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La réponse de qualité à vos questions

Lo te'honem

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Yosseph
Messages: 11
Chalom rav wattenberg
j'aimerais que vous m'expliquiez comment comprendre et ce que pensez vous du passouk de "lo té'honem" et avec la souguia de avoda zara 20 sur le sujet.
Devons-nous encore nous conduire par rapport aux goyim comme ils le disent ?
Qui dit quoi à ce sujet ?
Un cas sur le sujet: "J'ai un sandwich que je ne veux pas et que je vais jeter. Mais à ce moment j'aperçois un pauvre goy qui a l'air d'avoir faim ou en tout cas pourrait profiter de mon sandwich. Que dois-je faire ? Le jeter ? ou puis-je le lui donner ?

Merci beaucoup du temps que vous prenez à répondre aux questions et kol touv

PS: Si vous pouviez faire un chiour sur le sujet. Cela intéressera certainement le public et lui ouvrira les yeux sur la vision du goy d'un point de vue juif. Merci encore.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
La réponse est longue, très longue.

Vous écrivez:
Citation:
si vous pouviez faire un chiour sur le sujet. Cela intéressera certainement le public et lui ouvrira les yeux sur la vision du goy d'un point de vue juif.

Il se trouve que j'ai déjà réservé un shiour sur ce sujet, il y a 5 ans.
Il n'est pas enregistré car c'est le cas de tous les shiourim que je donne au Centre Alef durant les shabbatot et yamim tovim.

Peut-être le reprendrais-je un jour en semaine, sous une autre forme et il pourrait alors être enregistré...

Il est clair que l'on peut offrir un cadeau à un non-juif. Je sais que certains juifs "religieux" l'interdisent en raison de cette gmara, mais - selon moi - ils font erreur.
Ils devraient continuer leur étude jusqu'au Daf 65a où ils verraient une source qui semble bien indiquer que l'interdit de donner matnat 'hinam ne concerne que l'idolâtre.

Grosso modo, il faut savoir ce qu'écrit le Méiri (Avoda Zara daf 20 et en de maints autres endroits) que toutes ces mises en garde et restrictions concernant les non-juifs ne concernent que les idolâtres, qui ne respectaient pas les bases de l'humanisme. Ils tuaient pour leur culte, offraient des sacrifices humains à leurs dieux et commettaient toutes sortes d'atrocités abominables.
Mais un "gentil goy" n'est pas concerné.
Il sera permis de lui donner un cadeau.

Notons au passage que par endroit le Méiri définit le "gentil goy" comme celui qui est "gadour bedarkei hanimoussim vehadatot": qui a du savoir-vivre ou une religion qui le cadre (pour exclure les religions criminelles), et parfois il mentionne aussi la croyance en D.ieu comme "condition". C'est ce qu'il fait ici, il me semble, même si la logique ne semble pas l'imposer.

Voyez encore le Shout Harashba (I, §8) où il est aussi écrit que l'interdit ne concerne que l'idolâtre, et il le prouve de la gmara que j'indiquais plus haut (Avoda zara 65a).

Il y a une Mishna dans 'Houlin (93b en bas) qui semble autoriser d'envoyer un cadeau à un idolâtre (sholéa'h adam yerekh leoved avoda zara...) mais je pense que c'est une erreur de copiste et que le texte d'origine parlait d'un non-juif (nokhri) et non d'un idolâtre.

Ces termes ont été souvent intervertis, par erreur ou volontairement, et il faut savoir retrouver la véritable version d'origine.

J'en veux pour preuve ce même texte qui figure dans Psa'him (22a) avec la version que je préconise: sholéa'h adam yerekh lenokhri...
C'est aussi la version de la mishna dans le livre des mishnayot ('Houlin VII, 2)


En ce qui concerne le pauvre que vous rencontrez dans la rue en France, c'est une mitsva de le nourrir et de l'aider, même s'il n'est pas juif, comme indiqué dans le Talmud (Guitin 61a), le Rambam (Matnot Aniim VII, 7) et le Shoul'han Aroukh (Yoré Déa §251, 1).

