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'Hokhmat hapartsouf ou qui était Moshé Rabeinou?

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kohelet
Messages: 208
Bonjour,

Je cherche la référence d'un Midrach.
Il y est question d'un roi non-juif possédant 'hokhmat hapartsouf, et qui avait demandé à son peintre le portrait de Moché Rabbenou...

Merci
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Le "midrash" auquel vous faites allusion n'attribue pas la connaissance de la 'ho'hmat apartsouf (= morphopsychologie) au roi lui-même mais à certains de ses sujets.

Ce "midrash" est cité par le Tiféret Israel vers la fin du IVème chapitre de Kidoushin (donc en fin de seder Nashim), le roi aurait envoyé son peintre vers le ma'hanei Israel dans le désert pour qu'il lui ramène un portrait de Moshé Rabeinou car il voulait le montrer à ses morpho-psychologues afin qu'ils puissent lui expliquer quels sont les traits de caractères de ce grand "leader".

Etonné de leur analyse (selon laquelle le sujet était un vil personnage), le roi soupçonna son peintre de s'être contenté de peindre le premier venu, et voulu en avoir le cœur net. Il se mit donc en route pour aller rencontrer Moshé Rabeinou lui-même.

Lorsqu'il remarqua que le peintre l'avait correctement représenté, il ne put retenir sa question et la posa à Moshé directement. Ce dernier lui aurait répondu qu'en effet il est né avec toutes sortes de mauvaises "midot" et c'est justement là (le fait de s'être parfait) son mérite, car quelqu'un qui naîtrait avec tous les bons traits de caractères n'aurait aucun mérite personnel à être un juste…(sans quoi, ça serait injuste!)

Cette histoire créa un véritable tollé, de nombreux rabanim se sont indigné et ont reproché au Tiféret Israel (post-mortem) d'écrire et de publier de tels propos diffamatoires.
Etant établi dans le Talmud (Sota 12a) que Moshé était déjà à la naissance destiné à parler à D… et à sauver les hébreux (la maison s'est emplie de lumière, le refus du bébé Moshé d'être allaité par une non-juive…), il est donc impossible de dire qu'il n'était qu'un vaurien à la naissance, de plus, si les traits du visage reflètent le caractère et le tempérament de la personne, il serait logique qu'ils évoluent avec elle.

Ce midrash n'existe donc assurément pas.

Et si une histoire similaire se retrouve dans la Shita Mekoubetset sur Nedarim en fin de troisième chapitre, le "héros" reste anonyme et n'est certainement pas Moshé Rabeinou.

Parmi les opposants au Tiféret Israel il faut citer le Maaril Diskin, le Adéret (beau-père du fameux rav Kook), le Pardes Yossef (shemot pages 16 et 25, alors que dans Bereshit page 45 il le cite sans s'énerver), le 'Havalim Baneïmim cité par le Pardes Yossef shemot p. 16. et encore bien d'autres.

Mais le plus virulent fut sans aucun doute le rav 'Haim Its'hak Aaron (de Wilkomir) qui publia en 1895 un pamphlet intitulé Klil Tiféret (et même un deuxième: Kinat Aémet) contre le Tiféret Israel. Il y accuse le rav Lifshits (l'auteur du Tiféret Israel) de s'embrouiller entre ses lectures profanes et les midrashim , et conseille –je crois- d'arracher cette page ou d'y coller un texte élogieux sur Moshé Rabeinou…

Beaucoup de 'hassidim se sont formalisé (suite à cet incident et aussi pour d'autres reproches sur d'autres passages de son commentaire) et considèrent (jusqu'aujourd'hui) le commentaire du Tiféret Israel comme "passoul" et interdit à la lecture.

[Ce que je trouve bien triste car ce magnifique commentaire –même s'il peut comporter quelques passages sur lesquels certains trouvent à redire- reste un des meilleurs, voire le meilleur commentaire sur les mishnayot.
Il est à ma connaissance encore inégalé pour sa concision et sa précision, même si certains commentateurs –comme le Tiféret Tsion (Yadler)- peuvent se mesurer à lui concernant l'originalité de leurs 'hidousim.]

Ce qui est étonnant quand on réfléchit à cette mise au ban, c'est que l'on retrouve un peu cette idée dans le Or A'haim Akadosh (grand favori dans le monde 'hassidique) dans parshat Vezot Abra'ha (Dvarim XXXIII, 1) où il écrit que les bonnes "midot" de Moshé lui sont "venues" par sa crainte du ciel, pas qu'il fût favorisé par la nature…

Cependant il semble un peu se contredire lorsqu'il écrit (dans Shemot III,4) que Moshé était "prophète" déjà avant de sortir du ventre de sa mère…

Mais le plus perturbant –pour ne pas dire choquant- c'est que cet enseignement qui fait de Moshé une sorte de "baal tshouva", se retrouve dans les sources 'hassidiques les plus classiques et les plus prestigieuses !
Par exemple dans les livres suivants:

-Kdoushat Levi (rabbi Levi Its'hak de Berditszow) dans parshat Trouma (en regardant rapidement maintenant je ne le retrouve plus, mais je suis certain de l'avoir vu dans le Kdoushat Levi. Dans la nouvelle édition il y a un index, vous y trouverez la référence exacte –de mémoire- sous Moshé).

