont qu’une partie des lois, dont beaucoup demeurent inexpliquées, voire inexplicables.

C’est pourquoi, pour répondre à votre question (« Peut-on concilier déisme et judaïsme ? »), il m’apparaît que ces deux concepts sont inconciliables. Il ne suffit pas, pour être juif, de croire en Dieu de manière abstraite. Il faut aussi croire en Lui en tant que codificateur d’une législation qui imprègne tous les instants de notre existence sur terre.
Deborah13
Messages: 4
Bonjour,
tout d'abord merci pour votre réponse que je n'espérais pas si rapide!! Pourquoi n'ai-je pas découvert ce site plus tôt?
Je tiens à revenir sur quelques points de votre réponse:

-tout d'abord vous rappelez que le déisme n'admet pas la notion d'intervention de D. dans le cours des affaires humaines. Je me distingue du déisme précisément sur ce point, car je suis convaincue de l'existence de la providence divine, et j'ai toujours été attentive à ses manifestations. Cependant je ne pense pas que D. intervienne en tout et règle chaque minute de notre vie; je crois plutôt qu'il met sur notre route des "signes" ou des opportunités qu'il nous revient de saisir. Ainsi je pense que nous conservons notre capacité à nous auto-déterminer, notre libre arbitre, mais que D. nous guide sur notre chemin.

Quelle est la position du judaïsme sur ce point??

Néanmoins subsiste le problème du D. législateur. Car je suis déiste en celà que je ne parviens pas à identifier "l'objet" (pardonnez moi le terme, il est à prendre au sens philosophique) de ma croyance. Ainsi l'idée d'un D. législateur m'est assez étrangère. Mon ami, lui, place beaucoup d'espoirs en une éventuelle révélation qui pourrait survenir dans ma vie. Mais j'avoue que j'ai beaucoup de mal à croire l'épisode de la révélation au Sinaï. Si je lui reconnais sa portée symbolique, je suis très dubitative sur l'historicité de ces faits. Je pense plutôt que le peuple juif s'est imposé ce corps de règles afin de subsister en tant que Peuple malgré les persécutions et les embûches de l'Histoire. D'où cette question:

- la reconnaissance de la validité de ces lois, leur observance, la volonté d'y adhérer ne suffit-elle pas? Ou bien doit-on nécessairement croire en la véracité historique de cet épisode de révélation au Sinaï pour être juif??

Enfin je pense que vous aurez senti que, si ma foi comporte une grande dimension émotionnelle, elle découle avant tout d'un processus intellectuel, né lui même d'un gigantesque étonnement face à la perfection de la Création. Je ne peux concevoir le Monde et la Vie sans concevoir une intelligence organisatrice. Et comme je l'ai dit je crois à la Providence divine. Mes exigences morales, les règles que je m'impose ne proviennent qu'indirectement de cette croyance. Or vous dites que le judaïsme n'est pas une religion qui tend à faire prédominer les sentiments et la croyance sur la pratique des commandements. Ce point est très important pour moi. Car si je peux ressentir un sentiment de "ferveur religieuse", je n'ai jamais ressenti de sentiments de dévotion. Et je pensais que cette dévotion était indispensable.

Ne l'est-elle donc absolument pas??
Pour résumer, la "foi" juive (je sais désormais que ce terme est impropre mais je ne sais quel autre employer) peut-elle procéder d'une démarche intellectuelle qui pousse à reconnaître l'existence de D. sans pour autant croire à la véracité de l'épisode de la révélation? Ne peut on pas simplement reconnaître l'immense importance et valeur symboblique des lois et commandements du judaïsme, et vouloir de tout son coeur les appliquer??