Les personnes qui refusent d'aider un pauvre sous prétexte qu'il n'est pas juif, contreviennent à la halakha juive citée, ignorent le verset (Tehilim §145, 9) "vera'hamav al kol maassav" et font preuve de cruauté qui risquerait se retourner contre eux, comme l'indique le Talmud (Shabbat 151b) "celui qui n'a pas pitié des créatures, le Ciel n'aura pas pitié de lui".

Sachez que nous devons même aider un animal qui souffre, c'est la mitsva de Prika (Shemot XXIII, 5)

Je dois m'arrêter pour m'occuper des enfants et calmer des pleurs, désolé, il faut aussi avoir pitié d'eux.
Yosseph
Messages: 11
Avis à l'administrateur: ?e pas forcement publier ce message vu l'utilisation qui peut en être faite.

Citation:
>En ce qui concerne le pauvre que vous rencontrez dans la rue en France, c'est une mitsva de le nourrir et de l'aider, même s'il n'est pas juif, comme indiqué dans le Talmud (Guitin 61a), le Rambam (Matnot Aniim VII, 7) et le Shoul'han Aroukh (Yoré Déa §251, 1) .


Sauf que la raison donnée est: mipenei darké chalom.
Donc dans le cas du sandwich, si le pauvre ne nous voit pas, on ne devrait pas le lui donner selon *seulement* ces sources qui ne diront alors pas:
Citation:
>les personnes qui refusent d'aider un pauvre sous prétexte qu'il n'est pas juif, contreviennent à la halakha juive citée, ignorent le verset (Tehilim §145, 9) "vera'hamav al kol maassav" et font preuve de cruauté qui risquerait se retourner contre eux, comme l'indique le Talmud (Shabbat 151b) "celui qui n'a pas pitié des créatures, le Ciel n'aura pas pitié de lui" .


Comment cela se fait-il que pas plus de personnes n'aie la même conclusion que vous ?
Sachant que:
Citation:
>Nous devons même aider un animal qui souffre, c'est la mitsva de Prika (Shemot XXIII, 5)

Et donc selon ceux qui ne suivent pas le Meiri aujourd'hui, on aide l'animal qui souffre, mais pas le non-juif qui n'a rien à manger (sachant qu'il sera athée en général) !?!

Dur d'être Or Lagoyim dans ces conditions, non ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
Je découvre avec étonnement que ce message n’est pas passé à l’époque où je l’ai rédigé, j’en avais heureusement gardé une copie.
Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive
(surtout lorsque le message est long, il doit y avoir un problème de déconnexion?), mais cette fois-ci j’ai mis du temps à tomber dessus à nouveau et me rendre compte de cet oubli.
Sa rédaction date de fin novembre 2015, je le poste tel quel :


Je cite:
Citation:
Avis à l'administrateur: ?e pas forcement publier ce message vu l'utilisation qui peut en être faite.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de « censurer » cette réponse, il est vrai qu’il peut y avoir des sujets qu’il serait préférable de ne pas aborder sur la place publique, mais ça serait par crainte d’être mal compris, or ici, le motif semblerait sous-entendre que la religion juive aurait quelque chose à cacher aux non-juifs, à D.ieu ne plaise.

Si vous pensez que c’est le cas, pensez à trouver une explication à cette démarche ; comment adhérer à une religion que vous considéreriez comme « non présentable » ? (je veux dire non-présentable MÊME à une personne bien intentionnée)

Attention, je ne dis pas que l’on puisse tout expliquer à certains, mais le critère de sélection (des personnes à qui l’on peut « tout expliquer ») est indépendant de la religion ou de la race.

Il y a certaines choses qu’on ne peut pas exposer (même) à un juif Am Haarets, comme le dit le Talmud (Nedarim 49a), mais c’est en raison de son manque de science, il risquerait de se précipiter dans un raisonnement erroné sans avoir la patience et la sagesse de consulter un spécialiste avant d’en tirer des conclusions hâtives.

On ne dévoilera donc certaines choses qu’aux gens avisés et patients.
La règle à retenir -qui pourrait passer pour un oxymore en étant transmise oralement- est : « science et patience ».

Toutefois, cette précaution est demandée indépendamment de la religion du concerné.