-Or Pnei Moshé (rabbi Moshé de Psheworsk, décédé en 1806) au début de parshat 'Houkat.

-Pri Aarets . parshat Balak.

-Yisma'h Moshé . parshat Kora'h.

-Rav Tov . parshat Mishpatim.

-Yeitav Lev . parshat Matot (72b).

-Déguel Ma'hnei Ephraïm .fin de parshat Ki Tissa, au nom du BAAL SHEM TOV ! (et il explique avec ça l'idée de la suspicion d'adultère… voir encore Pardes Yossef shemot p.25 §4)

-Sidouro shel Shabbat (Shoresh VI, Anaf III, Ot XIV) au nom du ARI ZAL !!!

Dès lors, comment concevoir que l'on puisse reprocher au Tiféret Israel de citer ce que tous ces tsadikim ont cité ???

Chose qui m'étonne -particulièrement de la communauté 'hassidique qui connait pourtant bien ces livres, et me conforte dans l'idée que je me fais de l'impératif de faire usage de circonspection lorsque l'on souhaite blâmer un auteur au point d'en interdire la lecture.

En fait la source de ce "midrash" ce trouve déjà bien avant le Baal Shem Tov et même avant le Ari Zal.

La source la plus ancienne –à ma connaissance- est le "Ben Améle'h Veanazir" qui est un écrit d'époque guéonique.

Le Maarsham dans son Shut Maarsham (III,§256) mentionne aussi cette agada au nom du mefaresh dans le Akeida sur parshat 'Houkat et au nom du Ben Améle'h Veanazir.

Les accusations du rav 'Haim Its'hak Aaron sont donc tout à fait injustifiées.

Et le gaon rabbi Ze'haria Stern (dans son merveilleux Taalou'hot Aagadot 20a) ne manque pas de le lui reprocher , non sans répondre à une partie des arguments.

Il cite aussi le Teouda Beisrael de rav I.B. Levinzohn (il renvoie à la page 120 mais c'est une erreur, ça se trouve page 117) qui ramène une histoire similaire où le psycho-morphologue serait un certain Socrate (qui n'est pas le fameux maître de Platon, selon le rav Z. Stern), puis une autre version qui nous vient tout droit des écrits de Ciceron…

(le Teouda Beisrael n'est pas particulièrement apprécié dans le monde des yeshivot, ce qui n'est pas le cas de celui qui le cite, le rav Z. Stern).

Un autre point qu'il faudrait traiter c'est comment Moshé s'est-il laissé se faire peindre le portrait selon les nombreuses opinions kabbalistiques qui s'y opposent, mais c'est un tout autre sujet et je me rendד compte que je suis en train de vous écrire une "meguila" alors que vous ne demandiez qu'une simple référence !

Donc je m'arrête là et je n'entre pas dans cette autre souguia qu'est "se faire prendre en photo".
tragule
Messages: 28
Je me permets d'ajouter que rav Shelomo Aviner a consacré tout un livre, "ומדוע לא יראתם לדבר בעבדי במשה" pour repousser différentes théories parlant de la jeunesse de Moshé Rabbenou (dont une qui veut qu'il était en dilemme pendant des années entre la avodat hachem et la avoda zara).

Entre autres, il parle de ce midrach, et dit au nom d'un certain chercheur (il me semble quil se nommait Liberman, et qu'il était également rabbin - par contre je n'ai plus la référence), que la personne avec les mauvais traits était Socrate même.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Merci pour votre contribution. Je ne connais pas ce livre.

Le chercheur dont vous parlez, c'est Rav Shaül Lieberman, un grand talmudiste du XXème siècle, professeur de Talmud au Jewish Theological Seminary of America.

Il a étudié le Talmud à Slabodka et a aussi suivi des études de 'hol à Kiev et autres, il est décédé il y a une trentaine d'années.

Malgré que certains lui aient reproché d'avoir choisi d'enseigner au Jewish Theological Seminary of America, il était apprécié par plusieurs rabanim.
Ce qui est clair, c'est qu'il n'a pas abandonné la pratique des mitsvot.

Quant à l'idée de savoir si c'est Socrate ou non, vous semblez ne pas avoir lu tout ce que j'écrivais plus haut, je me cite:
Citation:
le Teouda Beisrael de rav I.B. Levinzohn (...page 117) ... ramène une histoire similaire où le psycho-morphologue serait un certain Socrate (qui n'est pas le fameux maître de Platon, selon le rav Z. Stern), puis une autre version qui nous vient tout droit des écrits de Ciceron…

Certes vous parlez de l'analysé et moi de l'analyseur, mais il semblerait qu'il y ait de toute manière un quiproquo, car il n'y a pas eu qu'un seul "Socrate" sur terre.
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