J'espère que vous saurez m'apporter une réponse aussi claire qu'à mon précédent message. D'avance merci mille fois
Jacques Kohn ZAL
Messages: 2766
Je vais essayer de répondre à vos diverses questions :

1. Vous avez raison de relier la providence divine au libre-arbitre. Le Talmud nous apprend que « tout est dans la main du ciel, hormis la crainte du Ciel » (Berakhoth 33b), voulant ainsi nous enseigner que tout ce qui arrive à l’homme part de la « main » du Saint béni soit-Il. Il en est ainsi de son aspect physique, de l’état de sa fortune, de son intelligence (ou sa stupidité), de sa peau blanche (ou noire). En revanche, l’existence ou l’absence en l’homme de la crainte du Ciel, c’est-à-dire son état de juste ou d’impie, ne dépendent en aucune façon du Ciel, mais du libre-arbitre de chacun (Rachi ad loc.).
Ainsi que l’explique Rachi dans son commentaire sur Wayiqra 19, 14, dans les cas où nos actions sont du seul ressort de notre conscience, c’est-à-dire où elles ne sont pas scrutées par des témoins, comme c’est le cas de notre comportement envers le sourd et l’aveugle dont il est question dans ce verset, il est de notre devoir d’avoir la crainte du Ciel, la crainte de Celui qui connaît nos pensées intimes. Et, comme le fait remarquer cet éminent commentateur, c’est dans tous les cas où nous agissons hors le regard ou le su de notre prochain que le texte de la Tora insiste sur la crainte de Hachem.
On peut dire en résumé, me semble-t-il, que la liberté nous est laissée de craindre ou de ne pas craindre Hachem, et que cette liberté est le signe de notre responsabilité envers Lui. Nous avons cependant besoin, dans nos prières, de solliciter Son aide pour assumer pleinement cette liberté, souvent menacée par les tentations qui parcourent notre existence.

2. Ainsi que je l’ai souligné dans ma précédente réponse, l’essentiel pour le Juif est de « faire », avant que « d’entendre », autrement dit avant que de « croire ».
C’est pourquoi la croyance en la véracité historique de la révélation au Sinaï n’a pas chez le Juif, qu’il le soit de naissance ou par conversion, à préexister à la volonté sincère d’observer les lois qui y ont été promulguées.
Toutefois, la priorité que le judaïsme accorde à cette observance n’exclut pas ce que vous appelez la « dimension émotionnelle », ni l’admiration sincère et constante que l’homme doit avoir de la perfection de la Création. Le livre des Psaumes contient de nombreux exemples de cette dimension.

3. Vous écrivez que vous ressentez un sentiment de « ferveur religieuse », mais que vous n’avez jamais éprouvé de « sentiments de dévotion ». J’avoue ne pas comprendre la nuance que vous marquez entre la « ferveur » et la « dévotion ».
On dit souvent des Juifs pratiquants qu’ils sont « orthodoxes ». C’est là une qualification commode, mais au fond inexacte. On demande moins au Juif de « penser juste », du grec orthodoxein (« professer une opinion droite »), que d’être « orthopraxe », c’est-à-dire de se vouer à la « praxis », littéralement à l’action en vue du résultat.
Deborah13
Messages: 4
Merci beaucoup pour votre réponse qui m'apporte un énorme réconfort. Je m'aperçois que l'identification au judaïsme qui s'est peu à peu développée en moi n'est pas illégitime.
Cependant, au risque d'être insistante, j'aimerais votre avis sur cette unqiue question, que je vous pose non sans angoisse!!
Au vu des éléments que je vous ai livrés, pensez vous que dans mon cas l'amorce d'un processus de conversion soit: possible? Souhaitable? Légitime?
Je pense que vous en savez trop peu sur moi et mes motivations, mais pouvez vous me donner une "esquisse de réponse"?
Je pose cette question non pas car je doute de ma détermination et de ma sincérité, mais simplement pour ne pas risquer de déconvenues!! En effet je ne veux pas m'apercevoir en chemin que je me suis trompée. Et je refuse l'idée d'une conversion laissant planer des zones d'ombres, des ambiguïtés qui pourraient remettre en question ma judéité.
Encore une fois merci d'avance
Jacques Kohn ZAL
Messages: 2766
Le judaïsme, s’il accepte à bras ouverts les convertis, et s’il interdit que leur soit rappelée leur origine, n’encourage pas la conversion, et il ne fait qu’accueillir et préparer ceux qui déclarent vouloir s’y destiner.
Je me garderai bien, par conséquent, de tenir votre projet de conversion pour « souhaitable », ni à plus forte raison pour « légitime ». J’en dirai simplement qu’il est « possible ».
Deborah13
Messages: 4
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