Citation:
Sauf que la raison donnée est: mipenei darké chalom.
Donc dans le cas du sandwich, si le pauvre ne nous voit pas, on ne devrait pas le lui donner selon *seulement* ces sources


Cher ami, je pense que vous êtes dans l’erreur.

Vous soulignez à juste titre que le texte de Guitin (61a) [qui indique de nourrir et aider le juif comme le non juif] porte les mots « mipnei darkei shalom », que vous semblez traduire par « à cause de la nécessité de paix » , c-à-d par crainte de créer une polémique lorsque les gentils constateraient que les juifs ne se soucient guère des indigents non-juifs.
Je pense que c’est une erreur de traduction qui vous a entraîné vers cette lecture raciste que vous trouviez risquée de partager avec des non-juifs.

Je dirais que si vous traduisiez convenablement, vous comprendriez qu’il n’y a là absolument rien de raciste, bien au contraire !

Je ne vous adresse pas un reproche pour cette « erreur » car il me semble que vous n’êtes pas le premier à la commettre et je trouve qu’il y a malheureusement trop d’étudiants de Torah qui suivent naïvement cette lecture xénophobe.
Vous avez probablement été trompé par un enseignant qui n’a pas trouvé nécessaire de souligner que l’on peut traduire cette phrase d’une toute autre manière (et –selon moi- d’une manière plus juste) :
On nourrit les pauvres non-juifs comme juifs « Mipnei Darkei Shalom » = "par amour de la paix", car nous aimons et souhaitons être « bons », on dit bien: mipnei darkei shalom « pour les chemins de la paix » et non pas me’hamat darkei shalom qui voudrait dire « à cause » du besoin de paix.
L’expression « me’hamat darkei shalom » me semble plus appropriée s’il fallait comprendre comme vous « à cause de ».

Tandis que l’expression « mipnei » peut se comprendre « pour/en raison de », sans vouloir dire « on doit le faire contre notre gré », mais plutôt « on doit le faire et on est content de le faire ».

Je sais que l’on pourra trouver des commentateurs qui semblent expliquer la phrase comme vous et je le déplore, selon moi ils n’ont pas entrevu cette lecture « positive » tout simplement parce que les non-juifs qu’ils côtoyaient étaient réellement des barbares dont le profil n’est pas éloigné des fameux idolâtres assassins dont nous parlions plus haut.

Dans les Tosfot -à quelques endroits (voir par exemple AZ 20a), on comprend qu’ils avaient probablement la même lecture que vous.

Je crois que c’est ce que leur reproche le Méiri (Avoda Zara 22a) lorsqu’il écrit que selon sa lecture (qui distingue le goy du goy barbare fréquent à l’époque du Talmud), on fera l’économie de nombreuses explications tortueuses et superflues proposées par les Tossafistes afin de résoudre les contradictions entraînées par leur mauvaise lecture (=qui ne distingue pas le goy du goy barbare).

Il faut tout de même expliquer le contexte : les Tossafistes sont des juifs français, anglais ou allemands qui vivaient à l’époque où les pogroms et massacres étaient monnaie courante en Europe.

Un peu comme les barbares islamistes du XXIème siècle qui sont prêts à trucider tout ce qui ne pense pas comme eux en matière de religion, plusieurs chrétiens de l’époque étaient des « assassins sous couvert de religion ».

Nous avons malheureusement souffert il y a peu de temps à Paris, le 13 novembre, de la folie meurtrière de ces écervelés conditionnés par un Islam barbare.
Parmi les trop nombreuses victimes j’ai entendu parler du cas de deux sœurs, originaires de Blois et qui y ont été enterrées suite à une cérémonie religieuse à la cathédrale de Blois.

Que D.ieu venge leur sang et apporte consolation et soutien à leur famille.

Bien entendu, cette histoire ne que peut faire pleurer.
Cependant, lorsqu’on m’a dit que la cérémonie a eu lieu dans cette cathédrale, je n’ai pu réprimer un pincement au cœur.
Blois est une des premières villes d’Europe et probablement la première de France à avoir assassiné ses juifs en les brulant vifs ( !) sous prétexte d’accusation de meurtre rituel, en 1171.
Selon les sources, un tiers -ou beaucoup plus- des juifs de Blois auraient donc été brûlés vifs à cette date.
Tous les historiens s’accordent –à ma connaissance- à reconnaître que les chrétiens ont alors brûlé au minimum un quart de la population juive de Blois !

Il y a quelques années, lors d’un passage à Blois, j’ai tenu à aller réciter quelques prières dans la « rue des juifs » en mémoire de tous ces innocents brutalement assassinés avec barbarie par des fidèles de « la religion de l’amour » et que la France n’a jamais pleurés.

Et cette cathédrale (où a eu lieu la cérémonie pour ces deux malheureuses jeunes femmes), qui date –certes- du XVIème ou du XVIIème siècle, a en réalité des origines plus anciennes ; elle était avant cela une (plus modeste) église collégiale construite au XIIème siècle, c’est-à-dire qu’à son origine, elle a été construite par ces mêmes gens qui ont –au mieux, toléré que l’on brûle des êtres humains sur base d’accusations absurdes et sans aucune preuve et -au pire par des gens qui ont participé activement à ce crime…

Voilà où l’on a célébré la cérémonie religieuse de l’enterrement de deux femmes innocentes, assassinées par des barbares débiles au nom d’une religion.
Quelle triste coïncidence.

Bref, tout cela pour dire qu’il faut comprendre pourquoi et comment le Tosfot a pu avoir cette lecture qui semble considérer les non-juifs comme non méritants de notre pitié.

Il est d’ailleurs remarquable que le Méiri qui vivait à Perpignan dans la seconde moitié du XIIIème siècle ait eu cette ouverture d’esprit et ait tenu à souligner que malgré tous les méchants, il peut y avoir de « bons goyim » et que ce qui est écrit à l’encontre des idolâtres dans le Talmud ne concerne pas les non-juifs en général mais uniquement les barbares (appelés idolâtres car l’idolâtrie ne se résumait pas à une religion, j'en ai parlé sur un autre fil ou plus haut, je ne sais plus).

On estime qu’il est mort en 1306, l’année de l’expulsion des juifs de France par Philippe le Bel (la rafle eut lieu le lendemain de Tisha Beav, le vendredi 10 Av, 22 juillet 1306 et en septembre, les derniers juifs quittaient le royaume), mais il a probablement eu connaissance du décret d’expulsion des juifs par Louis IX en 1254 et de mille autres discriminations.

J’en reviens à ma lecture du « mipnei darkei shalom ».
Comme il pourrait paraître présomptueux de proposer cette traduction si elle n’est pas attestée par les commentateurs, j’indiquerais en premier lieu le Rav Elie Benamozegh dans Israël et l’Humanité (p.294) qui traduit tout naturellement ce texte de Guitin (61a) comme moi « pour l’amour de la paix ».

Il précise ensuite qu’il ne faut pas suspecter dans ces préceptes une mesure de convenance (plutôt qu’un devoir moral) et le prouve du fait que les exemples donnés se rapportent à des époques où Israël jouissait d’une entière indépendance nationale.

C’est aussi la lecture (dans le Kobets Morasha I) du Rav Isser Yehouda Unterman (élève de Reb Shimon Schkop et plus tard grand rabbin d’Israël de 1964 à son décès en 1972).

Je pense que c’est aussi de cette manière que ce texte a été compris par le grand R. Elazar Fleckels (l’élève du Noda Biyehouda et l’auteur du Tshouva Meahava), car dans son Maamar Ksout Enayim (§7), il prouve à partir de la Mekhilta conjuguée à ce qui est écrit dans la gmara Baba Metsia (71a) que l’on est halakhiquement tenu par la Torah de prêter de l’argent à un non-juif en difficulté ou de lui donner de la Tsedaka s’il est pauvre.
Certes, le juif aura la priorité (si l’on ne peut pas aider les deux), de la même manière qu’entre juifs aussi il y aura une priorité si l’un d’eux m’est plus proche géographiquement ou par un lien de parenté, mais il n’en demeure pas moins que les Sages comprenaient donc que l’obligation de prêter de l’argent s’applique envers les juifs comme les non-juifs.

Dès lors, la seule interprétation possible du texte de Guitin (61a) devrait être similaire à la mienne.

Et tous ces a’haronim ont été devancés par le grand Rabenou Menashé Ben Israel dans son Vindiciae Judaeorum, traduit en français sous le titre Justice pour les juifs (p.64) qui rend (en français) le « mipnei darkei shalom » par « par esprit de conciliation » et dont le contexte ne laisse pas de doute sur l’interprétation qu’il faut y voir.

A présent, si vous tenez absolument à joindre un autre Rishon au groupe, j’opterais pour l’un des plus illustres : le Rambam.

Ce dernier (dans hil. Melakhim fin de §10), après avoir cité les devoirs envers les non-juifs susmentionnés (qui figurent en Guitin 61a) comme étant « mipnei darkei shalom », explique l’origine de ce « darkei shalom » en citant ces deux versets : comme il est dit (Tehilim §145, 9) « D.ieu est bon pour tous, sa pitié s’étend à toutes ses créatures » et (Mishlei III, 17) « Ses voies (de la Torah) sont des voies agréables, et tous ses sentiers amènent à la paix ».

Nous voyons que dans l’esprit du Rambam aussi, « mipnei darkei shalom » doit plutôt se traduire comme je le proposais (par amour de la paix) et non se comprendre comme une nécessité déplorable.
(Sinon, que viendrait faire-là le verset « D.ieu est bon pour tous, sa pitié s’étend à toutes ses créatures » ?)

Si c’est ainsi, le Méiri n’est plus seul…

[Nous pourrions même trouver dans le texte même du Talmud, ailleurs, un passage qui nous indique la bonne compréhension de cette expression. Dans Guitin (59b) nous trouvons un texte qui explique et justifie le « mipnei darkei shalom » en citant précisément le verset que le Rambam mentionnait dans le même but : « Ses voies (de la Torah) sont des voies agréables, et tous ses sentiers amènent à la paix » (Mishlei III, 17).
Nous voyons bien que dans l’esprit du Talmud, un précepte reposant sur « mipnei darkei shalom » est le fruit d’une volonté d’agir pour « l’amour de la paix ».
Mais je laisse ça entre parenthèses car cette lecture peut se discuter.]


Citation:
Comment cela se fait-il que pas plus de personnes n'aie la même conclusion que vous ?
Sachant que:
Citation:
>Nous devons même aider un animal qui souffre, c'est la mitsva de Prika (Shemot XXIII, 5)
Et donc selon ceux qui ne suivent pas le Meiri aujourd'hui, on aide l'animal qui souffre, mais pas le non-juif qui n'a rien à manger


Hé bien sachez qu’il y a plus de personnes que ça et que je ne suis pas le seul à le penser, comme vous avez pu le découvrir par ce que je vous écrivais plus haut, il semblerait que le Rambam partage mon opinion qui est déjà celle du Méiri et des a’haronim que je citai.

De plus, il est possible que de nombreux commentateurs aient pu comprendre la gmara comme moi et ne pas trouver nécessaire de le préciser tant cette lecture semble s’imposer.

Mais votre question « Comment cela se fait-il que pas plus de personnes n'aie la même conclusion que vous ? » concernait certainement la vision générale du Méiri qui établit cette distinction entre le non-juif et l’idolâtre. Alors laissez-moi vous rassurer, le Méiri n’est pas seul.

En dehors d’a’haronim éparpillés et de toutes générations comme le Maharal (Beèr Hagola, beèr VII, p.145), le Maharats ‘Hayes dans Kountras Tiféret Israel (fin de kol kitvei tome 1, p.489 et suiv.) ou le Rav Kook dans ses Igrot (§89), nous trouvons même des Rishonim qui semblent s’inscrire dans la « shita » du Méiri en commentant à sa manière un des textes concernés, comme le Rambam (Piroush Hamishnayot Baba Kama IV, 3)(voir à ce sujet Torah Tmima Shemot XXI, §277) [son fils rabenou Avraham ben Harambam me semble en accord avec lui dans son Sefer Hamaspik (p.27 dans l’édition de poche)], il y a aussi Rabenou Yonathan (cité dans la Shita Mekoubetset imprimée dans Baba Kama 38a), on peut ajouter R. Betsalel Ashkenazi auteur de la Shita Mekoubetset (ibid.) (-mais c’est plutôt début a’haronim que fin Rishonim), le Rashba cité plus haut (shout Harashba I, §8) et surtout le Sefer ‘Hassidim (§358) qui est très explicite –voire plus encore.

Bref, rassurez-vous pour le Méiri, il est en bonne compagnie.

Je sais que certains a’haronim (dignes de ce nom) s’opposaient à ce qui est écrit dans la Shita Mekoubetset citée et pensaient qu’il y avait eu falsification (etc.), mais je pense détenir des éléments indiscutables qui contrent leurs dires de manière assez efficace.

Ce qui est déplorable c’est que certains contemporains ignorent tout ceci au point d’être prêts à garantir que ce soit faux tant qu’on ne leur aurait pas montré ce(s) commentaire(s) du Méiri.

Faites le test en leur demandant s’il est possible d’envisager une lecture personnelle comme celle du Méiri (sans le mentionner), vous verrez que ça ne plait pas trop.

Le sentiment global (chez eux) étant qu’il ne convient pas d’être sympathique avec un non-juif et a fortiori de lui donner de la tsedaka.
Ils ne vont pas pour autant causer du tort au non-juif, mais ils trouvent étrange de ressentir de la compassion pour lui.
Selon moi, ce sentiment leur vient d’un mélange de mécompréhension des textes et de l’héritage des générations passées (où il est vrai qu’il y avait beaucoup de très mauvaises personnes chez les non-juifs, combien de millions de victimes innocentes l’Eglise a-t-elle sur la conscience ? Seul D.ieu peut les compter).
Mais il ne convient pas d’être rancunier envers les descendants de ces assassins et voleurs catholiques, s’ils ne suivent pas le mauvais exemple de leurs ancêtres.

En fait, en lisant le Talmud et le Midrash, on a tôt fait de comprendre que même à l’époque des barbares, les juifs savaient respecter le non-juif qui se comportait bien.

Nous trouvons même des liens d’amitié entre des rabbins du Talmud et des non-juifs.
Ainsi Rabbi Yehouda Hanassi était l’ami d’un (empereur) Antonin (Avoda Zara 10b) et avait aussi un autre ami prêtre ( !) (Tana Debei Eliahou Raba §X, p.39a).

Son maître, Rabbi Méir, avait un ami non-juif et philosophe, qu’il est même allé consoler lorsqu’il a perdu ses parents (Midrash Ruth Raba II, 13) [C’est exactement un des points cités dans Guitin 61a, le ni’houm aveilim. Et si « mipnei darkei shalom » voulait dire, comme vous le pensiez, qu’on ne le fait QUE pour éviter des soucis, Rabbi Méir ne serait pas allé consoler son ami car il n’avait absolument rien à craindre de lui… C’est une des preuves du Rav Benamozegh cité plus haut en faveur de cette compréhension plus probable et plus saine de l’expression « mipnei darkei shalom ».]

Dans la génération précédente aussi nous trouvons que les Tanaïm étaient amis avec des non-juifs, par exemple Raban Gamliel, Rabbi Yehoshoua, Rabbi Elazar ben Azaria et rabbi Akiva (le maître de Rabbi Méir) (bref, vraiment les gdolei hador !) avaient un ami non-juif et philosophe qu’ils sont allés gratifier d’une visite amicale sans que rien ne les y oblige (Derekh Erets raba §III ou §V selon les versions).

Là je remontais les générations au-dessus de rabbi Yehouda Hanassi, mais même dans les générations qui suivent, chez les Amoraïm nous retrouvons le même type d’amitié :

L’amora Shmouel avait un ami non-juif (Shabbat 156b et voir Avoda Zara 30a)
Son ami Rabbi Aba –alias Rav- avait lui aussi un ami non-juif (Avoda Zara 10b)
Bref, il serait impensable de dire que le Talmud méprise le non-juif quel qu’il soit, c’est uniquement le barbare terroriste qui est méprisé dans le Talmud, mais pas le non-juif qui se comporte bien.

Et la nécessité d’être en bons termes avec son prochain est présentée comme capitale sans distinction de race ou de religion (mais uniquement de mœurs) ; le Talmud (Brakhot 17a) enjoint le juif à être « marbé shalom » « avec ses frères, avec ses proches, avec tout homme et même avec un non-juif », tous inclus dans le même devoir et ce, « afin d’être aimé par D.ieu et apprécié par les hommes ».

Vous remarquerez que le Talmud n’a pas dit qu’il fallait dire bonjour au non-juif par crainte de « représailles » ou autre souci/crainte/tension, mais uniquement par sympathie « kedei sheyéhé ahouv lemala vene’hmad lemata », c-à-d en d'autres termes: pour être un chic type, parce qu’il faut être quelqu’un de bien.


Citation:
on aide l'animal qui souffre, mais pas le non-juif qui n'a rien à manger (sachant qu'il sera athée en général) !?!


Vous êtes donc d’accord avec moi, c’est absurde.
Ce simple constat devrait suffire -à mon sens- pour donner la préférence à ma lecture.
En fait, le verset crie haut et fort que votre lecture (initiale) est fausse, en disant « ses voies sont des voies agréables, et tous ses sentiers amènent à la paix ».
Si vous constatez qu’une mitsva va à l’encontre de ce principe, il y a lieu de se poser des questions.


Citation:
Dur d’être Or Lagoyim dans ces conditions, non ?

En effet, je ne vous le fais pas dire !
Vous le reconnaissez de vous-même :)
Voici qui contribue donc à ternir notre image aux yeux des nations, j’espère ici pouvoir y remédier au moins à mon moindre niveau, à une toute petite échelle, mais c’est mieux que rien.

Il est indéniable -vous le reconnaissez ici, que cette vision qu’était la vôtre ne permet pas d’être « Or lagoyim » comme vous dites, c’est encore une fois, un argument en la faveur du Méiri.

Parmi mes très (trop ?) nombreux projets de livres, j’espère écrire un ouvrage sur ce sujet, car il y a encore beaucoup à dire, pour expliquer tous les Maamarim/passages qui sont compris de travers et qui pourraient sembler au lecteur mal instruit comme légèrement xénophobes ou discriminants envers les autres peuples.

Si D.ieu m’en donne la force et le temps, j’aimerais aussi y joindre mes écrits qui visent à réfuter tous les arguments des antisémites qui ont attaqué le Talmud durant les 8 derniers siècles (durant les siècles précédents, les attaques contre le Talmud étaient d’une autre nature et contrer leurs arguments est un jeu d’enfant), surtout ceux de la fin du XIXème siècle et début XXème.

Il y a plus de cent citations talmudiques sorties de leur contexte ou tronquées ou mal traduites qui ont été retournées contre les juifs et malheureusement ces derniers -ignorant souvent le Talmud, ne savaient pas comment répondre en leur clouant le bec.
Mais celui qui a lu le Talmud se rend compte des inepties de ces auteurs dont le niveau de stupidité ne peut être atteint sans un profond sentiment antisémite qui les aveugle.

Le pire, c’est qu’il y a même des juifs qui s’éloignent de la religion en raison de ces phrases mal traduites, j’en ai rencontré.
Avec l’aide de D.ieu j’ai pu leur prouver que ce n’était que mauvaise compréhension de leur part (ou de la part de leur professeur à l’école) et certains d’entre eux sont revenus au respect de la halakha après un éloignement de plusieurs années de toutes les mitsvot !

Mais il y en a encore beaucoup que je n’ai pas rencontrés et que j’aimerais bien « rencontrer » au moins par le biais d’un livre qui ferait office de référence en la matière, ainsi, si quelqu’un rencontre une personne qui soutient que le Talmud/la Torah serait raciste, il pourrait lui indiquer la lecture de ce livre où il trouverait assurément réponse à ses questions ou tout au moins une bonne piste de départ pour envisager les choses autrement et mieux se renseigner.

Mais hélas, où trouver le temps pour cela ?
Le temps, voilà ce qui manque.
Mais je ne désespère pas, yeshouat hashem kehéref ayin et si c’est pour la bonne cause, peut-être que j’y arriverai un jour.

Fin de ma réponse rédigée en novembre 2015.

Etant donné que ce message est long, je ne peux pas prendre le temps de le relire pour corriger les fautes, je ne sais plus si je l'avais fait à l'époque, espérons que oui... sinon: mes excuses pour les éventuelles fautes.

J'en profite pour souhaiter à tous les lecteurs de Techouvot une très bonne année 5779, Shana Tova et Ktiva Ve'hatima Tova.
sat1
Messages: 101
Comment comprendre le SA O"H §694, 3 oubemakom shénaagou liten af léakoum notnim sans tomber dans une lecture raciste ?

Cela veut-il dire que les endroits où il n'y a pas le minhag vivent seulement des barbares ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
Avant tout, je vous remercie d'avoir posté votre question au bon endroit, à la suite d'un sujet similaire et directement lié.
ça permet de s'y retrouver, et ça permet aussi au lecteur intéressé par le sujet de lire ce qui a déjà été écrit plus haut sur cette page.

Je vous cite:

Citation:
Comment comprendre le SA O"H §694, 3 oubemakom shénaagou liten af léakoum notnim sans tomber dans une lecture raciste ?


Vous comprenez ce texte comme s’il disait que « dans les endroits où l’on donne de la charité aux non-juifs aussi, on pourra la leur donner », et vous en déduisez donc qu’ailleurs, on ne leur donnera pas la charité.
Mais ce n’est pas ce que ce texte dit, et selon ce qu’il dit réellement, il n'y a rien de raciste ni de discriminatoire, car en matière de Tsedaka (charité), on donne aussi aux non-juifs, et il n'y a aucune distinction de "Makom Shenahagou" en fonction des endroits.

La halakha que vous citez ne parle pas de donner la charité mais de donner Matanot Laevyonim, c'est différent.

En effet, l'idée des Matanot Laevyonim le jour de Pourim est afin de permettre aux pauvres de respecter convenablement la Mitsva du jour, qui est le Mishté de Pourim.

Ainsi, il semble absurde de donner les sommes récoltées pour Matanot Laevyonim à un non-juif qui ne va certainement pas célébrer Pourim.
(Cf. Aroukh Hashoul'han §694, 7)

Néanmoins, malgré cette incohérence manifeste, le Shoul'han Aroukh nous dit que dans les endroits où l'on a l'habitude de donner les sommes de Pourim aussi aux non-juifs, on pourra le faire.

Cela pourrait paraitre insensé, d'autant qu'en donnant à un non-juif la somme réservée pour Pourim, on prive éventuellement un autre pauvre, juif pour le coup, de pouvoir observer la Mitsva du Mishté.

Et malgré tout, le S.A. nous dit que le concept de Darkhei Shalom l'emporte et on pourra donner la somme au non-juif aussi.

Mais dans un endroit où l'habitude est de réserver la somme à un pauvre juif, on ne donnera pas les sommes collectées pour Matanot Laevyonim à un non-juif qui n'a pas la Mitsva du Mishté ce jour-là.

[Et dans le cas d'une ville où il n'y a pas encore d'habitude, c'est le premier Pourim fêté dans cette ville, quel est le din?
Eh bien là aussi on pourra donner au non-juif. (Cf. Shaar Hatsiyoun §11).
Ce qui signifie que c'est uniquement lorsque le Minhag de réserver la somme aux juifs est déjà ancré dans une ville, qu'on devra s'y plier et ne pas donner à un non-juif une somme réservée pour les Matanot Laevyonim de Pourim -même si, bien entendu, nous accomplirions tout de même en cela la Mitsva de Tsedaka, comme indiqué dans Guitin (61a).]


Note : à la lecture du S.A. et du Tour, il semble même que l’on puisse ainsi s’acquitter de la Mitsva de Matanot Laevyonim (en donnant à un non-juif) alors qu’il est évident qu’il n’accomplira pas la Mitsva du jour.
Toutefois les A’haronim penchent pour dire qu’on ne serait pas quitte du commandement de Matanot Laevyonim, puisque finalement son but (permettre à une personne de faire la Mitsva) ne serait pas atteint.
Dans le cas où l'on aurait donné la somme à un non-juif, il faudrait donc donner encore une somme à un 3ème pauvre afin d’avoir permis à deux pauvres d’accomplir la Mitsva du jour.
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